« Notre ambition, est de faire du tourisme une force transversale de développement »

À l’heure où Djibouti intensifie ses efforts pour diversifier son économie et valoriser ses richesses naturelles et culturelles, le secteur du tourisme émerge comme un levier stratégique de développement durable. Acteur clé de cette transformation, l’Agence Nationale du Tourisme (ANT), dirigée par M.Osman Abdi Mohamed, multiplie les initiatives pour positionner le pays sur la carte des destinations incontournables de la Corne de l’Afrique. Dans cet entretien exclusif accordé à La Nation, le directeur général revient sur les grands axes de la stratégie nationale du tourisme, les succès déjà enregistrés, les défis à relever, et les ambitions portées à l’horizon 2030. Avec une vision claire et des projets structurants, il affirme une conviction forte : « Le tourisme n’est pas un secteur d’appoint, mais une force transversale de développement pour Djibouti ».

LA NATION : Monsieur le directeur général, avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous parler brièvement des missions principales de l’Agence Nationale du Tourisme ?

OSMAN ABDI MOHAMED : L’Agence Nationale du Tourisme (ANT) est un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministère du Commerce et du Tourisme. Elle a été créée dans le but de piloter, encadrer et dynamiser le développement touristique en République de Djibouti. Ses missions principales sont multiples, mais complémentaires. Tout d’abord, l’ANT est chargée de mettre en œuvre la politique nationale du tourisme, telle que définie par le gouvernement. Cela inclut la promotion de la destination Djibouti à l’échelle nationale, régionale et internationale, ainsi que le développement de produits touristiques diversifiés et durables. Elle joue aussi un rôle central dans la réglementation et l’encadrement du secteur, notamment à travers la délivrance d’agréments, le suivi des opérateurs touristiques et la mise en place de normes de qualité.

Par ailleurs, l’ANT œuvre à la structuration des filières touristiques, à l’attractivité des investissements et à la valorisation du patrimoine naturel, culturel et historique du pays, tout en veillant à l’intégration des populations locales et à la préservation de l’environnement. En résumé, l’ANT est à la fois un acteur stratégique, un régulateur et un catalyseur de développement, avec une vision résolument tournée vers un tourisme durable, inclusif et compétitif.

Comme vous le savez, le secteur du tourisme figurait parmi les secteurs les plus impactés par la pandémie du COVID-19 en 2020.  Comment se porte actuellement le secteur touristique à Djibouti ? Avez-vous des chiffres récents ?

La pandémie de COVID-19 a fortement impacté le secteur, avec une chute brutale des arrivées touristiques en 2020. Toutefois, depuis la réouverture des frontières et la reprise des activités mondiales, nous constatons une relance progressive. Les arrivées internationales affichent une forte croissance initiale, passant de 74 738 visiteurs en 2020 à 144 949 visiteurs en 2022, soit une augmentation de 94 %, illustrant une reprise notable après les restrictions de voyage liées à la pandémie. Djibouti a accueilli 100 072 visiteurs internationaux en 2024. La variation du nombre de visiteurs internationaux dépend des tendances mondiales en matière de voyages et de la stabilité régionale.

Quelle est la vision stratégique actuelle de l’ANT pour positionner Djibouti comme une destination touristique de premier plan en Afrique de l’Est ?

L’ANT vise à positionner Djibouti non comme une destination de tourisme de masse, mais comme une destination de qualité, durable et diversifiée, intégrée à une stratégie régionale (IGAD), soutenue par le développement des infrastructures, une promotion internationale active, et une structuration de l’offre fondée sur l’excellence et la formation.C’est dans ce cadre également que Djibouti a conclu des protocoles de partenariat avec le Kenya, le Rwanda, l’Ethiopie, etc…

Depuis la période post-Covid, le nombre d’hôtels a quadruplé à Djibouti. Cette dynamique s’inscrit-elle dans une ambition axée sur le tourisme de masse ?

Le développement rapide de l’hébergement hôtelier à Djibouti post-Covid ne reflète pas une volonté de tourisme de masse, mais plutôt une stratégie de diversification, de modernisation des infrastructures et d’adaptation à une clientèle ciblée et variée, également pour répondre à une demande de plus en plus croissante. La priorité semble davantage orientée vers un tourisme durable, de qualité, et économiquement stratégique.

