Depuis l’établissement du protectorat français à Djibouti en 1884-1885, les missions catholiques ont joué un rôle important dans le développement de l’éducation à Djibouti. Elles ont introduit des systèmes éducatifs innovants, influencés par la France, tout en contribuant à la formation des élites locales.
Les premiers missionnaires à venir à Djibouti
Les missionnaires catholiques sont venus à Djibouti principalement pour des raisons évangéliques et éducatives, alignées sur les intérêts coloniaux français. Les missions visaient au début à convertir les populations locales au christianisme, tout en offrant une éducation occidentale pour former une petite élite locale. Cela s’inscrivait dans une stratégie plus large où l’éducation servait de véhicule pour diffuser la langue française, les valeurs chrétiennes et les normes européennes. Les missionnaires étaient financés par des dons européens et bénéficiaient du soutien du gouvernement français, qui voyait en eux des alliés pour stabiliser la région. Cependant, assez rapidement, les missionnaires catholiques se sont engagés dans des actions principalement humanitaires et éducatives. Les premiers missionnaires catholiques sont arrivés à Obock vers 1885. Ces frères missionnaires en provenance de Harar (Ethiopie), ont, dès leur arrivée, mis en place un petit orphelinat et ont contribué à la création de la première école à Obock. Ils ont aussitôt été rejoints par les sœurs franciscaines de Calais qui venaient de la Métropole. Les Sœurs Franciscaines de Calais sont arrivées à Obock vers 1888 pour notamment apporter un soutien au développement de cette première école et pour surtout se concentrer sur l’éducation des filles. Ces ordres religieux étaient envoyés au début par l’Église catholique pour soutenir la présence française à Djibouti. Dans le cadre de cet objectif, les missionnaires catholiques ont joué un rôle pionnier dans le développement de l’éducation à Djibouti.
Les premières écoles créées par la Mission Catholique
Les missionnaires catholiques sont impliqués dans la création des premières écoles à Djibouti. Comme nous l’avons évoqué précédemment, les frères venus de Harar et les sœurs franciscaines de Calais ont été impliqués dans la fondation de la première école à Obock. Après le transfert de l’administration coloniale à Djibouti, les missionnaires ont beaucoup contribué à mettre en place les premières écoles dans la nouvelle capitale. Au début, les missionnaires intervenaient dans les premières écoles républicaines et laïques. Mais pour des raisons politiques, les missionnaires ont finalement créé des écoles gérées par le Diocèse qui sont distinctes des écoles républicaines gérées par l’administration coloniale. Vers les années 1900, les frères missionnaires avait fondé une petite école primaire pour garçons à Djibouti-ville, enseignant la lecture, l’écriture, les mathématiques et la religion chrétienne en français. Les Sœurs Franciscaines de Calais ouvrirent une école pour filles axée sur l’éducation domestique et l’alphabétisation. Ces institutions étaient modestes au départ, utilisant des bâtiments précaires, mais elles marquèrent le début d’un système éducatif structuré dans une région où l’éducation formelle était rare.
Apports de la Mission Catholique à l’Éducation de Djibouti
Les missions catholiques ont apporté une transformation majeure à l’éducation djiboutienne en introduisant des méthodes pédagogiques modernes inspirées de la France. Elles ont promu l’alphabétisation, l’enseignement bilingue (français et langues locales), et des disciplines comme les sciences, l’histoire et la géographie.
Au-delà de l’éducation de base, elles ont formé des élites intellectuelles et professionnelles, contribuant à l’émergence d’une classe moyenne instruite. Les missions ont également introduit des écoles secondaires et techniques, préparant les Djiboutiens à des carrières dans l’administration, la santé et l’enseignement. Historiquement, elles ont compensé les lacunes du système colonial français, qui négligeait initialement l’éducation locale, et ont jeté les bases du système éducatif actuel.
Le réseau des établissements scolaires liés à la mission catholiques s’est considérablement développé avec le temps. Les missionnaires ont créé des écoles aussi bien à Djibouti-ville que dans les régions. Parmi les écoles formelles qui ont été créé par les missionnaires, on peut citer à Djibouti-ville, l’Ecole de la Nativité (1933), l’Ecole de la Salle (1961), le Foyer Social de Boulaos (1956). L’Ecole de Charles de Foucault, longtemps gérée par les missionnaires, a été rétrocédée au Gouvernement Djiboutien vers 1983. À Ali Sabieh, les missionnaires ont fondé l’Ecole Primaire Saint-Louis (1948), le Foyer Social (1965) et l’Atelier Scolaire (1967). À Tadjourah, un Atelier Scolaire (1957) et un Foyer Social (1965). À Arta, un Foyer Social (1955). À Obock aussi un Atelier Social (1972).
Ces écoles, qui ont formé des milliers de Djiboutiens, dispensent un enseignement général mais également technique et professionnel. Elles sont appréciées par les parents pour la qualité de l’enseignement ainsi que pour la rigueur de l’encadrement.
