
« Chaque génération a le devoir de bâtir des ponts plutôt que des murs. C’est cette conviction que le Mémorial veut transmettre aux générations futures »
M. Yonis Ali Guedi, ministre de l’Énergie, chargé des Ressources naturellesCoordonnateur du projet « Mémorial d’Arta »
À la veille de l’inauguration du Mémorial de la Paix d’Arta, prévue ce jeudi 30 octobre 2025, La Nation s’est entretenue avec M. Yonis Ali Guedi, ministre de l’Énergie, chargé des Ressources naturelles, et coordonnateur du projet. Dans cet entretien, il revient sur la genèse de ce monument, sa portée symbolique et le message universel qu’il adresse à Djibouti, à la Somalie et à toute la région.
La Nation : Monsieur le ministre, d’où est venue l’idée d’ériger un Mémorial de la Paix à Arta ?
Yonis Ali Guedi : L’idée émane du Président de la République, Ismaïl Omar Guelleh. Lors d’une visite à Arta, il avait constaté qu’aucun signe tangible ne rappelait la Conférence de Réconciliation somalienne de l’an 2000, un événement historique qui avait marqué un tournant dans la recherche de la paix en Somalie. Le Président a voulu qu’un monument soit érigé pour immortaliser cet épisode fondateur. Ce Mémorial devait symboliser la vision de paix portée par Djibouti et rappeler que, sur ces hauteurs d’Arta, une nation sœur avait retrouvé l’espoir grâce au dialogue.
Pourquoi avoir choisi Arta précisément pour accueillir ce monument ?
Parce que c’est ici que tout a commencé. En 2000, Arta est devenue la capitale de la paix somalienne. Sous la grande tente dressée à flanc de montagne, des centaines de délégués venus de toutes les régions de Somalie, ainsi que de la diaspora, se sont réunis pour dialoguer, se réconcilier et jeter les bases d’un gouvernement de transition. Le choix d’Arta par le Président Ismaïl Omar Guelleh n’était pas fortuit : c’était un lieu neutre, paisible, symbole d’équilibre et d’unité. Vingt-cinq ans plus tard, il était naturel que ce même lieu devienne un espace de mémoire. Le Mémorial se dresse exactement à l’endroit où se trouvait la tente, comme un lien entre le passé et l’avenir.
Comment s’est déroulée la conception du projet et quels en sont les symboles architecturaux ?
Le projet a été élaboré sous la supervision du Président de la République, qui a tenu à ce que l’édifice soit porteur de sens. L’objectif n’était pas seulement de construire un bâtiment, mais de donner une forme à la mémoire. L’architecture du Mémorial s’inspire de deux symboles majeurs : la tente et l’arbre. La tente rappelle celle qui a abrité la Conférence d’Arta, symbole d’unité et de dialogue. L’arbre évoque la palabre africaine, cet espace traditionnel où l’on se réunit pour échanger et se réconcilier. Ces deux symboles se retrouvent dans la structure même du bâtiment. Le visiteur pénètre dans un espace ouvert et lumineux, où la lumière naturelle joue un rôle essentiel. La façade, composée de motifs géométriques blancs et bleus, traduit la paix et la fraternité entre Djibouti et la Somalie.
Le Mémorial est orienté vers le golfe de Tadjourah, comme une ouverture vers l’horizon, symbole d’espérance et d’avenir. À l’intérieur, la sobriété domine. Les matériaux choisis – béton clair, verre et métal – évoquent la transparence et la solidité des valeurs que ce lieu entend défendre.
Le Mémorial sera-t-il aussi un espace culturel et éducatif ?
Oui, tout à fait. Le Mémorial n’est pas un monument figé. Il a été conçu comme un espace vivant, un véritable musée de la paix. On y retrouvera des archives, des photographies, des documents, des témoignages et des objets liés à la Conférence de 2000. Les visiteurs pourront ainsi revivre les grandes étapes du processus de paix et comprendre le contexte de l’époque.
Mais ce lieu a aussi une vocation pédagogique. Il accueillera des visites scolaires, des expositions temporaires, des conférences et des activités éducatives sur la culture de la paix. Il s’agira d’un espace de transmission, destiné à sensibiliser les jeunes Djiboutiens et Somaliens à l’importance du dialogue et du compromis dans la construction d’une nation.
