Le Forum sur l’agrobusiness s’est achevé jeudi dernier à l’Ayla Grand Hôtel. Placée sous le haut patronage du Premier ministre, Abdoulkader Kamil Mohamed, cette dernière journée a permis de formuler des recommandations concrètes autour des potentialités et opportunités des quatre filières prioritaires. En toile de fond : l’ambition du gouvernement de transformer l’agriculture djiboutienne en un levier de croissance inclusive et de prospérité durable. Aux côtés du Premier ministre, la cérémonie de clôture a réuni plusieurs membres du gouvernement : le ministre de l’Économie et des Finances chargé de l’Industrie, Ilyas Moussa Dawaleh ; le ministre de l’Agriculture, de l’Eau, de la Pêche et de l’Élevage chargé des Ressources halieutiques, Mohamed Ahmed Awaleh ; le ministre de l’Intérieur, Saïd Nouh Hassan ; le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, Moustapha Mohamed Mohamoud ; le ministre des Infrastructures et de l’Équipement, Hassan Houmed Ibrahim ; le ministre de la Santé, Dr Ahmed Robleh Abdilleh ; et la Secrétaire d’État chargée des Investissements et du Développement du secteur privé, Mme Safia Mohamed Ali. Étaient également présents Mme Fatou Fall, représentante résidente de la Banque mondiale, M. Lawson Zankli Late Dodji, chef du programme pays de la Banque africaine de développement (BAD), des représentants du secteur privé, des partenaires techniques et financiers, des hauts cadres de l’administration, des chercheurs ainsi qu’un large public.

Trois jours d’échanges pour penser l’agriculture de demain

Durant trois jours, ce forum a été un espace de réflexion stratégique sur l’avenir agricole du pays. Divers profils d’acteurs, unis par la volonté de faire de l’agriculture un pilier du développement durable et de la souveraineté économique, ont échangé sur les défis, les solutions et les leviers d’action à mobiliser. Quatre filières ont été mises en avant par le gouvernement comme priorités nationales : le maraîchage, l’élevage, le palmier dattier et l’aquaculture. Le forum a ainsi permis de nourrir les réflexions autour de ces secteurs et d’explorer des pistes concrètes pour leur transformation. Des panels thématiques de haut niveau, des discussions riches et des présentations d’initiatives locales et régionales ont rythmé l’événement.

Dans son intervention, le chef du programme pays de la BAD, M. Lawson Zankli Late Dodji, a salué l’initiative du gouvernement djiboutien et souligné sa pertinence par rapport aux engagements pris lors du Sommet de Dakar 2 sur la souveraineté alimentaire : « La BAD soutient la transformation structurelle et la diversification économique en Afrique. À Djibouti, nous sommes prêts à accompagner les efforts vers une croissance inclusive et durable. »

Mme Fatou Fall, de la Banque mondiale, a quant à elle insisté sur l’importance d’une approche intégrée : « Malgré les contraintes climatiques, des solutions existent. Les filières définies par le gouvernement offrent une base solide pour bâtir des chaînes de valeur innovantes. Le soutien à la transformation, à l’innovation technologique et à la gestion durable des ressources est essentiel.»

Une synthèse encourageante et des perspectives concrètes

Le ministre de l’Agriculture, Mohamed Ahmed Awaleh, a fait un bilan synthétique des travaux du forum, mettant en lumière les premières avancées : « Sur la filière dattière, un engagement du PNUD à hauteur de 13 millions de dollars a été obtenu pour la Somalie et Djibouti. Concernant l’aquaculture, un schéma directeur a été élaboré, avec un focus sur la façade maritime d’Obock, identifiée comme zone stratégique. L’heure est désormais à la mobilisation des investisseurs. »

De son côté, le ministre de l’Économie, Ilyas Moussa Dawaleh, a tenu un discours clair sur la nécessité de produire localement : « La géopolitique récente, le Covid, les tensions autour du détroit de Bab el-Mandeb nous ont montré que dépendre à 80 % des importations alimentaires n’est plus viable. La technologie permet aujourd’hui ce qui était impensable hier. Il est temps de changer de paradigme. »

Dans son discours de clôture, le Premier ministre Abdoulkader Kamil Mohamed a rappelé les fondamentaux de cette ambition : « L’agrobusiness n’est pas une option, c’est une nécessité stratégique. Il s’agit de nourrir notre population, de créer des emplois décents et de bâtir une économie résiliente. L’agriculture, l’eau et l’énergie sont intimement liés. Notre pays peut miser sur ses ressources souterraines et le dessalement pour alimenter une agriculture nationale portée par des partenaires privés. Ensemble, nous réussirons. »

Au-delà des filières et de la production locale, le forum a souligné les atouts comparatifs de Djibouti : sa stabilité politique, ses infrastructures modernes, son port en eau profonde, sa proximité avec les marchés du Golfe (un à cinq jours par bateau), sa monnaie indexée sur le dollar… autant d’éléments qui font du pays une plateforme idéale pour l’agrobusiness régional. Un des axes clés est d’appliquer aux productions agricoles les mêmes normes de qualité et de traçabilité sanitaire qui ont fait la réputation du pays dans le secteur de la quarantaine animale. Le développement de chaînes logistiques efficaces, incluant la chaîne du froid, est aussi une priorité. Les résultats de ce forum visent à impulser une dynamique de transformation dans le secteur agricole avec, pour objectif central, le renforcement de la souveraineté alimentaire. Parmi les actions prioritaires à venir :L’amélioration de la productivité et de la compétitivité des filières, la structuration des segments industriels et familiaux, le développement des infrastructures de transformation, de conservation et de commercialisation, la modernisation des équipements agricoles et l’accès aux intrants de qualité, la promotion de la recherche appliquée, des innovations technologiques et des interprofessions, l’élaboration d’une feuille de route stratégique d’ici fin 2025, avec une table ronde prévue en novembre-décembre pour mobiliser les investissements privés.

Le forum sur l’agrobusiness à Djibouti marque un tournant important. Il pose les bases d’un changement de paradigme où l’agriculture ne sera plus une activité marginale, mais un secteur stratégique au cœur du développement national. L’heure est à l’action, à l’investissement et à la coordination. Le rendez-vous est désormais pris pour les étapes décisives à venir.

Sadik Ahmed