
Avec un investissement de 5,2 milliards de dollars dans les dragueurs de mines navals, les initiatives « Make in India » ciblent l’importante production de matériel de défense.
L’Inde a relancé le projet de construction locale de 12 navires de guerre spécialisés pour détecter, suivre et détruire les mines sous-marines posées par les forces ennemies, qui encombrent les ports et perturbent le transport maritime et le commerce. L’acquisition de ces 12 dragueurs de mines avancés, ou navires de lutte contre les mines (MCMV), pour la Marine, d’un coût estimé à environ 5,2 milliards de dollars, sera bientôt tranchée par le Conseil des acquisitions de défense, présidé par le ministre indien de la Défense, Rajnath Singh, en vue de l’octroi d’une « acceptation de nécessité ». Un appel d’offres ouvert (DP) sera ensuite lancé pour que les chantiers navals indiens soumettent leurs offres technico-commerciales pour le déploiement du premier MCMV, dont la construction pourrait prendre 7 à 8 ans.
Les MCMV sont essentiels face aux adversaires indiens qui, lors de leurs visites régulières dans la région de l’océan Indien, pourraient poser discrètement des mines, qu’il s’agisse de sous-marins nucléaires ou conventionnels. La marine indienne ne possède actuellement aucun MCMV et a besoin de 24 MCMV pour protéger les 7 516 km de côtes du pays, qui comptent 13 ports majeurs et plus de 200 ports secondaires.

Le dossier d’acquisition de 12 MCMV, pour un montant de 3,8 milliards de dollars, a débuté en juillet 2005. Ce projet a finalement conduit le chantier naval de Goa à s’associer à l’entreprise sud-coréenne Kangnam pour la construction de ces navires spécialisés. Ce projet a toutefois été abandonné en 2018. Les négociations sont toutefois restées dans l’impasse concernant les coûts, le transfert de technologie et la stratégie de construction. Avec un déplacement d’environ 900 à 1 000 tonnes, les MCMV sont dotés de coques amagnétiques et de sonars haute définition, ainsi que de balayages acoustiques et magnétiques pour détecter les mines échouées et dérivantes. Les navires utilisent ensuite des systèmes télécommandés, tels que de petits véhicules sous-marins, pour faire exploser les mines à distance de sécurité. Plus de 130 navires de guerre ont joué un rôle discret mais crucial lors de l’opération Sindoor en mai 2025, dissuadant leur voisin occidental d’intensifier les hostilités en déployant son porte-avions INS Vikrant, des navires de guerre et des sous-marins dans le nord de la mer d’Arabie.
Soixante navires de guerre et bâtiments des forces armées indiennes sont actuellement en construction dans des chantiers navals indiens. Entre-temps, le pays mettra bientôt en service à Kaliningrad sa deuxième frégate polyvalente de 3 900 tonnes, construite en Russie, sous le nom d’INS Tamal. Il a également obtenu l’approbation initiale ou l’autorisation de mise en service pour 31 autres navires de guerre, dont sept frégates de nouvelle génération, huit corvettes et six sous-marins diesel-électriques furtifs. Les MCMV viendront s’ajouter à ces effectifs.

La Marine atteindra toutefois un niveau de force d’environ 160 navires de guerre d’ici 2030, compte tenu de la lenteur de la construction dans les chantiers navals indiens ainsi que du déclassement progressif des navires de guerre plus anciens.
Approbation du programme d’avions de 5e génération
L’Inde a approuvé le 27 mai 2025 son ambitieux programme d’avion de combat moyen avancé (AMCA). Ce projet d’avion de combat furtif de cinquième génération vise à hisser l’armée de l’air indienne (IAF) au rang des nations de combat aérien de nouvelle génération. Cette décision, prise par le ministre de la Défense, Rajnath Singh, marque une avancée majeure dans les capacités de défense indiennes. Le projet AMCA, piloté par l’Agence de développement aéronautique (ADA), vise à produire des avions furtifs de poids moyen à pénétration profonde, qui seront utilisés aux côtés de l’avion de combat léger Tejas existant. Cet avion bimoteur de 25 tonnes sera doté d’une furtivité de pointe, d’un pilotage électronique assisté par IA et de baies d’armes internes conçues pour des missiles air-air longue portée et des bombes guidées de précision.
Programme « Make in India »
La production indienne de matériel de défense connaît une accélération rapide. Les systèmes développés dans le cadre du programme « Make in India » sont non seulement exportés, mais également personnalisés pour les forces armées indiennes. Une attention particulière a été portée au développement de drones. L’armée indienne devrait recevoir des drones aéroportés capables d’être déployés depuis des hélicoptères et d’emporter jusqu’à 50 kg d’explosifs. Par ailleurs, l’armée de l’air indienne travaille sur des drones en essaim aéroportés, un système permettant le lancement simultané de plusieurs drones, ce qui les rend difficiles à intercepter. Certaines entreprises indiennes développent également des drones suicides capables d’atteindre une altitude de 2 400 mètres et d’attaquer dès qu’ils détectent des cibles ennemies.
