Lors de la retraite de l’IFC à Djibouti, nous avons eu l’occasion de rencontrer M. Ousmane Dione, vice-président, Moyen Orient et Afrique du Nord de la Banque mondiale. Il nous parle des tenants et aboutissants de  sa deuxième visite à Djibouti, un pays  riche en potentiel et en opportunités.

La Nation : Monsieur Ousmane Dione, c’est votre deuxième visite à Djibouti en tant que vice-président de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Pourriez-vous partager avec nous l’objet de votre visite et ce que vous espérez réaliser pendant votre séjour ?

Ousmane Dione : Je suis ravi de cette deuxième visite officielle à Djibouti et de constater de visu le dynamisme du pays. Djibouti est un pays riche en potentiel et en opportunités. Au cours de mon séjour, j’ai eu l’honneur de rencontrer le Président de la République, Son Excellence Ismaïl Omar Guelleh aux côtés d’autres vice-présidents du Groupe de la Banque mondiale. J’ai également eu l’opportunité de m’entretenir à nouveau avec le Gouverneur du Groupe de la Banque mondiale, le ministre des Finances, Ilyas Moussa Dawaleh. Enfin, j’ai participé au lancement national du Rapport sur le climat et le développement (CCDR) du Groupe de la Banque mondiale pour Djibouti, qui aidera le pays à identifier les voies et moyens de faire face aux menaces du changement climatique tout en atteignant ses objectifs de développement.

Ces rencontres sont pour moi l’occasion de travailler réellement avec nos partenaires djiboutiens pour identifier les prochaines étapes concrètes que le pays peut franchir sur la voie d’un développement stable et inclusif – notamment dans des domaines tels que le développement des infrastructures, la gestion des finances publiques, ainsi que le renforcement de la résilience au changement climatique.

Ces engagements témoignent également du partenariat solide et croissant du Groupe de la Banque mondiale avec

Djibouti. Le portefeuille de 400 millions de dollars de la Banque mondiale à Djibouti est axé sur des secteurs clés tels que l’énergie, les transports, la transformation numérique, l’éducation, la santé et le soutien aux petites entreprises.

La Société Financière Internationale, également connue sous son acronyme anglais IFC – la branche du Groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé – soutient les technologies de l’information, l’énergie et les infrastructures portuaires, et promeut l’inclusion financière.

L’un des défis les plus importants pour Djibouti est d’élargir la base économique afin de créer des emplois de qualité pour tous les citoyens. Le Groupe de la Banque mondiale se mobilise pour soutenir Djibouti en aidant le pays à développer des compétences orientées vers le marché, en mettant l’accent sur les femmes et les jeunes ayant des besoins spécifiques. L’un des principaux objectifs est de renforcer la participation du secteur privé et la coordination entre les ministères afin de promouvoir une utilisation plus efficace des ressources limitées.

Nous sommes déterminés à continuer d’aider Djibouti dans l’atteinte de ses objectifs nationaux de développement et à engager des réformes clés, notamment celles qui contribueront à promouvoir la compétitivité et à diversifier l’économie.

Le changement climatique est un problème pressant à l’échelle mondiale, et Djibouti ne fait pas exception. Quels sont, selon vous, les principaux défis que le changement climatique présente pour Djibouti, et comment ces défis affectent-ils la population et l’économie de Djibouti ?

Le changement climatique est un défi mondial. À Djibouti, le pays est aux prises avec une chaleur extrême, des inondations et des sécheresses plus fréquentes,ainsi que l’élévation du niveau de la mer. Ces problèmes ne sont pas seulement environnementaux : ils ont un impact direct sur la vie des Djiboutienset sur l’économie. Par exemple, les phénomènes météorologiques extrêmes ont déjà des répercussions sur les ressources en eau et la propagation de maladies telles que le paludisme, ce qui met à rude épreuve la santé publique.

Sur le plan économique, la position de Djibouti en tant que plaque tournante de la région en fait un pôle particulièrement important. Le port de Djibouti est un point d’entrée essentiel pour le commerce dans la Corne de l’Afrique. Lorsque le changement climatique affecte des infrastructures telles que les ports, les routes et les chemins de fer, il ralentit non seulement les entreprises locales, mais aussi l’économie de toute la région.

Si nous n’agissons pas, les dommages économiques pourraient être graves et coûter à Djibouti jusqu’à 6 % de son PIB d’ici 2050. Mais la bonne nouvelle, c’est que le pays a déjà pris des mesures importantes pour y remédier, et qu’en investissant davantage dans la résilience climatique, nous pouvons atténuer ces risques. Cela contribuera à protéger le rôle vital de Djibouti dans le commerce régional et à soutenir une croissance durable pour l’avenir.

