Tout s’épuise un jour sauf le bien et les œuvres que tu as réalisés. Ahmed Dini Farah est une figure emblématique, un monument historique du cinéma djiboutien et de la Radiotélévision de Djibouti. Concepteur du plus grand long métrage du pays, « Le Grand Moussa », il est un cinéaste talentueux et intellectuel engagé qui a su mettre son savoir et son talent de réalisateur au service de sa population.
Titulaire d’un Deug en Économie Politique et d’une Licence en cinématographie, obtenus en 1979 à Paris VIII, il fut un apport inestimable au contenu de la télévision de Djibouti.
Désireux de se faire entendre par le plus grand nombre, Ahmed Dini Farah trentenaire rentre au bercail en 1980 avec le choix et l’espoir de s’exprimer à travers le cinéma. Par la suite, il entame sa carrière à la RTD par le métier de Réalisateur en se consacrant à la réalisation des journaux télévisés, des téléfilms, de documentaires et divers sketchs. En 1981, il procède à l’élaboration d’une émission sur la Constitution en quatre langues, et à la conception d’un documentaire sur la ville d’Obock, l’Usine de Tadjourah de l’époque et l’intronisation du Sultan de Tadjourah en 1985.
Puis, il signe enfin son premier court métrage intitulé « LE MIRAGE » où il relate les aventures d’une jeune fille de la brousse découvrant la ville et forcée de se marier avec son « Absouma » son cousin maternel, le clivage de deux cultures celle de la brousse et celle de la ville avec tous les rigueurs de la tradition afar archaïque.
Ahmed contemplait la vie quotidienne de son pays d’un œil critique et un regard caustique dénonçant la pratique du «Absouma » coutume primitive existant toujours même en ville. Un téléfilm réalisé en collaboration avec Omar Khelifi, grand du cinéma d’Afrique du Nord et joué sur place par des acteurs djiboutiens.
Dans le milieu des professionnels du 7e art on l’appelait affectueusement « le Grand Dini ». A cet époque des années 80, il participa à plusieurs reprises aux festivals continentaux dont le Festival des Radio et Télévision arabes du Caire en Egypte, puis celui de l’Audiovisuel de l’Afrique francophone a Bamako, au concours des prix TRANSTEL/URTNA de Nairobi où il fut membre des jurys en 1988, il fut assistant producteur du film «Après la pluie » de Camille de Casablanca.
Or, c’est en janvier 1984 que notre réalisateur national devient un galactique du cinéma de premier ordre et un personnage de premier plan avec la réalisation du plus grand long métrage de Djibouti, le film « Le Grand Moussa » ou il dépeint avec humour et sans concessions l’histoire d’un nain, sans emploi, rejeté par la société qui décide de devenir un escroc de haut vol. Un long métrage qui a eu un fort succès auprès des téléspectateurs djiboutiens et dans une époque où la ville de Djibouti s’agrandit.
Le film LE GRAND MOUSSA a été présenté au Symposium du film panafricain organisé à Mogadisho et intitulé le MOGPAFIS (Le Fespaco de l’époque) ou il a été apprécié par l’ensemble des participants du continent. M. Tahar Cheria, grande figure du cinéma africain a souligné que c’est dommage qu’un sujet aussi original n’ait pas été sous-titré et présenté dans les festivals.
M. Farid Boughedir du journal Jeune Afrique écrit à son tour un article sur «Le Grand Moussa le 20 Novembre 1985 et comme titre « Djibouti a créé la surprise». Il écrit dans un passage que lors du festival de Mogadisho la plus grande surprise est venue de Djibouti avec un long métrage de Ahmed Dini, un film surprenant tourné en vidéo avec un faible moyen qui raconte l’histoire d’un nain contraint et transformé par la société en grand cambrioleur.
Par la suite Ahmed Dini a produit plusieurs court-métrage qui font désormais partie du patrimoine culturel djiboutien dont celui de « QOFKA IYO SHAYDANKA » soit l’homme et la tentation joué. Un téléfilm superbement bien joué et interprété par Abdo Hamargod après celui du GRAND MOUSSA, un téléfilm qui met en exergue les ravages du Sida, une maladie peu connue à cette époque et qui semblait un sujet tabou pour en parler. Abdo Hamargod a pris son courage à deux mains pour jouer le rôle d’une personne atteinte par le virus du sida.
Malheureusement après, sa vie quotidienne devient un calvaire, en récompense du rôle qu’il a remarquablement interprété, il se fait traiter de sidéen partout dans la capitale. Hommage à un immense artiste national polyvalent, qu’Allah l’accepte dans son paradis.
Auteur, réalisateur et cinéaste, Ahmed DINI était aussi connu pour la réalisation des émissions enfantines tel que le programme télévisé de 1996 intitulé « Tiroirs des Enfants » animé par la grande journaliste Hasna Maki, une émission qui a eu un grand succès auprès des foyers djiboutiens.
En remerciement de ses travaux acharnés et des valeurs reconnues de son travail à la Radiotélévision de Djibouti (RTD), Mr Ahmed Dini Farah est nommé en 1996 Directeur-Adjoint de la RTD, puis élevé et décoré en 2014 par le président de la République son Excellence Mr Ismael Omar Guelleh d’une médaille d’officier d’honneur. Pour Ahmed Dini Farah, chaque seconde a compté avec la Radiotélévision de Djibouti.
En février 2023, avec son ami de conviction le grand NABIL DORANI également réalisateur, ils ont été invités et mis à l’honneur lors du dernier Festival du Film Djiboutien au titre des doyens du cinéma national pour recevoir de la part du Ministre de la Culture et de la Jeunesse Mme Hibo Moumin Assoweh un trophée de mérite pour leur talent et accomplissement.
Dans la vie de tous les jours et au-delà de ses 70 ans passés sur terre, Ahmed Dini Farah passe pour une personne très communicante à l’égard de ses interlocuteurs, et ceux qui le connaissaient savent que c’est quelqu’un de grand cœur qui aimait toujours transmettre ses expériences aux cadets.
Avec les pionniers du cinéma africain Omar Sharif le renommé acteur égyptien, Ousmane Sembene du Sénégal et le tunisien Tahar Cheria qu’il a longtemps croisé dans les coulisses des festivals de Cinéma, ils formaient de grands réalisateurs partageant les mêmes convictions, complices et tout aussi engagés. Ils représentaient les pères du cinéma africain.
Ahmed Dini Farah s’est lancé dans le cinéma pour donner une image de Djibouti et de l’Afrique à travers ses films culturels et sociaux pour atteindre pour passer un message fort tranchant, sans filtre et profond.
Saleh Ibrahim Rayaleh