
Depuis 2019, la République de Djibouti a engagé une véritable révolution dans sa politique touristique. Portée par une loi ambitieuse, la stratégie nationale vise à faire du pays une destination de référence pour un tourisme durable, culturel et environnemental. À travers des réformes institutionnelles profondes, une meilleure structuration de l’offre, des incitations à l’investissement et une mise en valeur de ses richesses naturelles, Djibouti entend désormais s’affirmer sur la scène touristique internationale.
Dans un monde où le tourisme représente plus de 10 % du PIB mondial et où les voyageurs sont de plus en plus en quête d’authenticité, Djibouti a placé le développement touristique au cœur de sa stratégie de diversification économique. Le pays s’est doté pour la première fois, en adoptant en avril 2019une loi pour le développement et la promotion du tourisme, un cadre juridique ambitieux et résolument tourné vers l’avenir.

Cette loi, promulguée dans la continuité de la « Vision Djibouti 2035 », reconnaît le tourisme comme un secteur porteur, capable de générer de l’emploi, d’attirer des investissements, de valoriser les richesses locales et de promouvoir l’image du pays. Il s’agit là de créer un environnement incitatif pour le développement d’un tourisme durable, inclusif, innovant et respectueux des identités culturelles et de l’environnement.
Contrairement à d’autres pays ayant opté pour un tourisme de masse, Djibouti a fait le choix d’un modèle hybride alliant dimension culturelle et responsabilité environnementale. Cette orientation, qui constitue le socle de la stratégie nationale, se fonde sur une lecture lucide du potentiel national : un patrimoine naturel spectaculaire, une richesse culturelle plurielle, et une identité encore largement préservée des logiques consuméristes du tourisme globalisé.
Le tourisme culturel, fondé sur la découverte du patrimoine historique, des traditions, de l’artisanat et des fêtes locales, se conjugue ainsi avec le tourisme écologique, centré sur la préservation des paysages, la biodiversité et la mise en valeur des sites exceptionnels comme le lac Assal, le lac Abbé, les îles Moucha, les mangroves de Godoria ou la forêt du Day.
Cette synthèse entre écologie et culture permet non seulement de diversifier les offres, mais aussi de répondre aux nouvelles attentes des voyageurs internationaux, en quête de sens, d’expériences authentiques et de destinations éthiques.
Une réforme institutionnelle pour piloter la transformation
La première grande avancée portée par la loi de 2019 est la refonte de la gouvernance du secteur touristique. Cette réforme institutionnelle s’articule autour de deux organes principaux. Le premier, unConseil national du tourisme durable, regroupe des représentants des secteurs public et privé, et a pour mission d’assurer la coordination, la concertation et le pilotage stratégique de l’ensemble des politiques liées au tourisme.
Le second pilier, opérationnel cette fois, est l’Agence Nationale du Tourisme (ANT), issue de la transformation de l’ancien Office National du Tourisme. Dotée d’un statut d’établissement public à caractère industriel et commercial, l’ANT est chargée de mettre en œuvre les actions concrètes de développement : promotion de la destination, traitement des investissements, structuration de l’offre, production statistique, et accompagnement des porteurs de projets. Cette double architecture vise à professionnaliser le secteur, à assurer une continuité de l’action publique, et à répondre aux attentes des investisseurs et des visiteurs par une administration plus efficace, réactive et modernisée.
La deuxième orientation stratégique repose sur la planification territoriale. La loi prévoit la création de zones d’aménagement touristique prioritaire, identifiées selon leur potentiel naturel, culturel ou économique. L’objectif est de favoriser un développement cohérent, harmonieux et durable de ces territoires, en y concentrant les efforts d’aménagement, les incitations fiscales et les actions de promotion.
Ces zones bénéficient d’un encadrement strict, avec une cartographie détaillée, des cahiers des charges clairs et des dispositifs réglementaires garantissant le respect des normes environnementales, sociales et urbanistiques. L’idée est d’éviter une urbanisation sauvage ou une exploitation destructrice des sites, tout en rendant les investissements plus attractifs.
