Pour inaugurer la nouvelle rubrique «Un jour, un métier », c’est l’histoire d’un homme de courage et de constance que nous vous présentons : Ahmed Salah Said, né en 1979, dont la vie est indissociable de la mer. Rien ne le prédestinait à devenir pêcheur, si ce n’est une intuition profonde et l’appel irrésistible des vagues. À 15 ans seulement, sans avoir eu la chance d’aller à l’école, il choisit la mer comme école de la vie et en fait son métier, son univers, son combat quotidien.

Aujourd’hui père de quatre filles, Ahmed incarne une génération de pêcheurs forgés par l’effort, l’endurance et la rigueur. La mer exige de ses enfants une résilience sans faille : dans le froid tranchant de l’hiver comme sous la chaleur accablante de l’été, Ahmed a appris à affronter les caprices des saisons sans jamais baisser les bras. Pour lui, la pêche est plus qu’un travail ; c’est une discipline, une fierté, un héritage qu’il entretient jour après jour. Dans son récit, il parle avec admiration des outils modernes de navigation et des techniques contemporaines qui ont transformé leur manière de travailler. Avec son équipe, il veille à l’entretien du bateau, des filets et des équipements, une tâche indispensable pour assurer la sécurité et la réussite des sorties en mer. Car partir pêcher, c’est accepter la solitude, la fatigue et l’imprévu. Souvent accompagné de deux collaborateurs, Ahmed passe plusieurs jours en mer, parfois jusqu’à neuf, à la recherche des poissons et des produits marins qui feront vivre sa famille.

Mais avec l’expérience viennent aussi les réflexions. Ahmed observe l’évolution du métier et partage un regard lucide sur la situation des pêcheurs aujourd’hui. Il reconnaît les efforts du gouvernement pour les soutenir, mais rappelle aussi la part de responsabilité qui incombe à la profession. « Nous demandons souvent l’aide des rabatteurs pour financer nos sorties en mer », confie-t-il. « Mais nous négligeons de gérer nos bénéfices de manière responsable. Nous devrions nous fixer des objectifs à long terme, améliorer nos techniques et chercher des acheteurs qui nous proposent des prix raisonnables. »

Ces paroles, empreintes de maturité, sonnent comme un appel à une nouvelle conscience professionnelle : celle d’une communauté qui doit désormais se structurer, penser son avenir, et apprendre à mieux gérer ses ressources. Ahmed invite à la solidarité, à la discipline et à la vision. Car selon lui, c’est en unissant leurs forces que les pêcheurs pourront espérer prospérer et vivre dignement de leur métier.

Au fil de la conversation, les souvenirs affluent. Il évoque les nuits où la mer se montre implacable, les vents violents, les vagues qui menacent de renverser tout espoir. Mais aussi ces instants de grâce, quand les eaux s’ouvrent généreusement et que les prises sont abondantes. Entre danger et satisfaction, la mer représente pour Ahmed un équilibre subtil, un défi permanent qui nourrit son courage et sa détermination.

Pourtant, malgré les épreuves, Ahmed Salah Said se dit heureux. Heureux d’avoir trouvé sa voie, heureux de pouvoir nourrir sa famille grâce à un métier qu’il respecte profondément. Reconnaissant pour les jours de réussite, patient face aux jours difficiles, il avance avec la certitude que ses efforts finiront par être récompensés. Son sourire, lorsqu’il parle de l’avenir, traduit une confiance sincère : celle d’un homme prêt à continuer d’affronter les vagues pour offrir un meilleur lendemain aux siens.

Djibril Abdi