La république de Djibouti a abrité hier, la 3ème Conférence ministérielle de suivi Afrique-Türkiye. Marquant un nouveau chapitre dans la coopération entre la République de Turquie et les pays du continent africain, l’événement qui s’est tenu à l’hôtel Kempinski a réuni les chefs de diplomatie africaine et turque autour d’un programme
Les ministres des affaires étrangères du continent africain et leur homologue de la Turquie, Hakan Fidan se sont retrouvés hier à Djibouti dans le cadre d’une conférence visant à évaluer les programmes de partenariat adoptés lors du sommet Turquie-Afrique qui s’est tenu à Istanbul en Turquie en décembre 2021. Présidé conjointement par le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République de Djibouti, pays hôte de cette rencontre d’importance capitale en ce qui concerne le développement socio-économique mais également sécuritaire, M. Mahmoud Ali Youssouf, le ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan, le ministre des affaires étrangères de la république islamique de Mauritanie, pays qui assure la présidence de la conseil exécutif de l’Union Africaine, Mohamed Salem Merzoug et le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, l’évènement a réuni à l’hôtel Kempinski, les chefs de diplomatie et des délégations d’une quinzaine de pays du continent africain.
Les discussions de cette conférence se sont centrées sur l’évaluation et la mise en œuvre du Plan d’Action Conjoint (PAC) 2022-2026, issu du Sommet de Partenariat d’Istanbul en décembre 2021. Ce plan, ambitieux et structuré, vise à répondre aux défis spécifiques des États africains en s’appuyant sur l’expertise et le soutien de la Turquie.
En effet, dans le domaine de la paix, de la sécurité et de la gouvernance, la Turquie collabore avec les pays africains pour renforcer les capacités de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (APSA). Cette aide prend la forme de séminaires, formations et échanges d’expertise visant à construire une gouvernance plus résiliente face aux défis sécuritaires. Concernant le commerce, les investissements et l’industrie, le partenariat Afrique-Türkiye encourage les échanges et les initiatives économiques en vue de dynamiser le commerce intra-africain et attirer de nouveaux investissements. La Turquie, forte de son développement industriel, soutient les initiatives visant à accroître les échanges avec l’Afrique, contribuant ainsi au renforcement de l’autonomie économique du continent.
En ce qui concerne l’éducation et développement des compétences en STI. Un secteur qui constitue un levier essentiel pour l’avenir, particulièrement pour la jeunesse africaine, la Turquie participe à la formation de jeunes talents africains dans les domaines de la science, de la technologie et de l’innovation. Les initiatives incluent des bourses d’études, des partenariats universitaires, et des programmes de formation pour favoriser l’émancipation des jeunes et des femmes dans ces secteurs d’avenir. Pour ce qui est du développement des infrastructures et de l’agriculture, la Turquie soutient la construction d’infrastructures durables en Afrique, une base nécessaire pour un développement équilibré et inclusif. Par ailleurs, des projets agricoles visent à renforcer la sécurité alimentaire sur le continent, un enjeu vital face aux défis climatiques et à la croissance démographique. Les systèmes de santé résilients constituent un autre volet du partenariat turco-africain. Lequel promeut la création de systèmes de santé résilients et accessibles. Cette collaboration s’étend de la fourniture de technologies médicales à la formation de personnel de santé, afin de renforcer les capacités des systèmes africains à gérer les crises sanitaires globales.
Des relations ancrées dans des valeurs communes
Dans son mot de bienvenue, le ministre djiboutien des affaires étrangères et de la coopération internationale, Mahmoud Ali Youssouf a mis l’accent sur l’importance de la lutte commune contre le terrorisme, qui renforce les bases du partenariat Afrique-Turquie, non seulement en matière de sécurité, mais aussi dans une vision de paix et de stabilité pour les peuples. « Cette conférence est l’occasion pour nous de renforcer les liens qui unissent nos peuples et nos nations, et de bâtir ensemble des ponts solides dans un monde marqué par de profondes transformations » a-t-il souligné avant d’évoquer l’importance du partenariat des pays d’Afrique avec la Turquie.
Ce partenariat ne se limite pas aux aspects économiques ou politiques. Comme l’a souligné M. Mahmoud Ali Youssouf, les relations entre l’Afrique et la Turquie reposent sur des valeurs historiques, culturelles et politiques qui ont forgé des liens de confiance et de respect mutuel. Cette coopération s’inscrit dans un processus de longue durée, où chaque projet vise à consolider une amitié sincère et durable entre les peuples.
M. Mahmoud Ali Youssouf a rappelé les secteurs prioritaires qui constituent selon lui, les axes stratégiques de cette coopération, et qui vont de la sécurité à la santé en passant par le développement des infrastructures.
