Le Chef de l’Etat, M. Ismail Omar Guelleh, a procédé, tard dans la nuit de jeudi à vendredi (00H10), dans une allocution faite par visioconférence à la 75ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’inventaire global des grands traits et orientations qui définissent la vision de Djibouti en matière de diplomatie internationale. Dans cette intervention, le Président de la République a fait état du caractère éminemment important que notre pays attache à la notion de solidarité des Etats dans les pratiques liées aux relations internationales. Il définit ensuite le règlement des litiges par la voie du dialogue comme étant un autre principe phare de souscription pour la vision de Djibouti en matière de diplomatie internationale. Nous vous reproduisons ci-dessous l’intégralité du discours du Président de la République à la 75ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Permettez-moi d’emblée, Monsieur le Président de vous féliciter très chaleureusement pour votre élection à la 75ème session de l’Assemblée Générale. Cette session historique placée sous le triple signe de la commémoration du soixante quinzième anniversaire de l’ONU, du vingt-cinquième  anniversaire de la Déclaration et du Programme d’Action de Beijing ainsi que de la décennie de l’action 2020-2030 pour la réalisation des Objectifs de Développement Durable, que vous avez l’insigne honneur de présider revêt une profonde signification pour les États Membres.

Je puis vous  assurer du plein appui et de la coopération de mon pays.

Je souhaite également adresser nos sincères félicitations  à votre prédécesseur le Professeur Tijani Bande et son équipe pour les efforts déterminants déployés en vue d’assurer la continuité des activités de l’Assemblée Générale dès le début de la crise mondiale  sanitaire.

Nous réitérons notre profonde gratitude au Secrétaire général pour la présentation de son rapport annuel contenant une analyse pertinente des enjeux globaux actuels et des défis majeurs auxquels nous sommes confrontés. S’il ne contient pas de recette miracle, les solutions qu’il préconise constituent un antitode sûr contre le pessimisme et la tentation du désespoir.

L’année dernière, déjà dans notre analyse de l’état du monde, nous exprimions nos préoccupations quant à certaines tendances lourdes qui se dessinaient.  Parmi celles-ci, nous citions la pauvreté, l’inégalité, le changement climatique, la faiblesse du volume d’investissement, la lenteur de la mobilisation des ressources nécessaires pour la mise en œuvre effective des objectifs de développement durable, la persistance des conflits et la montée du  terrorisme

Nous avions également souligné l’impact négatif que les bouleversements géopolitiques en cours, la montée des tensions dues à la guerre commerciale et les prévisions de baisse de la croissance économique pourraient avoir sur le combat contre la pauvreté et la promotion de la coopération internationale.

Mais l’année 2020 ne ressemble en rien aux années précédentes ! Elle demeurera à jamais gravée dans les annales de l’histoire comme l’année au cours de laquelle le monde aura subi des secousses d’une violence inouïe.  L’éruption de la pandémie du COVID-19 a constitué un évènement majeur dont l’impact sanitaire, politique, économique et humanitaire aura été considérable.

Les bouleversements majeurs qu’elle a entrainés ont eu de lourdes conséquences économiques et affecté tous les secteurs de l’économie, en particulier le tourisme et le secteur de l’économie informelle, qui emploie une part importante de la population dans les pays à faible revenu.  Les mesures de confinement que les Etats ont dû adopter pour éviter la propagation du virus ont conduit à la perte massive d’emplois et ont généré de réels problèmes de liquidité.  Le COVID-19, selon la Banque Mondiale, plongerait l’Afrique dans sa première récession depuis plus de 25 ans.

Les projections sur le creusement des déficits publics au sein de nos pays sont préoccupantes. D’où l’importance d’une réponse appropriée des institutions financières internationales et des partenaires bilatéraux en faveur des pays en voie de développement qui, certes, fournissent des efforts considérables pour faire face àla crise mais qui, de toute évidence, ne pourront parvenir seuls àen contenir les effets dévastateurs. La pandémie du COVID-19 a affectéd’une manière disproportionnée les femmes, les enfants, les personnes âgées, les migrants et les réfugiés.  Nous devons veiller à ce que dans notre riposte une attention prioritaire soit consacrée àces catégories de la population.

Qu’il me soit permis ici de souligner ànouveau l’importance critique d’accélérer nos efforts en vue de réaliser l’objectif 5 des ODD qui est de parvenir àl’égalitédes sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, socle transversal àla réalisation du programme du développement durable d’ici 2030.

Nous avons, à Djibouti, pris très vite la mesure de la gravité de la crise et avons mis en place des mesures sanitaires urgentes afin de contenir la propagation du virus.  Grâce à une politique de contrôle des frontières, de confinement, de politiques de tests massifs et de traitement de personnes infectées, le bilan que nous dressons aujourd’hui est largement satisfaisant. 

Nous voudrions ici saluer l’ensemble du personnel de santé dont le professionnalisme et le dévouement auront été exemplaires.  Ce succès, nous le devons également à la coopération de la population djiboutienne dont ladiscipline et la motivation dans le combat contre le COVID-19 est pour nous une source d’inspiration.

Nous saluons également la résilience face àla prolifération de fausses informations qualifiées « d’infodémics » par l’OMS.Ce n’est qu’à travers l’instauration de rapports de confiance, de dialogue véritable et permanent avec les citoyens que l’on peut venir àbout de cette épidémie.

En dépit des succès obtenus, notre action se caractérise par le rejet de la complaisance et l’exhortation àune vigilance de tous les instants.