Au niveau de l’ANT, avez-vous mis en place une stratégie pour accompagner cette dynamique?

Absolument. L’Agence Nationale du Tourisme (ANT) a mis en place une stratégie claire, structurée et multidimensionnelle pour accompagner la dynamique croissante du secteur touristique à Djibouti, notamment depuis la période post-Covid.

Notre démarche repose sur plusieurs axes stratégiques complémentaires. Nous avons d’abord renforcé la promotion de la destination Djibouti en développant des outils modernes de communication, à l’instar du portail officiel « VisitDjibouti ». En parallèle, notre présence a été consolidée dans les salons touristiques internationaux. Des campagnes ciblées, des partenariats noués avec des tours opérateurs régionaux et internationaux, ainsi que le recours à des influenceurs, participent à positionner Djibouti comme une destination authentique, unique et sécurisée.

Ensuite, nous avons œuvré à la structuration de l’offre touristique à travers l’identification, la valorisation et l’encadrement des sites d’intérêt sur l’ensemble du territoire. Un appui particulier est apporté aux porteurs de projets, notamment dans les régions, avec une attention soutenue à l’écotourisme communautaire en collaboration avec les populations locales et les autorités décentralisées.

Par ailleurs, le renforcement des compétences humaines constitue un pilier essentiel de notre stratégie. À ce titre, nous accompagnons activement la formation des professionnels du secteur à travers des actions de renforcement des capacités. Nous organisons également des formations continues, des ateliers et des séminaires à destination des guides, opérateurs touristiques et hôteliers, axés sur la qualité de l’accueil, la gestion de la relation client, les normes HACCP, la sécurité des visiteurs, le marketing digital, et bien d’autres domaines techniques. Nous nous engageons également dans l’encadrement réglementaire et la promotion de la durabilité. Notre action s’inscrit dans le cadre de la Loi n°45/AN/19/8ème L relative à l’orientation stratégique du tourisme. Des mesures concrètes sont également mises en œuvre pour garantir la durabilité des activités, à l’image du décret encadrant les visites des requins-baleines à Arta Plage. Ce texte vise à réguler le comportement des visiteurs et des opérateurs touristiques afin de préserver ce produit phare sur le long terme.

Enfin, nous accordons une importance particulière à la coopération régionale et internationale. Djibouti participe activement à l’élaboration et à la mise en œuvre du plan stratégique du tourisme durable de l’IGAD pour la période 2024–2034. Nous développons également des partenariats avec des bailleurs de fonds internationaux et des institutions régionales pour soutenir la promotion d’un tourisme durable à Djibouti.

En somme, la stratégie de l’ANT vise à positionner Djibouti comme une destination touristique durable, inclusive et compétitive en Afrique de l’Est, tout en créant de la valeur ajoutée pour nos communautés et notre économie.

L’ANT a lancé en 2021 l’édition 2024-2026 du Guide de voyage le « Petit Futé » sur la destination Djibouti, vous avez également participé à des nombreux événements internationaux (Expo 2020 de Dubaï, Qatar Travel Market 2024 dont vous avez eu une distinction honorable, Edition 2023 du Salon International de la Plongée sous-marine à Dubaï aux Emirats Arabe Unies, au 24e Salon International de la Plongée sous-marine à Paris en 2023, le 47ème Édition du Salon Mondial du Tourisme de Paris en 2024, et en avril dernier à l’Expo 2025 Osaka. Quels sont les retours concrets de ces participations ?

