Globalement les pays d’Afrique subsaharienne font face à une augmentation de leur dette publique. Les pays à faible revenu du continent africain, qui composent la majorité des pays les plus pauvres de la planète, sont déjà confrontés à des taux d’endettement importants. Cette situation commence à inquiéter les créanciers et les institutions financières internationales qui craignent une nouvelle crise de la dette.

La dette publique des Etats d’Afrique subsaharienne : vers un nouveau cycle d’endettement.

Suite à la crise de la dette des années 90, les différents mécanismes d’allègement ou d’annulation de la dette (PPTE : Initiative Pays pauvres très endettés, IADM : Initiative d’allègement de la dette multilatérale) ont permis de réduire considérablement les taux d’endettement des pays d’Afrique subsaharienne.

A partir de 2000, la fin de la crise de la dette a coïncidé avec une meilleure conjoncture économique mondiale pour ces pays. En effet, les prix des matières premières ont augmenté et de ce fait, un cycle de croissance a débuté pour les pays notamment exportateurs de matières premières. Ce « super cycle de croissance » a duré une décennie.

La crise de 2008 n’a pas directement touché les pays d’Afrique subsaharienne qui restent encore moins connecté à la mondialisation, mais dans son sillage les cours des matières premières ont baissé. A partir de 2013, les pays exportateurs de matières premières ont par conséquent enregistré une baisse importante de leurs recettes d’exportation.

C’est dans ce contexte que les pays d’Afrique subsaharienne ont recours à des emprunts extérieurs pour financer leur déficit public et leurs investissements.

Les pays à faibles revenu d’Afrique subsaharienne se caractérisent par des économies très peu diversifiées. Ces pays présentent un déficit public structurel important. Dans la mesure où ils se sont tous dotés de plans de développement ambitieux qui reposent sur la construction d’infrastructures, leurs besoins en financement sont importants.  C’est ainsi que ces pays font appel à de nouveaux créanciers. Rassurés par la décennie de forte croissance qu’ont connue les pays d’Afrique subsaharienne et à la recherche de meilleurs rendements, des créanciers privés ont répondu favorablement aux demandes de prêts. Mais surtout de nouveaux acteurs ont émergé sur la scène internationale. C’est le cas de la Chine qui détient actuellement une grande partie de la dette publique extérieure de certains pays.

Malgré des conditions peu favorables (prêts non concessionnels, période de grâce assez courte, taux d’intérêts élevés, obligations libellées en devises étrangères) certains pays continuent à s’endetter. Le FMI a mis en place un mécanisme de suivi de la viabilité de la dette. Dans le cadre de ce suivi, l’institution financière met en garde certains Etats dont le taux de la dette publique par rapport au PIB augmente de manière importante et assez rapidement. Pour plusieurs de ces Etats, la dette n’est déjà plus soutenable. C’est le cas du Soudan, de la République du Congo ou encore du Ghana.

Des conséquences économiques et sociales

Le service de la dette publique commence à être lourd à supporter pour le budget des Etats les plus pauvres. Pour certains pays la situation risque de ne pas s’améliorer à court et à moyen terme. En effet, il arrive que les grands chantiers d’infrastructures prennent du temps à être réalisés et à être exploités  retardant ainsi le possible retour sur investissement.

Dans ces conditions la marge de manœuvre en matière budgétaire se réduit fortement. La part du budget réservée à rembourser la dette étant de plus en plus importante, de facto, la part du budget habituellement allouée aux secteurs sociaux enregistre une baisse. Inévitablement, les budgets des secteurs de l’éducation et de la santé subissent de fortes amputations. In fine, cette situation pourrait déboucher sur une crise économique et sociale susceptible de provoquer une déstabilisation chez certains pays.

Il est probable que dans la décennie qui arrive, une nouvelle crise de la dette touche les pays d’Afrique subsaharienne. Dans ce cas, la situation serait différente de celle qu’on a connue dans les années 90. Le profil de créanciers actuels laisse penser que la gestion internationale de la crise pourrait être différente. Il serait peut être plus difficile de mettre en place un nouveau mécanisme d’annulation de la dette. Les acteurs privés n’accepteront pas d’abandonner purement et simplement leurs créances. Egalement, la Chine exigera d’être remboursée soit en matières premières soit en actifs financiers afin d’exploiter à son compte les infrastructures tels que les ports ou les aéroports. Cette hypothèse est plausible et dans ce cas, le développement des pays concernés serait compromis à long terme.

Le scénario le plus optimiste serait une remontée significative des cours des matières premières. Dans ce cas, certains pays exportateurs pourraient renouer avec une relative embellie économique.

Dans tous les cas, il est primordial pour les pays d’Afrique subsaharienne de  mettre en place une discipline et une transparence  dans la gestion financière. Il arrive que des pays priorisent mal leur projet d’investissement et s’engage dans des « prêts de prestige » qui ne généreront aucun profit. Alors que la prudence est de mise, certains pays continuent quand même à emprunter à des taux très défavorables. La dette publique du Mozambique est passée de 40% du PIB à 115% entre 2012 et 2018. Sans compter que le pays a été éclaboussé par le scandale de la dette cachée. Les conséquences sont désastreuses pour le pays. Ce scandale a aussi éclaboussé le créancier. Il est donc aussi important que les créanciers adoptent également une attitude de prudence. Une nouvelle crise de la dette ébranlerait aussi ces derniers.

Abdallah Hersi