Un Comité national intersectoriel est également chargé d’arbitrer l’octroi des sites aux investisseurs, nationaux ou étrangers, en veillant à la compatibilité des projets avec les orientations stratégiques et les intérêts locaux.
Djibouti est conscient que le développement du tourisme ne saurait se faire sans un environnement propice à l’investissement. C’est pourquoi la loi met en place toute une série de dispositifs incitatifs, allant de l’allègement fiscal à la facilitation de l’accès au crédit, en passant par le développement de produits financiers adaptés et l’appui technique aux entrepreneurs.
Cette mobilisation vise à impulser une nouvelle dynamique entrepreneuriale dans le secteur touristique, en encourageant la création d’hébergements, de circuits, d’agences, de services ou encore d’infrastructures culturelles et de loisirs.
L’État entend également favoriser les financements innovants, notamment à travers des partenariats public-privé, des fonds d’impact, ou encore le recours aux outils de la finance verte et solidaire. Le secteur bancaire est invité à jouer un rôle plus actif dans le financement des projets, notamment pour les jeunes et les femmes.
Former, innover et protéger pour accompagner le changement
Au-delà de l’aménagement et de l’investissement, le succès de la stratégie touristique repose sur des politiques d’accompagnement ambitieuses et transversales. La première concerne la création de nouveaux produits touristiques. Il s’agit de renforcer l’attractivité de la destination en capitalisant sur des segments émergents comme le tourisme de congrès, le tourisme de nature, le tourisme archéologique, ou encore le tourisme rural et communautaire.
Ces produits s’inscrivent dans une logique de corridors touristiques, destinés à relier le littoral aux zones de l’intérieur, et à créer une chaîne de valeur complète incluant transport, hébergement, animation, restauration et artisanat.
La seconde priorité est la formation professionnelle. Le développement d’un tourisme de qualité passe par la montée en compétence des ressources humaines. La loi prévoit ainsi l’intégration des métiers du tourisme dans le système éducatif national, la création d’écoles spécialisées, le soutien à l’apprentissage en alternance, et l’ouverture de filières universitaires liées à l’économie du tourisme. Un comité spécial sera chargé de coordonner l’ensemble de ces actions de formation.
Enfin, la protection de l’environnement est érigée en priorité stratégique. Des politiques spécifiques seront mises en œuvre pour favoriser le tourisme écologique, renforcer les normes environnementales dans les infrastructures, promouvoir les villes propres, et intégrer les considérations écologiques dans toutes les étapes de la chaîne touristique.
Pour que cette stratégie porte ses fruits, Djibouti doit désormais se faire connaître. C’est pourquoi la promotion touristique est reconnue comme mission d’utilité publique, confiée à l’État et pilotée par l’Agence Nationale du Tourisme. L’objectif est de faire émerger une image de marque attractive à l’échelle régionale et internationale.
Des campagnes de communication ciblées seront développées, appuyées par des études de marché, des participations à des salons spécialisés, la production de supports multilingues, et l’utilisation massive des canaux numériques. La diplomatie économique et les représentations à l’étranger seront également mobilisées pour promouvoir la destination Djibouti comme une terre d’accueil sûre, hospitalière, authentique et préservée.
En promulguant en 2019 une loi ambitieuse et structurée, Djibouti a posé les bases d’une véritable politique touristique nationale, cohérente, durable et inclusive. Ce cadre permet aujourd’hui au pays de passer d’une logique opportuniste à une logique stratégique, fondée sur une vision à long terme et sur la mobilisation de tous les acteurs.
Les défis sont nombreux, des infrastructures encore limitées à la nécessité de former massivement, en passant par la préservation des sites. Mais l’essentiel est là : une volonté politique affirmée, un modèle clair, des outils juridiques solides, et un potentiel exceptionnel.
À travers cette stratégie, le pays compte faire du tourisme l’un des piliers de sa croissance économique. En valorisant ses atouts, en investissant dans son potentiel humain et en protégeant son environnement, Djibouti mise sur ses atouts touristiques.