Les retours de ces participations ont été extrêmement positifs et concrets à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, notre présence à ces événements nous a permis de positionner Djibouti sur la carte internationale du tourisme, notamment dans des segments spécifiques comme le tourisme de nature, la plongée sous-marine et l’écotourisme. Le lancement de l’édition « Petit Futé »2024–2026 a également contribué à renforcer la visibilité éditoriale de Djibouti en tant que destination authentique et préservée, à travers un canal largement consulté par les voyageurs francophones. Egalement un guide de plongée spécialisé pour la plongée sous-marine pour la période 2025-2027 a été lancé pour attirer les amateurs de la plongée sous-marine. Ces salons ont été des occasions majeures de rencontres B2B avec des tour-opérateurs, des plateformes de réservation, des agences spécialisées et des journalistes du monde entier. L’un des résultats les plus marquants est notre distinction honorifique au Qatar TravelMarket 2024, qui a valorisé nos efforts en matière de promotion et de développement durable. Cela a renforcé notre visibilité et ouvert la voie à de nouvelles opportunités d’investissement touristique, notamment en hébergement écologique et activités nautiques. Par ailleurs, la participation à des événements comme le Salon de la Plongée à Paris et Dubaï a permis de toucher directement une niche stratégique : les passionnés de plongée, pour lesquels Djibouti représente une destination de rêve, encore peu fréquentée mais riche en biodiversité marine. Notre participation à ces divers salons est de gagner des parts de marché avec des clientèles diversifiées du Moyen-Orient, de l’Europe, etc…

Enfin, notre présence à l’Expo 2025 Osaka s’inscrit dans une stratégie à long terme pour renforcer notre notoriété en Asie, un marché à fort potentiel pour Djibouti. Ces actions contribuent globalement à accroître le nombre de visiteurs internationaux, diversifier notre clientèle, et renforcer notre image de destination durable et émergente en Afrique de l’Est. Cette exposition est également une vitrine pour promouvoir les investissements et partenariats dans les secteurs à forte potentialités comme la logistique, le tourisme, l’énergie ; les télécommunications, etc…

Comment l’ANT contribue-t-elle à la création d’emplois, notamment pour les jeunes ?

La création d’emplois, notamment pour les jeunes, constitue une priorité majeure pour l’Agence Nationale du Tourisme. Nous considérons le secteur touristique non seulement comme un moteur de croissance économique, mais surtout comme un véritable levier d’insertion professionnelle pour la jeunesse djiboutienne. Pour atteindre cet objectif, notre action s’articule autour de plusieurs axes complémentaires.

Tout d’abord, nous misons fortement sur la formation. Nous apportons un appui soutenu aux établissements spécialisés tels que le Lycée Hôtelier d’Arta et le Centre Sunny Hill, qui forment chaque année de nombreux jeunes aux métiers clés du tourisme : accueil, cuisine, service, guidage, entre autres. En complément de ces cursus académiques, nous développons également des formations de courte durée, destinées à renforcer les acquis théoriques par une immersion concrète sur le terrain, en lien avec les besoins du marché.

Dans cette même dynamique, nous travaillons actuellement à la mise en place d’un projet structurant d’envergure : la création d’un Centre d’Excellence pour les Métiers du Tourisme et de l’Hôtellerie. Ce centre, en cours de développement dans le cadre d’un partenariat public-privé avec le soutien de la Délégation Générale au Partenariat Public-Privé (DGPPP) et de l’Agence Française de Développement (AFD), ambitionne de devenir un pôle de référence en Afrique de l’Est. Il proposera des formations certifiantes alignées sur les standards internationaux, avec une forte orientation vers l’employabilité et l’innovation pédagogique.

Par ailleurs, la réglementation des professions touristiques constitue un autre levier essentiel de notre stratégie. En encadrant de manière claire et rigoureuse les métiers tels que ceux de guide, d’agent de voyage ou encore d’opérateur d’hébergement, nous permettons aux jeunes d’exercer dans un cadre légal, sécurisé et reconnu. Ce processus de professionnalisation contribue à améliorer la qualité des services offerts aux visiteurs, tout en renforçant la crédibilité du secteur. Enfin, notre action a un impact transversal sur les filières économiques connexes. L’essor du tourisme entraîne un développement notable dans des domaines comme l’artisanat local, le transport (qu’il s’agisse de véhicules ou de bateaux), la restauration ou encore la logistique événementielle. Ces activités périphériques, souvent génératrices d’emplois et de revenus, bénéficient directement de la dynamique enclenchée dans le secteur touristique. En consolidant ces différents piliers, nous œuvrons à bâtir un écosystème touristique inclusif, durable et porteur d’avenir pour la jeunesse djiboutienne.