Sur la base des conclusions du CCDR, quelles sont les principales recommandations à faire à Djibouti pour atténuer les risques associés au changement climatique ? Quelles mesures le pays peut-il prendre pour réduire efficacement ces risques ?

Le CCDR formule plusieurs recommandations essentielles pour Djibouti, et le pays réalise déjà des investissements qui peuvent devenir le fondement d’une économie résiliente. Il s’agit notamment de la capacité de dessalement et du raccordement au réseau d’adduction d’eau vers l’Éthiopie, qui peuvent – avec les investissements appropriés dans le réseau d’eau urbain – assurer la sécurité de l’eau en milieu urbain. Nous devons compléter cette démarche en investissant davantage dans la sécurité hydrique en milieu rural.

Dans le secteur de l’électricité, le parc éolien du Goubet et les interconnexions avec l’Éthiopie ont permis d’accroître l’accès aux énergies propres. La poursuite de la réforme du secteur de l’électricité peut permettre à l’économie d’en tirer d’énormes avantages.

Une autre mesure importante consiste à investir dans des infrastructures résistantes aux chocs climatiques. Cela signifie rendre le réseau de transport plus résilient et améliorer les systèmes de gestion des inondations urbaines pour faire face à des précipitations plus intenses. Une bonne gestion du zonage urbain est également très efficace dans la gestion des inondations.

La diversification de l’économie sera vitale pour créer de nouvelles opportunités d’emploi. Dans le développement des secteurs tels que les technologies de l’information et de la communication et le tourisme durable, Djibouti peut suivre des approches de planification sensibles au climat pour atténuer les risques et atteindre une plus grande durabilité des investissements.

Enfin, l’amélioration des systèmes de santé publique pour mieux prendre en charge les maladies liées au climat et l’investissement dans des programmes de protection sociale peuvent aider à protéger les populations les plus sensibles.

Comment la Banque mondiale soutient-elle Djibouti dans ses efforts de lutte contre le changement climatique et de promotion du développement durable ?

Le CCDR propose des mesures initiales importantes, à la fois sélectives et concrètes. En tant que partenaire de développement clé de Djibouti, le Groupe de la Banque mondiale s’est engagé à coordonner les actions autour des priorités nationales en matière de résilience et de développement, à mobiliser les ressources appropriées ainsi qu’à contribuer au renforcement des capacités et à la mise en place d’un environnement plus favorable pour le secteur privé.

Nous continuerons à soutenir des projets importants tels que la gestion des inondations urbaines et le développement des sources d’énergie renouvelable, comme le parc éolien du Goubet. Nous contribuerons également à renforcer les infrastructures afin qu’elles résistent mieux aux conditions météorologiques extrêmes.

Plus généralement, en ce qui concerne le développement durable, nous soutenons Djibouti avec un portefeuille diversifié de projets conçus pour promouvoir une croissance inclusive et un avenir meilleur pour le pays à long terme. Dans le domaine de l’éducation, par exemple, le Projet d’élargissement des possibilités d’apprentissage a déjà inscrit plus de 23 000 enfants non scolarisés, et il est prévu d’en inscrire 12 000 de plus cette année.

Les programmes de protection sociale jouent également un rôle essentiel dans la réduction des vulnérabilités ainsi que le renforcement de la résilience et de la sécurité alimentaire des populations les plus à risque de Djibouti. Le Projet d’intervention d’urgence en réponse à la crise dans le secteur de la protection sociale a fourni des transferts en espèces et en nature à plus de 86 000 personnes et contribue à réduire la dépendance à l’égard de l’aide d’urgence, tout en favorisant l’inclusion financière. Désormais, 60 % des bénéficiaires ruraux sont connectés à des institutions financières formelles. L’avenir économique de Djibouti dépend de sa connectivité aux marchés régionaux et mondiaux. En ce qui concerne les infrastructures, nous avons récemment approuvé un financement de 90 millions de dollars, ce qui équivaut approximativement à 16 milliards de francs Djibouti,afin d’aider à améliorer la connectivité et la résilience régionales, l’efficacité logistique et l’amélioration de l’accessibilité le long du corridor sud Djibouti-Addis-Abeba.

J’ai la ferme conviction que ces efforts, conjugués aux investissements et réformes futurs, permettront à Djibouti de réaliser sa Vision 2035 dans la réduction de la pauvreté, la promotion d’une croissance inclusive et le renforcement de la résilience face aux chocs futurs.