Quel rôle Djibouti a-t-il joué dans le processus de paix en Somalie à travers la Conférence d’Arta ?
Djibouti a joué un rôle déterminant grâce à la vision du Président Ismaïl Omar Guelleh. En 1999, à la tribune des Nations Unies, il avait lancé un appel à la communauté internationale pour redonner une chance à la Somalie.
Cet appel a conduit à l’organisation de la Conférence d’Arta, qui a réuni pour la première fois depuis la chute du régime somalien toutes les composantes de la société : chefs de clans, intellectuels, religieux, femmes, jeunes et diaspora.
Pendant plusieurs mois, ils ont débattu, négocié et rédigé une Charte nationale de transition. De ces travaux est né le premier gouvernement de transition somalien, dirigé par le président Abdiqasim Salad Hassan. Ce fut un moment d’unité et de renouveau, et le Mémorial vient aujourd’hui en perpétuer l’esprit.
Quel a été l’apport de votre ministère dans la réalisation du Mémorial ?
Le Président m’a confié la coordination du projet, une responsabilité que j’ai exercée avec honneur et rigueur. Nous avons travaillé avec des architectes, des ingénieurs, des artistes et des historiens pour concevoir un édifice à la fois esthétique, fonctionnel et porteur de sens.
Le financement a été assuré conjointement par l’État et par la Société Internationale des Hydrocarbures de Djibouti (SIHD), que je remercie pour son engagement. C’est un projet collectif, national, auquel ont contribué plusieurs institutions. Chacun a voulu apporter sa pierre à l’édifice, car ce Mémorial appartient à toute la Nation.
Quels messages ce monument souhaite-t-il transmettre aux visiteurs ?
Le premier message, c’est celui de la paix. Arta nous enseigne que, même dans les moments les plus difficiles, le dialogue reste la voie la plus noble. Le Mémorial rappelle que la paix n’est jamais acquise : elle se cultive et se défend chaque jour.
Le deuxième message est celui de la fraternité entre Djibouti et la Somalie. Nos deux peuples partagent la langue, la culture et une histoire commune. Ce monument vient sceller cette fraternité dans la pierre et dans la mémoire.
Enfin, le Mémorial est un hommage à la vision du Président Ismaïl Omar Guelleh.
En 2000, il a eu le courage de croire que la paix pouvait naître d’un dialogue somalien-somalien, sans ingérence extérieure. Le Mémorial en est la preuve vivante et durable.
L’inauguration coïncide avec le 25e anniversaire de la Conférence d’Arta. Que représente ce moment pour vous ?
C’est un moment de fierté et d’émotion. Arta est ma région d’origine, et voir cette ville devenir un lieu de mémoire nationale est pour moi une immense joie. Mais c’est aussi une grande responsabilité. Nous inaugurons un monument qui portera longtemps la mémoire de la paix somalienne et l’héritage du Président de la République.
Je tiens à saluer la population d’Arta pour son accueil, son attachement et sa participation à ce projet. Je remercie également toutes les équipes techniques et administratives qui ont œuvré avec dévouement pour que ce Mémorial voie le jour dans les délais.
Quel message souhaitez-vous adresser à la jeunesse djiboutienne et somalienne ?
Je leur dirais que le Mémorial d’Arta n’est pas un souvenir du passé, mais une leçon pour l’avenir. Il nous rappelle que la paix se construit avec la volonté, la tolérance et la parole donnée. J’invite les jeunes à venir découvrir ce lieu, à lire, à comprendre, à s’inspirer de ce qu’Arta représente.
Chaque génération a le devoir de bâtir des ponts plutôt que des murs. C’est cette conviction que le Mémorial veut transmettre aux générations futures.
Un dernier mot pour conclure ?
Je voudrais exprimer ma profonde gratitude au Président Ismaïl Omar Guelleh pour sa vision et sa confiance. Grâce à lui, Djibouti demeure un havre de stabilité et un acteur clé de la paix régionale.
Le Mémorial de la Paix d’Arta est à la fois une œuvre de mémoire et un message d’avenir. Il rappelle que la paix a une histoire, mais aussi un avenir, et que cet avenir se construit ici, à Djibouti.










