Quelle place occupe l’entrepreneuriat touristique local dans votre stratégie de développement ?

L’entrepreneuriat local est au cœur de notre stratégie. L’ANT promeut les projets innovants à forte valeur ajoutée portés par les jeunes, les femmes et les coopératives locales, Nous voulons bâtir un secteur ancré dans les réalités du pays.En effet, notre objectif est d’inciter les jeunes à s’engager dans la réalisation de petits projets inexistants ou rares dans le secteur du tourisme. Néanmoins, l’accompagnement de ces jeunes dans la mobilisation de financement dans leurs projets reste encore un défi à relever.

Les régions disposent de richesses naturelles et culturelles encore peu exploitées. Quelles sont les initiatives envisagées pour valoriser le potentiel touristique de l’intérieur du pays ?

L’intérieur du pays recèle un patrimoine naturel et culturel exceptionnel, encore largement sous-exploité, offrant un potentiel considérable pour un tourisme durable et inclusif. L’Agence Nationale du Tourisme met en œuvre plusieurs initiatives pour valoriser ces richesses.

Nous accompagnons les communautés locales dans le développement de projets d’écotourisme communautaire, notamment dans les régions de Dikhil, Tadjourah, Obock et Ali Sabieh. Cela inclut la création de circuits thématiques adaptés, la formation de guides locaux et la mise en place d’infrastructures légères respectueuses de l’environnement, telles que des sentiers, des points d’observation et des aires d’accueil.

Par ailleurs, l’ANT travaille à intégrer ces offres régionales dans les campagnes de promotion nationale et internationale, facilitant ainsi leur commercialisation via les agences et tour-opérateurs. Nous collaborons également avec des partenaires publics et privés pour financer des projets structurants visant à renforcer l’accessibilité et l’attractivité de ces territoires.

L’objectif est clair : faire des régions intérieures une destination authentique, diversifiée, génératrice d’emplois locaux et de développement durable.

Où en est-on avec le projet de Centre d’Excellence en Hôtellerie et Tourisme?

Le projet de création du Centre d’Excellence pour la formation professionnelle dans le tourisme et l’hôtellerie à Djibouti s’inscrit dans une démarche stratégique visant à répondre aux besoins croissants du secteur touristique, un domaine clé pour la diversification économique du pays. Cette initiative s’aligne parfaitement avec le Schéma Directeur du Développement du Tourisme Durable de Djibouti (2019-2024). Ce projet émane d’un besoin clairement exprimé par les professionnels du secteur touristique, qui se sont engagés à soutenir activement l’initiative. Bien que ces acteurs forment déjà leur personnel en interne, ils reconnaissent les limites de cette approche : les formations dispensées ne permettent qu’un renforcement de compétences restreint et ne bénéficient pas de l’infrastructure pédagogique nécessaire à une formation complète et qualifiante.

Pour répondre à ces défis, le nouveau centre proposera une approche intégrée combinant théorie et pratique, grâce à des installations modernes incluant des restaurants d’application et d’autres espaces simulant les conditions réelles d’exercice des métiers de l’hôtellerie et du tourisme. Le projet vise à établir un pôle d’excellence capable de former aussi bien les professionnels déjà actifs que les nouvelles générations dans divers métiers du tourisme. Il s’agit pour nous de développer une offre de formation de qualité alignée sur les standards internationaux, permettant de répondre aux besoins de qualification du secteur touristique local ; de  créer un environnement d’apprentissage pratique à travers des modules tels que des restaurants d’application, des hôtels-écoles, des programmes d’alternance et des stages ; d’établir des partenariats stratégiques avec des acteurs locaux du secteur hôtelier, tels que le Kempinski et le Sheraton, pour développer des programmes de formation continue adaptés aux besoins du marché ; de faciliter l’ouverture internationale grâce à des partenariats avec des écoles hôtelières étrangères, offrant des opportunités de stage et de perfectionnement à l’international et de valoriser notamment les métiers du tourisme auprès des jeunes Djiboutiens et contribuer à la professionnalisation du secteur. Et ce projet est actuellement en bonne voie.

