
En visite officielle à Djibouti, le ministre somalien des Waqfs et des Affaires musulmanes, Cheikh Moktar Roobow Ali, a été reçu par son homologue djiboutien, Moumin Hassan Barreh. Au-delà des échanges politiques et spirituels, c’est surtout la gestion moderne et rigoureuse des Biens Waqfs qui a retenu l’attention de la délégation somalienne. Ce modèle de gouvernance religieuse fait aujourd’hui de Djibouti une référence régionale.

Arrivé samedi après-midi sur le sol djiboutien, le ministre somalien des Affaires musulmanes et des Biens Waqfs, Cheikh Moktar Roobow Ali, accompagné d’une importante délégation composée d’oulémas, de parlementaires et de hauts responsables de son département a été reçu le dimanche dernier par son homologue le ministre, Moumin Hassan Barreh entouré du Président du Haut Conseil Islamique de Djibouti, Cheikh Okieh Kowrah, du Directeur des Affaires musulmanes, Ismaël Hassan et du Directeur général de l’Institut Al Wasaatiya, Alsale Ahmed Abdallah.
Rappelons que cette rencontre bilatérale de haut niveau s’inscrit dans la continuité des efforts conjoints visant à renforcer les relations fraternelles et religieuses entre Djibouti et la Somalie, deux pays unis par la langue, la culture et la foi.
Après un message de bienvenu et remerciement de part et d’autre, les discussions entre les deux ministres ont essentiellement porté sur les voies et moyens de renforcer davantage la coopération entre leurs deux départements. L’occasion a été pour le ministre djiboutien des affaires musulmanes, M. Moumin Hassan Barreh, de mettre à profit, les avancées réalisées par notre pays dans la gestion des Biens Waqfs et de la zakat, piliers essentiels du développement communautaire ainsi que dans la promotion des valeurs de tolérance et de modération.

Ils ont également abordé la coordination des politiques religieuses, la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation, ainsi que la consolidation des échanges entre les institutions religieuses des deux pays.
Au cœur d’un modèle de financement innovant et durable
Intéressés par le programme de gestion des biens matériels légués par les djiboutiens, la délégation somalienne s’est rendue le lundi matin à la Direction générale des Biens Waqfs, où elle a été accueillie par le ministre Moumin Hassan Barreh, accompagné du secrétaire général du ministère, Chouaib Adjal, et du directeur général des Biens Waqfs, Elmi Nour Djama.
Il s’agit là pour la délégation hôte de s’enquérir du modèle djiboutien de gestion du patrimoine religieux Waqf, un modèle qui conjugue rigueur administrative, transparence juridique et vision de développement durable. Dès l’ouverture de la séance de travail, le directeur général des Bien Waqfs Elmi Nour Djama a exposé la mission fondamentale de son institution : « préserver, valoriser et rentabiliser les biens Waqfs tout en garantissant leur vocation religieuse et sociale ». Il a expliqué que ces biens, légués à perpétuité, constituent un capital spirituel et économique majeur au service de la collectivité. La Direction des Biens Waqfs s’appuie sur un cadre juridique solide pour garantir la bonne administration de ce patrimoine. Chaque Bien Waqf est enregistré, puis le dossier est transmis au tribunal de première instance du statut de la famille pour validation. Il est ensuite dirigé vers l’hôtel des impôts et la direction du domaine pour officialisation.
Avant toute décision, la Haute instance de Fatwa du Haut Conseil Islamique est consultée afin de s’assurer de la conformité avec la charia islamique. En cas de litige ou d’impayés, la Direction engage des procédures juridiques strictes pour défendre les intérêts du Diwan des Biens Waqfs. Cette rigueur administrative, qui associe droit civil et jurisprudence islamique, fait la fierté des autorités djiboutiennes. Elle confère au système une crédibilité et une efficacité reconnues au-delà des frontières nationales. « Ce cadre juridique clair et transparent est l’un des piliers de notre succès », a souligné Elmi Nour Djama.
L’un des éléments qui ont le plus impressionné la délégation somalienne est le mécanisme de financement pérenne des activités religieuses et patrimoniales. L’entretien des cimetières et autres infrastructures Waqfs est notamment assuré par une contribution obligatoire de 400 francs djiboutiens (environ 2 dollars) prélevée sur les salaires des agents publics. Ce système, modeste dans sa conception mais efficace dans ses résultats, permet de financer l’entretien régulier et la préservation des infrastructures sans peser lourdement sur le budget de l’État. Au-delà de la gestion administrative et juridique, Djibouti a fait le choix d’investir dans des projets immobiliers modernes et rentables. Le ministre Moumin Hassan Barreh a présenté trois réalisations phares parmi lesquelles, le complexe immobilier du Sans Fil, le centre commercial Hamoudi et le Mall RAYAAN, situés en plein centre de la capitale.
Ces infrastructures sont des modèles de partenariats public-privé, conçus pour générer des revenus destinés à financer les activités religieuses et sociales, tout en stimulant l’économie locale. Le centre commercial Hamoudi, inauguré en 2021 par Ismail Omar Guelleh, Président de la République, est l’un des exemples les plus marquants de cette politique. Construit en partenariat avec la société yéménite Tayibba, il représente la transformation concrète d’un bien waqf en moteur économique et social. La visite à la Direction générale des Biens Waqfs a profondément marqué la délégation somalienne. Cheikh Moktar Roobow n’a pas caché son admiration pour l’organisation, la vision et la rigueur des autorités djiboutiennes. « Nous avons beaucoup à apprendre de votre expérience. Cette visite nous inspire à bâtir une gouvernance religieuse aussi structurée et efficace que la vôtre », a-t-il déclaré avec conviction. La délégation a longuement échangé avec les responsables djiboutiens sur les mécanismes de gestion, la législation, les partenariats économiques et les méthodes de financement innovantes. Pour la Somalie, cette rencontre marque le début d’une coopération structurée qui pourrait inspirer de nouvelles réformes. Pour Djibouti, elle illustre sa capacité à projeter son savoir-faire religieux et patrimonial au-delà de ses frontières.
RACHID BAYLEH