Les chefs d’états et de gouvernements des pays de l’IGAD, qui se sont réunies le samedi 9 décembre dernier, sous nos cieux, dans le cadre d’une 41ème session extraordinaire dédiée au Soudan, exigent un cessez-le-feu immédiat, la mise en place d’un dialogue politique entre les deux factions en guerre depuis huit mois dans ce pays, l’ouverture d’un couloir humanitaire pour soulager l’immense souffrance endurée par le peuple soudanais et condamne les interventions extérieures dans ce conflit au Soudan.

Huit mois après les affrontements opposant deux factions militaires à l’origine du putsch d’octobre 2021, l’une dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan des Forces armées soudanaises (SAF) et l’autre par le général Mohammed Hamdan Daglo, alias ‘‘Hemetti’’, des Forces de soutien rapide (RSF), les violences s’accentuent en Soudan, causant des milliers de morts et plusieurs millions de déplacés.

Trouver une solution à cette guerre dévastatrice est la première préoccupation des dirigeants des pays de la région de l’IGAD qui, depuis l’éclatement de ces affrontements en avril 2023, n’ont cessé de multiplier les efforts.

Samedi 9 décembre dernier, la question soudanaise était au centre des discussions entre les chefs d’états et de gouvernements, qui se sont réunis à Djibouti, dans le cadre d’une 41ème session d’une assemblée extraordinaire convoquée par le président en exercice de l’IGAD, le président de la république de Djibouti, Ismail Omar Guelleh.

Cette assemblée des dirigeants de l’IGAD, qui regroupe les pays de la région de la Corne de l’Afrique, à savoir la République de Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan, l’Érythrée, le Soudan du Sud et l’Ouganda, s’est tenue à l’hôtel Kempinski, en présence, outre le président Djiboutien, le président de la république fédérale de la Somalie, Hassan Sheikh Mahamoud, le premier ministre d’Ethiopie, Abiy Ahmed Ali, le président du Kenya, William Ruto, le président du conseil souverain de transition de la République du Soudan, Abdel Fattah Abdelrahman al-Burhan, le ministre de la défense de l’Ouganda représentant son président, l’ambassadeur James Morgan, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, représentant le président Salva Kiir du Sud Soudan, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mohammed, l’envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Soudan, Ramtane Lamamra, l’envoyé spécial des USA pour la Corne de l’Afrique, l’ambassadeur Mike Hammer, des diplomates de plusieurs pays du monde dont le nôtre, les représentants de l’ensembles des organisations humanitaires de Djibouti et de nombreuses autres personnalités.

Conscients des atrocités de la guerre au Soudan, tous ces dirigeants des pays membres de l’IGAD, ces nombreux diplomates et chefs d’organisations internationales réunis à Djibouti dans le cadre de la 41ème session extraordinaire cherchent à travers cette conférence à apporter une lueur d’espoir pour le peuple soudanais ravagé par huit mois de violations atroces.

Une série d’intervention…

De nombreux discours ont marqué cet événement d’importance capitale dans le domaine de la sécurité de la région, dont notamment celui du secrétaire exécutif de l’IGAD. Le Dr Workneh Gebeyehu a insisté sur la mise en œuvre de l’accord sur l’accès humanitaire conclu lors des pourparlers de Djeddah pour soulager a-t-il précisé « Nos concitoyens de la République du Soudan qui continuent de subir les conséquences de ce conflit prolongé », « Nous devons veiller à ce que les promesses faites se traduisent par un soulagement tangible sur le terrain » a souligné Dr. Gebeyehu, secrétaire exécutif de l’IGAD.

En ce qui concerne l’instauration d’une paix durable au Soudan, « nous devons insister sur l’établissement immédiat d’un accord de cessez-le-feu, faisant taire les armes » a-t-il dit aux dirigeants des pays membres de son organisation. « Ce n’est qu’à travers le dialogue que nous pourrons aborder les causes profondes du conflit, instaurer la confiance entre les parties impliquées et tracer une voie vers une paix durable qui respecte la dignité et les droits de tous les Soudanais » a-t-il plaidé.

Pour le président de la commission de l’Union Africain, Moussa Faki « la crise qui ravage le Soudan constitue une violation flagrante et généralisée des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Et les souffrances des civils sont devenues insupportables ». « Des enquêtes seront menées et les personnes reconnues coupables de ces crimes devront répondre de leurs actes » a déclaré le président de la CUA, Moussa Faki Mohammed.

