Dans le cadre d’une visite officielle de 48 heures, le directeur général de la FAO, Dr. Qu Dongyu, à la tête d’une importante délégation de son organisation, a parcouru fermes, laboratoires et centres de quarantaine à Djibouti. Accueillie par les plus hautes autorités du pays, la délégation onusienne a évalué les potentiels des filières agricoles, d’élevage, d’aquaculture et de transformation afin d’appuyer la République dans sa quête d’un financement estimé à environ 100 millions de dollars pour moderniser et dynamiser son secteur primaire.

La République de Djibouti, située à la croisée des routes maritimes mondiales, multiplie les initiatives pour renforcer sa sécurité alimentaire et faire de son secteur primaire un moteur durable de développement économique. C’est dans ce cadre que le pays a accueilli une importante délégation de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), conduite par son directeur général, le Dr. Qu Dongyu. En visite de travail de 48 heures, la délégation a sillonné fermes, instituts de recherche et infrastructures sanitaires, évaluant sur le terrain les progrès réalisés, les défis à surmonter et les opportunités d’investissement.

A son arrivée à Djibouti, la délégation a été accueilli par le ministre de l’Agriculture, de la Pêche, de l’Élevage, de l’Eau et des Ressources Halieutiques, M. Mohamed Ahmed Awaleh, en présence du représentant permanent de Djibouti auprès de la FAO, du FIDA et du PAM, M. Idriss Abou Ali, et des principaux cadres du ministère, dont le secrétaire général Ibrahim Elmi Mohamed et le directeur administratif Ali Mahamoud Del Wais. Le représentant local de la FAO, M. Kwami Dzifanu Nyarko-Badohu, complétait cette délégation d’accueillants, témoignant de l’importance que le gouvernement attache à cette visite et aux perspectives d’une coopération renforcée.

Des immersions successives…

La première étape du programme fut la ferme de la société agricole du Mont Arta, du Dr. Djama Elmi Okieh. Multifonctionnelle, cette exploitation illustre la stratégie djiboutienne de diversification : aviculture, production maraîchère et fruitière, apiculture et élevage laitier y sont combinés. Sur place, la délégation a découvert une unité d’aviculture comptant 15 000 poulets, qui approvisionne quotidiennement le marché local en œufs frais. Le Dr. Djama a fait part à la délégation hôte que l’alimentation des volailles repose sur un mélange de graines d’herbes et de moringa, une pratique locale visant à optimiser l’utilisation des ressources disponibles. Outre les volailles, la ferme cultive des oranges, des bananes, des goyaves et d’autres fruits et légumes, et s’est récemment engagée dans la production de miel. En matière d’élevage laitier, le propriétaire a indiqué disposer actuellement de 69 vaches, et attendre la réception de 100 autres d’ici la fin de la semaine, signe d’une dynamique d’expansion palpable.

La délégation s’est ensuite rendue à l’Institut des sciences de la vie du Centre d’études et de recherche de Djibouti (CERD), où elle a été accueillie par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Dr. Nabil Mohamed Ahmed, et par le directeur de l’institut, Dr. Abdourahman Daher Méraneh. Les échanges ont mis en lumière l’importance cruciale de la recherche appliquée pour améliorer la productivité agricole, la résilience face aux chocs climatiques et la santé des animaux et des plantes. Les responsables djiboutiens ont présenté plusieurs programmes soutenus techniquement par la FAO, insistant sur la nécessité de poursuivre l’appui en matière de biosécurité, de sélection variétale et de technologies d’irrigation adaptées aux contraintes de l’aridité.

La visite du centre régional de quarantaine de bétail de Damerjog et de son laboratoire de haut niveau a permis à la FAO d’évaluer des infrastructures clés pour la lutte contre les maladies animales transfrontalières. Le laboratoire, présenté comme un pivot pour la surveillance sanitaire et le diagnostic, constitue un élément essentiel pour garantir la confiance des partenaires internationaux et faciliter l’accès aux marchés d’exportation. Les échanges ont souligné le besoin d’un renforcement technique et matériel, ainsi que la formation continue des personnels, pour assurer le fonctionnement durable de ces installations selon les standards internationaux.