L’Inde s’apprête également à exporter des systèmes d’armes avancés vers un pays du Moyen-Orient, notamment celui longtemps considéré comme un leader mondial des technologies de défense et l’un des principaux fournisseurs d’armes du pays. Cela marque un nouveau chapitre dans l’émergence de l’Inde comme exportateur de matériel de défense dans le cadre de l’initiative « Make in India ». Récemment, une entreprise de défense indienne a remporté une commande importante pour la fourniture de systèmes de lance-roquettes à ce pays du Moyen-Orient, dont la portée peut atteindre 300 kilomètres. Cette capacité le placerait parmi les systèmes de lancement de fusées à plus longue portée au monde. Le montant estimé de la transaction est d’environ 164 millions de dollars.
Start-ups indiennes du secteur de la défense
Les équipements de haute technologie fabriqués par des startups indiennes, soutenues par des initiatives gouvernementales et des mesures d’incitation à l’innovation, ont été testés lors de récentes turbulences. Parmi eux, on peut citer les systèmes de missiles de Bharat Dynamics, les munitions rôdeuses de Solar Industries, ainsi que les composants électroniques et de drones de Paras Defence. Le drone SWITCH et le NETRA V2 de Forge, déjà utilisés par les forces armées, ont été rejoints par le SkyStriker d’Alpha Design et les essaims de drones de NewSpace Research, démontrant ainsi la capacité croissante de l’Inde à se doter d’une arme de nouvelle génération.
Des drones à la surveillance assistée par IA en passant par les équipements balistiques légers, les entreprises indiennes aident le pays à réduire sa dépendance aux importations et, dans certains cas, à surpasser les fournisseurs traditionnels en termes de rapidité, de coût et de personnalisation.
Ces startups comblent des lacunes cruciales dans le secteur de la défense, où des entreprises comme Tata Advanced Systems (TAS), Paras Defence & Space Technologies et IG Drones, entre autres, sont à l’avant-garde de la modernisation militaire indienne. TAS s’associe à Airbus pour la fabrication de l’avion de transport militaire C-295 dans la première usine aéronautique privée d’Inde, à Vadodara. La Drone Federation of India, qui regroupe plus de 550 entreprises et 5 500 pilotes, accompagne l’Inde vers son objectif de devenir une plateforme mondiale de drones d’ici 2030. IG Drones fournit des services de R&D, de fabrication et de terrain aux forces armées et aux agences gouvernementales.
Lancée en 2018 par le gouvernement indien, l’initiative « Innovations pour l’excellence en matière de défense » (iDEX) vise à favoriser l’innovation en apportant un soutien financier aux startups et aux PME. En février 2025, le ministère de la Défense avait autorisé l’achat de 43 articles locaux, d’une valeur de plus de 270 millions de dollars, auprès d’entités soutenues par iDEX. Plus de 1 000 startups du secteur des technologies de défense ont vu le jour, propulsées par des initiatives gouvernementales comme iDEX et des partenariats stratégiques avec l’Organisation de recherche et développement pour la défense (DRDO). La 13e édition du Defence India Start-up Challenges (DISC), organisée dans le cadre d’iDEX et lancée en octobre 2024, proposait sept défis de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air indiennes, encourageant les startups à développer des solutions innovantes.
Le corridor industriel de défense de l’Uttar Pradesh a attiré 33,5 milliards de dollars d’investissements, avec des avancées significatives comme l’inauguration d’une unité de fabrication de missiles BrahMos à Lucknow.
Le réseau de commandement Akashteer, développé par Bharat Electronics Limited, intègre des flux radar et des données opérationnelles pour offrir une vue complète et en temps réel du champ de bataille. Il permet la détection, le suivi et la neutralisation rapides des menaces aériennes telles que les drones et les missiles. Les systèmes indiens multicouches de défense aérienne et anti-drones, dotés de radars, de plateformes de missiles et d’artillerie de pointe, ont récemment intercepté avec succès une vague d’attaques de drones et de missiles ciblant des installations militaires dans le nord et l’ouest de l’Inde lors de l’opération Sindoor. Les forces indiennes ont également utilisé des munitions rôdeuses et des drones kamikazes de fabrication nationale pour frapper des camps d’entraînements avec une précision chirurgicale. Ces drones, capables de survoler et d’attaquer des cibles de manière autonome, ont joué un rôle essentiel dans le démantèlement des infrastructures ennemies avec un minimum de dommages collatéraux.
Croissance de la demande d’exportation d’équipements de défense indiens
Au cours de la dernière décennie, les exportations indiennes de matériel de défense ont connu une croissance exponentielle. En 2013-2014, l’Inde a perçu 81 millions de dollars d’exportations d’armes. En 2023-2024, ce chiffre a atteint 2,8 milliards de dollars, soit une multiplication par 34. La production nationale de défense a également connu une croissance significative, passant de 5,5 milliards de dollars en 2014-2015 à 15 milliards de dollars en 2023-2024, soit une hausse de 174 %. De nombreuses armes utilisées lors des récents conflits ont été développées dans le cadre de l’initiative « Make in India ». Leurs performances sur le champ de bataille ont retenu l’attention internationale, notamment de la Russie et d’autres pays. L’Inde et la Russie discutent actuellement du co-développement d’une version avancée du missile BrahMos. La Russie a offert un soutien technologique total au projet, qui sera entièrement construit en Inde. La DRDO teste déjà une nouvelle version du missile d’une portée allant jusqu’à 800 kilomètres. Si un accord est finalisé, la portée pourrait potentiellement dépasser 1 000 kilomètres.