Le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République de Djibouti, a également évoqué l’importance de bâtir des ponts solides dans un monde marqué par de profondes transformations. Les crises actuelles, qu’elles soient sanitaires, économiques ou sécuritaires, appellent à une solidarité renforcée. Ce partenariat constitue ainsi un modèle d’alliance proactive et adaptable, illustrant la capacité des deux parties à œuvrer ensemble pour un avenir plus stable et prospère. Après remerciement pour l’accueil chaleureux, le ministre des affaires étrangères de la république de Turquie, M. Hakan Fidan qui l’a suivi, a salué le potentiel de l’Afrique, notamment sa population jeune et son marché en croissance, tout en reconnaissant les défis auxquels le continent fait face, tels que le terrorisme, le changement climatique et la migration irrégulière. Il a souligné que la Turquie entretient un partenariat stratégique avec l’Union africaine depuis 2008, développant des relations bilatérales adaptées aux besoins spécifiques de chaque pays africain. Le ministre turc des affaires étrangères a mis l’accent sur l’importance de soutenir les initiatives africaines pour résoudre leurs propres problèmes, citant notamment le conflit au Soudan qui nécessite des actions concertées pour parvenir à une solution durable.
M. Hakan a en outre rappelé l’engagement de la Turquie dans divers projets visant à renforcer les capacités africaines, notamment dans la lutte contre le terrorisme, le développement économique, la sécurité alimentaire, la santé et le secteur privé. Il a mis en avant les efforts de la Turquie pour accroître les échanges commerciaux avec l’Afrique, qui ont atteint 35 milliards de dollars. Le ministre a aussi souligné l’importance des visites de haut niveau, notamment celles du président Erdogan, pour renforcer les liens entre les peuples africain et turc et soutenir l’agenda 2063 de l’Union africaine.
Pour clôturer son intervention, le ministre des affaires étrangères de la République de Turquie, M. HakanFidan a abordé les questions internationales, dénonçant les injustices envers le peuple palestinien et appelant à des sanctions contre Israël. Il a réaffirmé que l’Afrique pourrait jouer un rôle crucial dans la promotion d’une solution pacifique pour la Palestine avant de souligner la nécessité de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU pour mieux refléter les préoccupations africaines et a exprimé son souhait que le prochain sommet Turquie-Afrique en 2026 renforce encore davantage ce partenariat stratégique.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a pour sa part, souligné les progrès du partenariat Afrique-Türkiye, établi en 2008 et consolidé à travers plusieurs sommets et plans d’action. « Cette réunion vise à évaluer le Plan d’action conjoint 2022-2026, un jalon important pour la coopération stratégique entre les deux parties » a-t-il rappelé. Dans un contexte mondial complexe, marqué par des défis de sécurité, de justice sociale, et de gouvernance, le président de la commission de l’Union africaine, a indiqué que cette collaboration exige une évaluation rigoureuse et des ajustements continus pour maximiser les bénéfices mutuels avant de mettre en lumière des défis globaux, qu’il a qualifiés de “quadrature”, incluant la dégradation de la sécurité internationale, la crise climatique, les inégalités structurelles, et le déclin du multilatéralisme.
M. Moussa Faki Mahamat a, dans la foulée, insisté sur la nécessité de transformer les intentions en actions concrètes et pragmatiques. Il a souligné que ce partenariat doit être visible et orienté vers des résultats mesurables, afin de répondre aux aspirations des populations africaines et turques. L’Union africaine, dotée de nouveaux outils comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) offre désormais des instruments pour renforcer cette coopération. Enfin, il a souhaité que ce partenariat soit un modèle de coopération gagnant-gagnant et a exprimé son espoir de voir l’Afrique et la Türkiye poursuivre sur cette voie prometteuse, qui allie paix, justice et développement. Quant au ministre mauritanien des Affaires étrangères, ministre dont son pays assure la présidence du conseil exécutif de l’UA, M. Mohamed Salem Merzoug, a rappelé les vingt années de collaboration entre la Turquie et l’Union africaine, un partenariat qui a-t-il précisé « a permis de renforcer les relations diplomatiques et les échanges commerciaux ».
Ce rapprochement, fondé sur des valeurs de respect mutuel et de coopération bénéfique, constitue selon lui, une plateforme solide pour aborder les priorités stratégiques africaines, telles que la paix, la gouvernance, le développement humain, et l’infrastructure, conformément aux objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. M. Mohamed Salem a également évoqué les enjeux mondiaux actuels, tels que la guerre en Palestine, la jeunesse africaine comme atout démographique, et l’importance de la cohérence juridique pour renforcer l’Union africaine. Merzoug a souligné que le respect des règles internationales est essentiel pour bâtir des partenariats solides et répondre aux défis du monde contemporain. Enfin, il a transmis les salutations du président mauritanien et président en exercice de l’Union africaine, M. Mohamed Cheikh el-Ghazouani, en souhaitant un plein succès aux travaux de la conférence.
Un modèle de coopération durable
À travers des projets concrets et une vision partagée, l’Afrique et la Turquie tracent une voie de développement commun qui inspire d’autres régions. La Conférence ministérielle de Djibouti a permis non seulement de consolider les acquis, mais aussi d’envisager de nouvelles perspectives pour l’avenir.
Dans un contexte mondial incertain, ce partenariat symbolise une coopération basée sur la solidarité, le partage de savoir-faire et une volonté commune de relever les défis de demain.
RACHID BAYLEH