Nous reproduisons dans ces colonnes la quintessence du vibrant discours d’ouverture prononcé par le président de la République, Ismaïl Omar Guelleh, à l’occasion du sommet du Conseil de paix et de Sécurité que notre pays a présidé dans le cadre de la 33e session ordinaire de l’Assemblée de l’Union Africaine.

« Au moment où la république de Djibouti assume la présidence du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, je voudrais souligner l’impératif de ce sommet destiné à trouver une issue à deux crises intimement liées dans notre continent, notamment la crise en Libye et celle  qui prévaut au Sahel. Nous en sommes tous conscients, la sécurité et la stabilité en Libye et, par conséquent, au Sahel sont parties intégrantes de la paix, de la sécurité et de la stabilité du monde.

La chute de l’Etat libyen en 2011 a été l’élément multiplicateur de l’embrasement de l’espace sahélo-sahélien. Dès lors, toute proposition qui se veut efficace doit nécessairement intégrer la résolution de la crise libyenne. Je ne vous apprends rien en disant que les interférences extérieures dans les affaires internes libyennes ont bouleversé l’échiquier régional entrainant une déstabilisation du Mali, du Niger et du Burkina Faso ainsi que l’émergence d’acteurs malveillants qui fragilisent nos états, sèment la mort au quotidien,  provoquent des réfugiés et personnes déplacées par milliers et détruisent les services sociaux de base.

Depuis le début de la crise libyenne, l’Afrique a été marginalisée, frustrée dans ses efforts de solidarité avec leurs frères

Nous l’avons déploré à maintes reprises  et, aujourd’hui, la situation en Libye et ses conséquences sur toute une région sont révélatrices des limites du multilatéralisme chaque fois que l’Afrique n’est pas associée au règlement de ses propres problèmes.

Il est temps que nous récupérions nos prérogatives et que nous assumions nos responsabilités en reconsidérant collectivement cette situation et en expérimentant une autre nouvelle voie. C’est pourquoi, notre réunion se doit de proposer une feuille de route, claire et exhaustive afin de répondre au défi de l’instabilité multidimensionnelle dans l’espace sahélo-saharienne.

Trois points méritent d’être abordés sans tabou :

Premièrement, quelle est notre stratégie à court, moyen et long terme ? Où en est le processus d’élaboration ? Tient-elle compte de la spécificité des menaces dans la région Sahélo-Saharienne ? Quels en sont les objectifs et les priorités ? Au regard de la corrélation entre crise libyenne et l’instabilité dans le Sahel, ne faut-il pas adopter une stratégie unique ?

Deuxièmement, que proposons nous au regard du  règlement des crises politico-sécuritaires actuelles. Pour citer, notre frère le Président Pierre Buyoya, il y’a un embouteillage dans le Sahel. Tout le monde veut faire ou veut être vu en train de faire quelque chose. Par conséquent, il convient d’identifier et surtout d’opérationnaliser la plus-value de l’Union Africaine en complémentarité avec l’existant, notamment la CEDEAO, la Force conjointe du G5 Sahel et la Force Multinationale Mixte.

Mobilisons le Fonds pour la Paix afin de financer les initiatives africaines

Enfin, comme je l’ai dit à Brazzaville, il est impératif de revoir notre dispositif. Nous avons actuellement un comité ad hoc pour la Libye, deux hauts représentants du président de la Commission dans la région, deux chefs de bureau de liaison, une mission pour le Mali et le Sahel, deux bureaux de liaison en Libye et au Tchad. Cette configuration est-elle optimale? Ces entités disposent-elles des ressources financières et humaines adéquates pour remplir leur mandat dans un environnement volatile.

Pour rappel, en septembre 2019, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se sont engagés lors de leur dernier sommet extraordinaire de mobiliser un milliard de dollars sur quatre ans pour lutter contre le jihadisme dans la région. J’ai proposé, à mon tour, à Brazzaville que nous. Il est crucial que le Conseil se prononce sur cette question.

Si l’Afrique veut faire entendre sa voix et agir de manière efficace, il faut que nous apportions des réponses claires à ces questions

Le  présent sommet se tient quelques semaines après le Sommet de Pau, la Conférence Internationale de Berlin et la réunion de haut niveau de Brazzaville. Il convient de saluer toutes ces initiatives et particulièrement la coalition du Sahel, issue de la déclaration conjointe des Chefs d’Etat du G5 Sahel et de la république française, qui comprend 4 piliers, notamment la lutte contre le terrorisme, le renforcement des capacités militaires, l’accompagnement pour le retour de l’Etat et de l’administration et enfin l’assistance au développement, tout en mettant en relief la centralité de l’Afrique. Si l’Afrique veut faire entendre sa voix et agir de manière efficace afin de contribuer à la stabilisation du Sahel, au bien-être des populations, il faut que nous apportions des réponses claires à ces questions. Avant de terminer, je voudrais adresser mes remerciements au président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, pour son engagement ainsi que  les efforts inlassables qu’il déploie dans une diplomatie agissante en faveur de la paix en Libye ».