L’étude de préfaisabilité d’un modèle PPP pour le projet de centre de formation d’excellence aux métiers du tourisme et de l’hôtellerie conclut sur un résultat positif. Les prochaines étapes porteront sur des études techniques complémentaires pour la concrétisation du projet.

En septembre 2024, une délégation djiboutienne conduite par le ministre du Commerce et du Tourisme a participé à Addis-Abeba à la validation et au lancement de la stratégie de développement du tourisme durable de l’IGAD pour la période 2024-2034. Vous faisiez partie de cette délégation. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette stratégie et sur ce qu’elle représente pour le développement du tourisme à Djibouti ?

Effectivement, j’ai eu l’honneur de faire partie de la délégation djiboutienne à Addis-Abeba pour le lancement officiel de la stratégie régionale de développement du tourisme durable de l’IGAD 2024–2034. Cette stratégie marque une étape importante pour la coopération régionale en matière de tourisme. Elle vise à renforcer l’intégration des pays membres à travers un tourisme durable, inclusif et résilient, en mettant l’accent sur la valorisation du patrimoine naturel et culturel, le développement des infrastructures touristiques, la professionnalisation des acteurs du secteur et la libre circulation des touristes dans la région.

Pour Djibouti, cette stratégie représente une opportunité majeure. Elle permet de positionner notre pays comme un acteur clé du tourisme régional, notamment grâce à sa situation géographique stratégique, sa stabilité, et la richesse de son offre naturelle et culturelle.

Elle ouvre également la voie à des projets transfrontaliers comme la création de circuits touristiques partagés, la standardisation des formations et la mutualisation des outils de promotion qui vont renforcer notre attractivité et créer des opportunités économiques pour nos communautés locales.

Enfin, elle confirme l’engagement de Djibouti à développer un tourisme durable, responsable et ancré dans une vision régionale commune, en ligne avec notre propre stratégie nationale.

Cet événement a confirmé la volonté politique des pays membres de l’IGAD dans le développement du secteur du tourisme, l’enjeu reste maintenant dans la mobilisation de financements nécessaires.

La charte de bonne conduite signée avec les opérateurs du secteur est-elle déjà mise en œuvre ? Quels sont les premiers résultats ?

Oui, la charte de bonne conduite pour un tourisme durable élaborée par l’Agence Nationale du Tourisme pour les opérateurs touristiques a bel et bien été lancée. Cela représente une étape importante pour renforcer les standards de qualité, de durabilité et d’éthique dans le secteur. Plusieurs acteurs (hôteliers, agences de voyage et guides) y ont déjà adhéré de manière volontaire, témoignant d’un engagement encourageant.

Cependant, la mise en œuvre concrète reste à un stade balbutiant. L’ANT travaille actuellement à renforcer ce dispositif, à travers des sessions de sensibilisation (pour expliquer les engagements contenus dans la charte, les bénéfices attendus, et encourager leur intégration dans les pratiques quotidiennes), et la création d’un cadre d’incitation progressif (création d’un programme de labellisation afin de récompenser les établissements et opérateurs exemplaires tout en encourageant les autres à s’améliorer progressivement). L’objectif est de faire de cette charte un outil évolutif et fédérateur, capable d’impulser une véritable culture professionnelle et responsable dans l’ensemble de la chaîne touristique djiboutienne.

Quels sont les principaux défis à relever pour faire de Djibouti une destination touristique majeure dans la Corne de l’Afrique ?

Djibouti dispose d’un potentiel touristique exceptionnel, tant par la richesse de ses écosystèmes que par la diversité de son patrimoine culturel. Toutefois, plusieurs défis majeurs doivent être relevés pour faire du pays une destination de référence dans la Corne de l’Afrique.

D’abord, le développement des infrastructures d’accueil reste une priorité : il est essentiel d’élargir et diversifier l’offre hôtelière, notamment dans les régions de l’intérieur, pour répondre aux standards internationaux.

Ensuite, la connectivité aérienne et terrestre doit être renforcée afin de faciliter l’accès aux sites touristiques, aujourd’hui parfois difficiles d’accès.

