Dans notre pays, les associations jouent un rôle déterminant dans la vie publique et la construction d’une société plus solidaire. Entre développement économique, cohésion sociale et participation citoyenne, elles s’imposent comme de véritables actrices du changement. Pour en savoir un peu plus sur les tenants et aboutissants des organisations de la société civile et notamment leurs impacts sur le quotidien des communautés, la présidente du Conseil National de la Société Civile de Djibouti, Mme Saida Mohamed Moussa et le directeur exécutifs de l’ONG Paix & Lait Ilmi Awaleh Elabeh, nous ont accordé chacun de son côté un entretien au cours duquel ils abordent les perspectives d’avenir et les défis des associations et organisations non gouvernementales de la société civile de notre pays.
Ilmi Awaleh Elabeh
Directeur Exécutif de l’ONG Paix & Lait

« Le principal défis rencontré est relatif à la communication entre les OSC »
La Nation : Paix & lait est aujourd’hui au cœur d’un projet de structuration des organisations de la société civile djiboutienne. Quelle est la vision stratégique qui guide votre engagement dans ce processus ?
Ilmi Awaleh Elabeh : Effectivement, depuis janvier 2023, l’ONG Paix & Lait en consortium avec l’Institut de Recherches Indépendant de la Corne d’Afrique (IRICA) mène un projet de structuration et de renforcement des capacités des associations et ONG Djiboutienne en forum d’action dans les domaines du plaidoyer, de la communication et du partenariat pour le développement durable. Composé d’une quarantaine d’organisations, le Forum des Associations et ONG Djiboutiennes pour le Développement Durable (FAONGDD) a été créé et institutionnalisé le 23 mai 2023 sous le haut patronage du Ministre de l’intérieur, des hauts responsables du MEFI, du MAEPE/RH, du MEDD, du Maire de Djibouti, de l’Union Européenne. Il est dirigé par un Comité directeur de 5 membres élus, dont deux représentantes d’associations féminines. Il vise à accroître la participation et la contribution effective des OSC Djiboutienne au processus de dialogue et de concertation multi-acteurs sur les politiques et les stratégies publiques pour le développement durable au niveau national et local.
Le FAONG/DD a développé et met en œuvre un plan d’action triennal de concertation/dialogue, de plaidoyer et de partenariat avec les départements institutions publiques nationales, les autorités régionales et les partenaires du développement, dans les 3 domaines cibles, Eau-Assainissement ; Sécurité Alimentaire et Changement climatique.
Depuis plus d’une décennie, votre ONG mène des actions de formation ciblées. Quelles leçons tirez-vous de cette expérience en matière de renforcement des capacités locales ?
Conformément à sa mission première, l’ONG Paix & Lait mène des actions de formation à destination des associations locales et des communautés des zones rurales. La principale leçon tirée de cette expérience est que les OSC locales et les communautés rurales manifestent un vif intérêt pour ce type d’interventions en y participant activement et collaborant de manière constructive.Nous avons également assuré dans la plupart des cas, un accompagnement à faire faire des actions concrètes pour mettre en application les techniques et savoirs faires enseignés/appris.
Le partenariat avec l’institut IRICA semble central dans la mise en œuvre du FAONG/DD. Comment s’est construite cette collaboration, et en quoi est-elle complémentaire ?
Nous sommes au second projet dans notre consortium avec IRICA et cela témoigne d’un partenariat réussi. La collaboration s’est construite dans la conception et l’élaboration de chaque projet, grâce une équipe multidisciplinaire et complémentaire. Le partenariat s’est renforcé et concrétisé dans la mise en œuvre de ces projets par la mise en place d’une équipe de gestion commune et un partage du leadership de la réalisation des activités en fonction de l’expérience et des compétences de chaque organisation. En tant que deux organisations nationales séniors, nous veillons à ce que notre partenariat soit exemplaire et nous consacrons l’énergie requise pour aider et accompagner les autres organisations membres du FAONGDD.
Le Forum FAONG/DD se veut un espace de coordination et de dialogue. Quels défis avez-vous rencontrés pour fédérer 35 organisations autour d’un projet commun ?
Le principal défi rencontré à ce stade est relatif à la communication entre les OSC et le Comité. Ceci réduit la participation et la contribution effective des OSC membres du FAONGDD, mais nous sommes en train de palier à cette difficulté actuellement par la mise en place d’un site web du forum et un groupe WhatsApp, et avec la mise en œuvre effective du Plan d’action la coordination et le dialogue sera renforcé.