L’envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies, Ramtane Lamamra, a qualifié d’indescriptibles les souffrances du peuple soudanais et de souligner l’impact terrible de cette guerre au Soudan sur la situation des droits de l’homme dans le pays, en particulier sur les femmes et les enfants. « Je suis consterné par les informations faisant état de violences sexuelles liées aux conflits, notamment de viols » a-t-il dit aux dirigeants des pays de l’IGAD, avant d’indiquer « que le Soudan est le pays qui compte le plus grand nombre de personnes déplacées au monde ». « Il est manifestement urgent de redoubler d’efforts collectifs pour empêcher le pays de sombrer dans un nouveau chaos » a observé l’ambassadeur Lamamra.

L’envoyé spécial des USA aux affaires de la région de la Corne de l’Afrique, Mike Hammer, partage la même conviction. Dans son intervention, l’ambassadeur Hammer a abordé une question concernant la fourniture d’armes aux parties belligérantes qui, a-t-il dit, « constitue un risque qui pourrait provoquer la partition du Soudan, la perturbation de la sécurité régionale et le retour au pouvoir des islamistes radicaux doit cesser ». « Nous faisons notre part pour montrer clairement que cela est inacceptable et ne fait qu’attiser le conflit » a-t-il déclaré en substance.

Pour clôturer cette série d’interventions, le président de la République, également Président en exercice de l’IGAD, Ismail Omar Guelleh, a indiqué que « La violence croissante, qui a augmenté de 64 % au cours de l’année écoulée, constitue une grave menace pour l’existence même du Soudan et la stabilité de notre région ». « Faire taire les armes au Soudan n’est pas un choix ; c’est une nécessité absolue pour prévenir davantage de souffrances et l’effondrement potentiel de cette grande nation » a insisté le président Ismail Omar Guelleh.

L’IGAD condamne les interventions extérieures dans le conflit au Soudan…

Dans une déclaration à l’issue de cette 41ème session extraordinaire, l’assemblée des chefs d’Etats et de gouvernements des pays de l’IGAD appelle les parties en guerre, à honorer leur accord et leur engagement signé à Djeddah le 7 novembre 2023. Les États membres de l’IGAD ont été appelés à confirmer leurs engagements en matière de soutien humanitaire au Soudan.

Alarmé par les conséquences sans précédent du conflit en cours sur la vie et le bien-être des civils, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que sur la situation sécuritaire dans la région, les parties en conflit ont été appelées à cesser immédiatement et sans condition les hostilités, permettant un accès humanitaire sans entrave et la protection des civils dans les zones touchées.

« L’IGAD appelle la communauté internationale à exercer une pression maximale sur ceux impliqués dans le soutien au conflit »

Les interventions extérieures injustifiées dans le conflit au Soudan ont été condamnées. Les acteurs étatiques et non étatiques ont été exhortés à s’abstenir de fournir des ressources et du matériel de guerre aux parties en conflit. La communauté internationale a été appelée à exercer une pression maximale sur ceux impliqués dans le soutien au conflit.

L’assemblée a reconnu les initiatives de paix, en particulier celles impliquant les pays voisins du Soudan.Elle a plaidé en faveur d’une consolidation des efforts pour tracer une voie unifiée et coordonnée vers la paix, avec l’approbation de la feuille de route de l’IGAD par l’UA et le Conseil de sécurité de l’ONU. L’assemblée a en outre souligné qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise actuelle au Soudan. Elle a appelé à un processus de médiation ancré en Afrique, coordonnant les efforts nationaux, régionaux, continentaux et internationaux, sous les auspices de l’IGAD et de l’UA.

L’IGAD s’est engagée à soutenir un processus politique inclusif dirigé par des civils pour amener le Soudan vers un régime démocratique viable. Des efforts ont été accélérés pour organiser un dialogue civil entre les Soudanais et leur direction, facilité par l’IGAD et l’UA.

Enfin, l’assemblée a décidé de rester activement impliquée dans ces questions, chargeant le Secrétaire exécutif de l’IGAD de coordonner les efforts de médiation et de présenter des candidats pour un Envoyé spécial de l’IGAD au Soudan.

Rachid Bayleh