Un autre enjeu clé est le renforcement des capacités humaines. La professionnalisation des métiers du tourisme et de l’hôtellerie est indispensable pour garantir une expérience de qualité aux visiteurs. C’est dans cette optique que s’inscrit le projet de Centre d’Excellence pour la formation aux métiers du secteur.

Enfin, la valorisation du tourisme durable et communautaire qui reste un levier stratégique, notamment pour intégrer les populations locales, protéger l’environnement, et assurer une croissance inclusive.

Ces défis sont nombreux mais pas insurmontables.

Quels sont les grands projets prévus par l’ANT pour 2025-2030 ?

Pour la période 2025-2030, l’Agence Nationale du Tourisme a défini une feuille de route ambitieuse, axée sur la structuration durable et inclusive du secteur touristique à Djibouti. Parmi les projets phares figure en premier lieu la construction du Centre d’Excellence en Hôtellerie et Tourisme, en partenariat public-privé. Ce centre aura pour vocation de former les jeunes aux métiers du tourisme, de l’accueil, de la restauration et du guidage, avec un fort accent sur les standards internationaux.

L’ANT prévoit également de développer des projets écotouristiques régionaux, mettant en valeur les zones à fort potentiel naturel et culturel, comme le lac Abbé, Godoria, le lac Assal, la plage d’Arta, Assamo.

Un autre projet majeur est la mise en place d’un système de labellisation qualité pour les établissements touristiques, afin de renforcer la compétitivité et la transparence du secteur.

Par ailleurs, l’ANT entend intensifier ses actions de promotion internationale, notamment à travers une présence renforcée sur les grands salons du tourisme, des campagnes digitales ciblées et des partenariats avec des influenceurs spécialisés.

Enfin, l’intégration du numérique dans la gestion et la promotion du secteur.

Bien évidemment, la concrétisation de nos projets et missions nécessitent une mobilisation de financement nécessaire à l’ANT qui reste à ce jour largement insuffisante.

Où voyez-vous le secteur touristique djiboutien dans 5 ou 10 ans ?

Dans cinq à dix ans, je vois le secteur touristique djiboutien profondément transformé.

Nous aurons réussi à bâtir une offre touristique diversifiée, compétitive et inclusive, valorisant aussi bien les trésors naturels tels que le lac Assal, les fonds marins exceptionnels ou le massif du Day que le riche patrimoine culturel des régions.

Grâce aux investissements en cours et aux réformes engagées, notamment à travers la formation professionnelle, la promotion internationale, et la réglementation du secteur, Djibouti devrait être positionné comme une destination de niche incontournable dans la Corne de l’Afrique : une alternative durable et authentique aux grandes destinations touristiques. Une destination de référence pour les voyageurs à la recherche d’authenticité, de nature préservée et d’expériences culturelles riches.

Je suis également convaincu que l’écotourisme, le tourisme communautaire et le tourisme d’affaires joueront un rôle moteur dans l’économie locale, avec un impact direct sur la création d’emplois, l’entrepreneuriat jeune, et l’attractivité territoriale.

Notre ambition, en somme, est de faire du tourisme non pas un secteur marginal, mais une force transversale de développement, d’identité et de résilience pour Djibouti à l’horizon 2030.

Pour conclure, quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes Djiboutiens ?

Je souhaite dire à la jeunesse djiboutienne qu’elle est au cœur de la transformation du secteur touristique. Le tourisme, ce n’est pas seulement accueillir des visiteurs, c’est aussi raconter notre histoire, préserver notre patrimoine, faire vivre nos régions et créer de la valeur localement.

Aujourd’hui, le pays a besoin de jeunes audacieux, curieux, créatifs, prêts à se former, à innover et à entreprendre. Chaque compétence compte : que vous soyez passionnés de langues, de nature, de cuisine, de technologie ou d’histoire, vous avez une place à prendre dans cette dynamique nationale.

Le tourisme est un secteur d’avenir, durable, qui peut être source de fierté, d’emplois et d’émancipation. Mon message est simple : osez, formez-vous, engagez-vous. L’Agence Nationale du Tourisme est là pour vous accompagner. Ensemble, faisons de Djibouti une destination inspirante… portée par ses jeunes talents.