S’agissant de l’impact de la crise du COVID-19 sur l’économie et l’emploi, même s’il est difficile de mesurerles effets àmoyen et long terme, en particulier sur le trafic maritime, Djibouti, àl’instar des autre pays africains, a été frappée de plein fouet par cette crise sanitaire.  Nous avons, en réponse, entrepris des mesures d’urgence visant à soutenir l’économie et l’emploi et créé un fonds spécial pour la solidarité sociale et de lutte contre le coronavirus.  Ces mesures ont eu pour effet de contenir les effets de la crise et nous avons pu également compter sur le soutien précieux des institutions financières internationales telle que la Banque Mondiale, le FMI, la BAD et l’appui des pays amis.

Il va sans dire qu’en raison de sa vulnérabilité aux chocs exogènes, les perturbations durables de la chaîne d’approvisionnement global, la baisse des flux d’investissements directs étrangers, les effets perturbateurs du changement climatique et le flux continu de réfugiés fuyant l’instabilité et les conflits, Djibouti espère compter davantage sur la solidaritéde ses partenaires et amis.

En dépit du lien étroit établi par les scientifiques entre le changement climatique et la pandémie du COVID-19, et l’explosion possible de zoonoses, les efforts dans la mise en œuvre des Accords de Paris n’ont pas enregistré les progrès escomptés.  Devant la gravité de la crise sanitaire et l’attention médiatique exclusive accordée au COVID-19, le changement climatique a été relégué au rang de priorité secondaire. 

Mais qu’on ne s’y trompe pas ! il nous faut rester vigilants ! De l’attention que l’on portera au combat contre le changement climatique et de ressources qu’on déploiera dans ce sens dépendra  notre succès dans les efforts de prévention de pandémies futures !

L’onde de choc provoquée par la pandémie pourrait avoir également un impact délétère sur la lutte contre le terrorisme et la gestion de conflits dans de nombreux théâtres. Certains groupes terroristes y ont vu une opportunité pour se réorganiser et profiter du vide sécuritaire créé par la lutte contre le COVID-19.  Les opérations de maintien de la paix en dépit de difficultés initiales ont heureusement pu s’adapter et se réorganiser afin de poursuivre le mandat vital qui leur ait confié. 

L’appel au cessez-le feu lancé par le Secrétaire Général a été largement entendu et nous soutenons l’exhortation qu’il a lancée à la communauté internationale à « redoubler d’efforts afin qu’il devienne une réalité d’ici àla fin de l’année ».

Nous nous félicitons des progrès économiques et politiques enregistrés en Somalie en dépit du triple choc du COVID-19, l’invasion des criquets et des inondations dévastatrices.  Les résultats des consultations initiées à Dhusamareb, l’accord sur un modèle électoralet l’élection d’un nouveau Premier Ministre sont autant de motifs de croire et d’espérer que la Somalie soit engagée sur une trajectoire positive et irréversible vers une paix et stabilité durables.

Nous appuyons fermement la mission de l’AMISOM dont l’objectif vise à dégrader la menace que pose Al-Shabab. Nous appelons la communauté internationale à continuer de fournir le soutien matériel logistique et financier adéquat. 

Nous suivons avec attention la mise en œuvre de l’Accord de Revitalisation qui a permis l’instauration d’un gouvernement de Transition d’Unité Nationale au Sud-Soudan.  Nous formons le vœu que les groupes armés non-signataires de l’Accord se rallieront dans les meilleurs délais aux efforts de paix conduits par la région et soutenus par la communauté internationale.  Le peuple du Sud-Soudan est  las de la guerre !  Il a consenti d’énormes sacrifices! Il mérite la paix!

Djibouti réitère son soutien aux efforts visant à réaliser une paix durable au Yémen en conformité avec la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité, l’initiative du Conseil de Coopération du Golfe  et les décisions de la Conférence Nationale de Réconciliation.  Nous appelons en outre les parties prenantes à travailler de bonne foi afin de mettre en œuvre les dispositions de l’Accord de Riyad et réaffirmons notre attachement à l’unité et l’intégrité territoriale du Yemen.

Nous demeurons extrêmement préoccupés par le risque environnemental majeur et la menace de marée noire que pose le tanker pétrolier FSO Tanker. Nous exhortons les rebels Houthis à coopérer de toute urgence avec les experts des Nations Unies, afin qu’ils puissent mener les inspections adéquats et les travaux urgents nécessaires, afin d’endiguer la menace.

Nous avons célébré virtuellement le 21 septembre dernier la commémoration du 75ème anniversaire de la création des Nations Unies et avons saisi l’opportunité pour réaffirmer la place centrale que doit occuper notre organisation dans les efforts collectifs visant à relever les défis auxquels nous sommes confrontés.

La lutte contre la pandémie du COVID-19 nous dicte l’impérieux devoir de collaborer et de travailler ensemble car il est maintenant avéré que si un de nous est en danger, nous sommes tous en danger ! Ce n’est pas une formule creuse ou une généralisation superficielle.

Les coûts en vies humaines et en pertes économiques sont est une démonstration concrète du danger de l’inaction.

Afin de sauver des vies, protéger les plus vulnérables et reconstruire sur des bases plus solides, il nous faut agir d’urgence et cet engagement doit s’inscrire dans la durée. Oui, les temps peuvent paraître sombres ! Mais c’est « là où le danger croît, comme dirait le poète allemand Hölderlin, que croît également ce qui sauve !