Mme Saida Mohamed Moussa alias Sikina
Présidente du Conseil National de la Société Civile de Djibouti

« Notre ambition est de bâtir une société civile forte, unie et engagée, capable de jouer pleinement son rôle de partenaire stratégique de l’État »
La Nation : Selon vous, quel est le rôle fondamental des associations au sein de la société civile djiboutienne ?
Saida Mohamed Moussa : Les associations occupent une place incontournable dans la société civile djiboutienne. Elles constituent de véritables espaces de participation citoyenne où les membres s’engagent librement pour défendre l’intérêt général. Leur rôle est avant tout de servir de médiateur entre les pouvoirs publics et les citoyens, en portant la voix des communautés et en contribuant à la formulation des politiques publiques.
Elles incarnent une dynamique démocratique, fondée sur la solidarité, la responsabilité collective et le partage. En s’appuyant sur les principes de transparence et de gouvernance participative, les associations renforcent la confiance entre les institutions et les populations, tout en favorisant la cohésion sociale.
En quoi les associations contribuent-elles au développement social, économique et
culturel du pays ?
Les associations jouent un rôle central dans la construction du développement durable à Djibouti. Sur le plan économique, elles favorisent la création d’emplois locaux, notamment à travers l’économie sociale et solidaire. Beaucoup d’entre elles développent des projets communautaires dans les domaines de l’artisanat, de l’agriculture, de la formation professionnelle ou encore de l’entrepreneuriat féminin.
Sur le plan social, elles interviennent au plus près des populations vulnérables, en apportant un soutien direct aux familles à faibles revenus, en promouvant l’éducation, la santé, et en accompagnant les jeunes vers l’autonomie.
Sur le plan culturel, elles contribuent à valoriser le patrimoine djiboutien, à encourager la création artistique et à promouvoir le dialogue interculturel. Ces actions participent à renforcer l’identité nationale tout en ouvrant la société à la diversité et à l’innovation.En somme, les associations sont des acteurs du changement : elles complètent l’action publique en apportant des solutions concrètes, innovantes et inclusives.
Comment les associations participent-elles à la promotion de la citoyenneté et de la cohésion sociale ?
La citoyenneté et la cohésion sociale constituent l’un des piliers de l’action associative. À travers leurs initiatives, les associations encouragent la participation active des citoyens à la vie publique et sensibilisent les jeunes à leurs droits et devoirs.
Elles mettent en place des programmes de micro-crédit, soutenant la création d’activités génératrices de revenus pour les ménages vulnérables. Ces initiatives favorisent non seulement l’insertion économique, mais aussi la dignité et la solidarité communautaire.
En outre, les associations organisent régulièrement des campagnes de sensibilisation, des forums citoyens, ou encore des actions de volontariat, qui renforcent les valeurs de respect, de tolérance et de vivre-ensemble.
C’est par ce tissu de proximité que se construit, jour après jour, la citoyenneté active et le sentiment d’appartenance nationale.
Le CNSCD prévoit-il des programmes spécifiques d’appui ou de professionnalisation des associations ?
Oui, tout à fait. Le CNSCD a fait de la professionnalisation du secteur associatif l’une de ses priorités. Pour cela, nous avons mis en place plusieurs programmes de renforcement de capacités, adaptés aux besoins réels des acteurs de terrain. Ces programmes incluent des formations sur la gestion administrative et financière, la conduite de projets, la communication institutionnelle, et la gouvernance associative. Nous organisons également des plateformes d’échanges, permettant aux associations d’apprendre les unes des autres, de partager leurs expériences et de créer des synergies.
Le CNSCD met en place un accompagnement individualisé, sous forme d’entretiens et de suivis techniques, afin d’aider les associations à se structurer et à accroître leur impact. L’objectif étant de renforcer l’efficacité organisationnelle, d’améliorer la qualité des services rendus aux bénéficiaires et d’assurer la pérennité des initiatives locales. Nous croyons que des associations bien formées et bien encadrées sont des leviers puissants pour un développement inclusif et durable.
Un dernier mot sur la vision du CNSCD pour l’avenir de la société civile djiboutienne ?
Notre ambition est de bâtir une société civile forte, unie et engagée, capable de jouer pleinement son rôle de partenaire stratégique de l’État. Nous voulons que chaque association, quelle que soit sa taille ou sa localisation, puisse avoir les moyens d’agir efficacement sur le terrain.
Le CNSCD s’inscrit dans une dynamique d’ouverture, de concertation et d’innovation. Nous croyons profondément que le développement de Djibouti passera par la mobilisation citoyenne et la synergie entre tous les acteurs publics, privés et associatifs. Les associations ne sont pas seulement des structures de proximité : elles sont le moteur du changement social et les gardiennes des valeurs de solidarité qui fondent notre nation.
Propos recueilli par SOUBER Hassan