Les 21 et 22 octobre 2019 a eu lieu au palais du peuple la conférence nationale de haut niveau sur la population et le développement (CIPD). Cette conférence qui a été initiée par le ministère de la femme et de la famille et l’UNFD, avec l’appui du FNUAP et de l’OIM, a réuni de nombreux membres du gouvernement, des parlementaires, des hauts cadres de différents ministères sectoriels, la société civile, etc. L’objectif de cette conférence est de renforcer l’engagement du gouvernement et des partenaires au développement sur les questions qui lient la population et le développement dans le respect de la Déclaration de Nairobi concernant la CIPD+25. En effet, dans 3 semaines aura lieu la conférence de Nairobi sur la CIPD+25. Cette conférence intervient 25 ans après celle du Caire en 1994 qui avait réuni 179 gouvernements. Ces derniers ont reconnu l’importance des droits de la santé sexuelle et reproductive, l’autonomisation des femmes et l’égalité des genres. J’étais présent à cette conférence de Djibouti et j’y serais inchallah à celle de Nairobi. En tant que pédiatre et parlementaire, cette thématique m’intéresse beaucoup.  C’est pourquoi cette semaine, j’écris quelques lignes sur les mutilations génitales féminines.

Les mutilations génitales féminines (MGF) sont pratiquées depuis des milliers d’années partout dans le monde malgré leurs effets néfastes sur la santé des jeunes filles et des femmes. L’Organisation Mondiale de la Santé définit les MGF comme toute intervention incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou la lésion des organes génitaux externes pour des raisons culturelles ou religieuses ou pour toute autre raison non thérapeutique. Les MGF sont classés en 6 types selon la sévérité des lésions ou des mutilations. Le type III est le plus pratiqué à Djibouti.

L’origine des MGF est incertaine mais nombres de chercheurs l’attribue à des pratiques de la région du Haut Nil (Egypte) au temps des Pharaons. Ensuite, ces pratiques se sont répandues en Afrique et au Moyen orient. Des millions des femmes encore en vie ont souffert de ces pratiques néfastes et obscures. D’autres milliers sont décédées suite à des complications des MGF.

Les mutilations génitales féminines sont pratiquées pour un certain nombre de raisons :

psychosexuelles : pour atténuer le désir sexuel chez la femme, préserver la chasteté et la virginité avant le mariage

sociologiques : par respect des traditions culturelles, pour l’initiation des filles au statut de femme adulte, l’intégration sociale et le maintien de la cohésion sociale

hygiéniques et esthétiques : dans certaines sociétés, les organes génitaux externes de la fille et de la femme sont jugés sales et laids et sont donc enlevés à des fins hygiéniques et esthétiques

religieuses : les mutilations génitales féminines sont pratiquées dans un certain nombre de communautés où l’on croit à tort que certaines religions l’exigent.

A Djibouti, la pratique des MGF était largement répandue il y a quelques années. Mais, elles sont en perte de vitesse suite aux efforts de l’UNFD et de sa Présidente, Mme Kadra Mahmoud Haid.

Les mutilations génitales féminines constituent une violation fondamentale des droits des filles et des femmes tels qu’ils sont énoncés dans de nombreuses conventions internationales et notamment dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

A Djibouti, Les MGF ont d’abord été incriminées et punies en vertu de l’article 333 du Code pénal, qui traite de la violence ayant entraîné une « mutilation génitale. La Loi 55/AN/09/6ème L de 2009 relative à la violence contre les femmes, notamment les MGF, punit les auteurs, instigateurs et les complices qui seront reconnus coupables d’avoir exercé ou eu connaissance des pratiques d’excision.

L’incidence exacte de la morbidité et de la mortalité liées aux MGF est difficile à évaluer. Et pour cause, seulement 15 à 20% de ces complications seraient connues du milieu médical. De nombreuses exciseuses prennent en charge elles-mêmes les complications. Mais aussi, la peur des représailles ou l’ignorance expliquent le non recours aux soins. Les conséquences physiques et psychologiques de ces pratiques sont vastes affectant la santé physique, mentale, psychique, sexuelle, reproductive et le bien-être des femmes.

Les complications à moyen ou long terme sont :

– La douleur abdominale aiguée ou chronique

– L’hémorragie responsable d’anémie

Les infections telles le tétanos, les hépatites B et C, le VIH, la salpingite, la pelvipéritonite, etc.

– Les lésions des organes de voisinage telles que l’urètre, le rectum, etc.

– La rétention aiguée d’urine

– Les troubles urinaires

– L’absence de cicatrisation, les cicatrices chéloïdes

– Les dysménorrhées

– Les fistules vésico-vaginales ou recto-vaginales

– Les complications psychologiques

– Les complications obstétricales

– La stérilité

– Le décès

Face à tous ces complications qui sont réelles et qui empoissonnent la vie des jeunes filles et des femmes, les responsables politiques gouvernementaux, les parlementaires, les organismes internationaux, les associations professionnelles, les dirigeants communautaires, les chefs religieux doivent redoubler d’efforts pour lutter et éliminer les MGF.

Cette lutte contre les MGF passe d’abord par la prévention et la sensibilisation des mères et des grands-mères sur les questions de droits des personnes et des violences faites aux femmes. La recherche souligne l’importance de collaborer avec les communautés, dans une perspective d’investissement à long terme mettant l’accent sur les droits fondamentaux de la personne pour susciter un changement de comportement collectif.

La lutte contre les MGF se focalise aussi sur la formation des associations, qui luttent contre les préjugés et l’ignorance, et les professionnels de santé.