Rencontres ministérielles et orientations sectorielles

Pour la journée d’hier, la délégation a eu des entretiens bilatéraux importants, notamment avec le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Abdoulkader Houssein Omar, et le ministre de l’Environnement et du Développement durable, M. Mohamed Abdoulkader Moussa Helem, afin d’inscrire les priorités agricoles dans une stratégie nationale intégrée. La réunion élargie avec le ministre de l’Agriculture, de l’Élevage, de l’Eau, de la Pêche et des Ressources Halieutiques, M. Mohamed Ahmed Awaleh, a permis au Dr. Qu Dongyu de réaffirmer la volonté de la FAO de redynamiser la coopération avec Djibouti. Les entretiens ont mis en avant des collaborations déjà fructueuses autour de la diversification nutritionnelle et du développement de projets agro-pastoraux, tout en identifiant des filières porteuses — dattes, agro-business, aquaculture et élevage — susceptibles de générer emplois, substitution aux importations et création de valeur ajoutée locale. Les échanges ont dégagé plusieurs axes d’action prioritaires: développer la chaîne de valeur de la datte en améliorant les plantations, en ciblant des systèmes d’irrigation efficaces et en investissant dans le stockage et la transformation industrielle; mettre à l’échelle l’aquaculture en soutenant la formation, les infrastructures d’écloserie et le respect des normes sanitaires; renforcer les capacités sanitaires animales par l’équipement du laboratoire de Damerjog, la formation des vétérinaires et la mise en place d’un système de surveillance performant; promouvoir l’agro-entrepreneuriat pour les jeunes et les femmes en associant formation, appui au démarrage et accès au microcrédit; et prioriser les investissements dans des systèmes d’irrigation économes en eau, comme le goutte-à-goutte, ainsi que dans des dispositifs de collecte et de valorisation des eaux pluviales.

Au cœur des discussions figurait la question du financement. Djibouti cherche à mobiliser environ 100 millions de dollars pour moderniser ses filières primaires et construire des chaînes de valeur résilientes. La FAO s’est positionnée comme partenaire technique capable d’accompagner la structuration de projets bankables, l’assistance au montage, la réponse aux exigences des bailleurs et la facilitation de partenariats public-privé. Les interlocuteurs ont insisté sur la nécessité de proposer des projets transparents et axés sur des résultats mesurables — renforcement de la résilience climatique, création d’emplois, inclusion des petites exploitations et des femmes, développement des infrastructures de transformation et amélioration de l’accès aux marchés régionaux.

La visite du directeur général de la FAO, Dr. Qu Dongyu, a permis de consolider les liens entre Djibouti et l’organisation onusienne, tout en posant des jalons concrets pour des actions futures. Entre démonstrations sur le terrain, rencontres scientifiques et dialogues politiques, la délégation a pu apprécier l’engagement djiboutien et identifier les besoins prioritaires. Si les conditions de gouvernance, de montage de projets et d’accompagnement technique sont réunies, l’accès aux financements envisagés — de l’ordre de 100 millions de dollars — pourrait transformer le secteur primaire djiboutien en un levier significatif de développement économique et social.

Enjeux, opportunités et défis à relever

Djibouti fait face à des défis structurels importants, notamment l’aridité des sols, la rareté des terres arables et la pression sur les ressources en eau, qui exigent des approches adaptées telles que l’irrigation économe, la promotion de cultures résistantes à la sécheresse et l’amélioration des pratiques d’élevage. Les filières prioritaires identifiées — dattes, aquaculture, élevage et agro-business — offrent des perspectives réelles de création d’emplois et de substitution aux importations, à condition d’investir dans la transformation locale, les infrastructures logistiques et la chaîne du froid. Le renforcement des capacités du CERD, la modernisation des centres de quarantaine et l’amélioration de la gouvernance des projets apparaissent comme des préalables indispensables pour attirer les financements internationaux. Par ailleurs, la diversification des régimes alimentaires par le développement du maraîchage, de l’apiculture et de l’élevage laitier peut avoir un effet positif sur l’état nutritionnel des populations, en particulier des enfants et des femmes enceintes. Enfin, toute stratégie devra intégrer des mesures d’adaptation au changement climatique et de gestion durable des ressources naturelles pour assurer la pérennité des investissements.

La visite du Dr. Qu Dongyu lance une nouvelle phase de coopération qui, si elle se traduit par des projets opérationnels et bien financés, devrait permettre à Djibouti d’améliorer sa sécurité alimentaire, d’accroître la production locale et de renforcer la résilience de ses communautés face aux défis climatiques et économiques.

RACHID BAYLEH