Dr Houssein Youssouf Darar

Directeur général de l’Institut National de la Santé Publique de Djibouti

Titulaire de 2 spécialités médicales et 1 spécialité en biologie clinique, d’un double master en santé publique et en management des projets ainsi que de nombreux diplômes dans les domaines de l’épidémiologie, de la paludologie, des maladies transmissibles et de la recherche clinique, Dr Houssein Youssouf Darar a débuté sa carrière dans un centre de recherche clinique au Sénégal. Il a été pendant cinq ans président du comité de gestion de pays à l’OMS avant de revenir à Djibouti et d’occuper de nombreux postes de responsabilité à l’IGAD et notamment au ministère de la Santé. Homme de terrain, il a contribué durant sa vie professionnelle à la protection de notre population contre les épidémies les plus dangereuses, telles que le choléra, la méningite, le paludisme, la brucellose, la leishmaniose, etc. Des actions et des compétences qui lui ont permis de prendre pour la seconde fois, en 2022, les rênes de l’institut national de la santé publique de Djibouti (INSPD).

Entretien.

La Nation : Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de votre institution ?

Dr Houssein Youssouf Darar : Comme vous le savez, l’INSPD a été mis en place en 2010 en vue de rassembler, d’analyser et d’actualiser les données sur les risques sanitaires, leurs causes et leurs évolutions ; de détecter notamment les facteurs susceptibles d’altérer la santé de la population ; d’étudier et de répertorier, pour chaque type de risque, les populations les plus menacées. Concernant la santé environnementale, l’INSPD contrôle l’hygiène des produits destinés à la consommation humaine, la participation à la prévention et la lutte contre les effets des inondations et les pollutions de l’atmosphère, des sols et des mers. Nous veillons également à la salubrité de l’assainissement. En tant qu’organisme responsable de l’application du règlement sanitaire international, nous fournissons des carnets de vaccination internationale aux voyageurs djiboutiens et déployons des équipes pour vérifier la validité de ces carnets et administrer des vaccins aux voyageurs arrivant dans notre pays aux différents points d’entrée.

L’INSPD surveille activement environ 35 maladies à déclaration obligatoire telles que le choléra, la méningite, etc. Pour y parvenir, nous avons établi des points focaux dans les centres de soins, les hôpitaux et notamment au niveau des principales entrées du pays, c’est-à-dire les frontières terrestres, aériennes et maritimes, pour signaler immédiatement les cas de ces maladies. Nous avons mis en place un service de riposte, prêt à intervenir dès qu’une maladie épidémiologique est déclarée. En plus des différents départements de veille sanitaire, nous disposons d’un laboratoire sophistiqué dédié au contrôle des épidémies et des vecteurs tels que les moustiques, les parasites, etc. Nous sommes également habileté au contrôle de l’eau, de la bactériologie et de la surveillance de l’antibiorésistance, ainsi que la gestion de l’environnement et des eaux usées.

Concrètement, comment opérez-vous sur le terrain ?

Nous avons, d’une part, adopté le modèle du CDC d’Atlanta, reconnu comme l’un des meilleurs au monde en termes de détection des maladies, et, de l’autre part, nous avons mis en place une stratégie de digitalisation de l’information et de décentralisation de nos activités.

Nous disposons sur le terrain de 22 employés contractuels et nous avons assuré la formation de 42 infirmiers dans le domaine des investigations des maladies. Ces infirmiers ont été déployés dans l’ensemble des établissements de santé ainsi que dans les différents corps de défense et de sécurité du pays.

Nous avons des partenariats avec des ONG internationales, tel que le Réseau Africain d’Épidémiologie de Terrain (AFENET), soutenu par le CDC d’Atlanta. En collaboration de l’IGAD, nous bénéficions du soutien de la Fondation SORMAS, pour la digitalisation des données de la surveillance épidémiologique aussi bien au niveau des hôpitaux du pays mais également au niveau des frontières. Nous avons d’ailleurs reçu le 11 février dernier le premier lot de matériels et nous comptons lancer prochainement l’application de numérisation de la surveillance des maladies. Il est à noter que depuis décembre 2023, l’INSPD est membre de l’Association Internationale des Instituts Nationaux de Santé Publique (AINPHI), qui est un partenaire crucial dans le domaine du renforcement de nos capacités.

Pourquoi dites-vous « partenaire crucial » à propos de l’AINPHI ?

L’IANPHI est une Association internationale qui regroupe 98 Instituts Nationaux de Santé Publique dans le monde. Lesquelles coopèrent dans tout ce qui est renforcement des capacités scientifiques, techniques et pratiques pour prévenir et contrôler les principales causes de morbidité. A travers cette adhésion, nous pourrons améliorer nos pratiques, renforcer nos capacités opérationnelles et mettre en œuvre des stratégies novatrices basées sur les meilleures pratiques internationales, contribuant ainsi à améliorer la santé publique à l’échelle nationale. Cette reconnaissance internationale atteste de notre engagement et de notre qualité dans le domaine de la santé publique. Au niveau de la région, seuls l’Ethiopie, le Kenya et Djibouti sont membres de cette association. L’Erythrée n’est pas membre et la Somalie est en train de se battre pour se faire reconnaître.

En conclusion, quelles sont les perspectives d’avenir de l’INSPD ?

Bien que sur le plan national, nous portons la nomenclature d’une Direction Général de la Santé Publique, l’INSPD, reconnu sous cette appellation au niveau international, nourrit de grandes ambitions pour l’avenir dans le domaine de la promotion de la santé publique, tant à l’échelle nationale que mondiale. Nous comptons renforcer nos collaborations avec d’autres instituts de renom à travers le monde et nous envisageons également d’exploiter pleinement les ressources et les expertises disponibles au sein de l’IANPHI, à laquelle nous venons d’adhérer pour développer des solutions adaptées aux besoins spécifiques de notre communauté. Il est donc primordial pour nous de mettre en place des programmes de formation avancée, d’explorer de nouvelles technologies pour améliorer la prévention des maladies, la surveillance épidémiologique et la prestation de soins de santé. En renforçant notre collaboration avec les partenaires internationaux et en adoptant des approches innovantes, nous sommes convaincus que nous pouvons contribuer de manière significative à l’amélioration de la santé et du bien-être de notre population.

Interview réalisée par Rachid Bayleh