Le rôle important des Sœurs Franciscaines de Calais dans l’éducation à Djibouti
Plusieurs Ordres religieux catholiques ont œuvrés dans l’humanitaire et surtout dans l’éducation à Djibouti. On peut citer : Les Pères Capucins, Les Sœurs Franciscaines de Calais, les Frères des Ecoles Chrétiennes, les Sœurs Indiennes, les Sœurs de Jésus Emmanuel du Congo, les Sœurs de la Charité (les Sœurs burundaises et rwandaises), les Sœurs de la Consolata…etc.
Parmi ces Ordres, les Sœurs Franciscaines de Calais ont joué un rôle pionnier dans l’éducation à Djibouti depuis leur arrivée au début du XXe siècle. Elles ont contribué à l’émancipation des femmes et à la modernisation de l’enseignement dans un contexte colonial, laissant un héritage durable malgré les défis culturels et religieux.
Les Sœurs Franciscaines de Calais sont originaires de France, plus précisément de Calais, dans le nord du pays. La congrégation a été fondée en 1841 par Mère Marie de la Providence à Calais, sous l’impulsion de l’évêque local. Inspirées par l’esprit franciscain de pauvreté, de simplicité et de service aux pauvres, elles se sont rapidement étendues en France et à l’étranger, se consacrant à l’éducation, aux soins de santé et à l’assistance sociale.
Les Sœurs sont arrivées à Djibouti un peu avant 1900, dans le cadre de la présence coloniale française établie en 1884-1885. Les Sœurs ont été envoyées pour combler le manque d’éducation pour les filles, un domaine négligé par les autorités coloniales, et pour promouvoir les valeurs chrétiennes dans une société patriarcale. Leur arrivée s’inscrivait dans une vague plus large de missions européennes en Afrique, financées par des dons et des subventions. Les Sœurs Franciscaines ont apporté une transformation significative à l’éducation djiboutienne en se focalisant sur l’émancipation féminine et l’alphabétisation.
Elles ont introduit des méthodes pédagogiques modernes, promouvant l’égalité des genres dans une société où les filles étaient marginalisées. Au-delà de l’enseignement de base, elles ont offert une formation professionnelle (couture, soins de santé), contribuant à l’autonomie économique des femmes. Elles ont également joué un rôle dans les soins médicaux, créant des dispensaires qui complétaient l’éducation. Historiquement, elles ont réduit l’analphabétisme féminin et préparé des générations à des rôles sociaux actifs. Leur approche chrétienne a intégré des valeurs morales, mais elles ont adapté leurs programmes pour respecter les cultures locales.
Ces écoles étaient modestes au départ, utilisant des bâtiments locaux, mais elles ont évolué pour devenir des établissements scolaires imposants comme l’Ecole de la Nativité. Parmi les Sœurs Franciscaines de Calais actives à Djibouti, certaines figures se distinguent par leur impact. Ces femmes, souvent anonymes dans les archives, méritent d’être célébrées pour leur résilience.
Une évolution vers des écoles privées classiques ?
Les écoles catholiques à Djibouti dépendent souvent de financements de l’Église catholique internationale (via des organisations comme Caritas ou des diocèses européens). Cependant, avec la baisse des aides extérieures due à des priorités globales, ces écoles peinent à maintenir des frais abordables tout en offrant un enseignement de qualité. Résultat, les écoles confessionnelles se privatisent davantage pour générer des revenus via des frais d’inscription élevés, transformant leur modèle en écoles privées classiques axées sur la qualité académique plutôt que sur la foi.
En outre, Djibouti voit une prolifération d’écoles privées laïques (souvent gérées par des investisseurs locaux ou internationaux), offrant des programmes bilingues (français-arabe). Pour survivre, les écoles catholiques adaptent leur offre, comme en supprimant les messes obligatoires ou en intégrant des cours neutres, attirant ainsi plus d’élèves. Le nombre des inscriptions ne cessent d’augmenter chaque année.
Avec une population jeune et urbaine croissante, les familles djiboutiennes privilégient des écoles privées mieux adaptées à leurs exigences. Les écoles catholiques, en devenant plus “classiques”, répondent à cette demande, réduisant leur identité religieuse pour devenir des établissements d’élite mais accessibles à tous.
Au niveau global, l’Église encourage parfois une adaptation locale, influençant la transformation des écoles vers un modèle moins confessionnel.
Les missions catholiques ont indéniablement façonné l’éducation de Djibouti depuis 1885, en passant d’initiatives modestes à un réseau d’écoles influent. Leur apport en termes d’alphabétisation, de formation et d’émancipation reste un pilier du système éducatif djiboutien. Aujourd’hui, ces institutions contribuent à une société plus instruite, dans le cadre d’une éducation inclusive et respectueuse des diversités culturelles.
Les Sœurs Franciscaines de Calais ont laissé une empreinte indélébile sur l’éducation djiboutienne, en passant d’une présence missionnaire à un pilier de l’émancipation. Leur dévouement a façonné des générations de Djiboutiens.
Certaines écoles catholiques sont comparées à des écoles privées classiques. Cette évolution n’implique pas la disparition des écoles catholiques, mais une adaptation pragmatique.
Abdalleh Hersi












































