L’inscription du Xeer Ciise au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, lors de la 19esession du Comité intergouvernemental de l’UNESCO à Asuncion (Paraguay), est incontestablement une victoire retentissante pour les communautés somali-Issa de la Corne de l’Afrique. Ce droit coutumier oral, pratiqué depuis plus de trois siècles à Djibouti, en Éthiopie et en Somalie, n’est pas qu’une simple tradition. Véritable modèle de coexistence pacifique, il incarne une gouvernance démocratique et le respect de l’équité sociale.

Le Xeer Ciise est avant tout un système complexe et profondément humaniste. Composé de trois volets essentiels – une constitution politique, un code pénal et un code de conduite sociale – il régule non seulement les relations intra-communautaires mais aussi les interactions avec les autres groupes ethniques, assurant ainsi une certaine stabilité dans une région souvent marquée par des turbulences. Ses fondements sont à la fois nobles et solides : promotion de la réconciliation, entraide mutuelle et respect des droits fondamentaux, notamment ceux des femmes et des enfants.

Les valeurs qui sous-tendent ce droit coutumier sont universelles : la justice restaurative, la résolution pacifique des conflits, la solidarité et la protection de l’environnement. Elles transcendent les frontières locales pour s’inscrire dans un cadre global de paix et de développement. Le Xeer Ciise, transmis oralement par des récits, poèmes et contes, mais aussi à travers des échanges formels comme les symposiums, joue ainsi un rôle fondamental dans l’éducation civique des nouvelles générations.

Cette reconnaissance par l’UNESCO constitue une étape importante non seulement pour le patrimoine culturel somali-Issa mais aussi pour l’ensemble des peuples de la Corne de l’Afrique. Elle permet de souligner l’importance de préserver les savoirs traditionnels et de les adapter au monde contemporain, tout en rappelant la richesse de ces pratiques ancestrales qui continuent de structurer des sociétés aujourd’hui. Dans un monde où les systèmes de gouvernance modernes peinent parfois à répondre aux besoins des populations locales, le Xeer Ciise s’affiche comme un modèle alternatif de cohésion et de respect mutuel.

Cette reconnaissance ne doit cependant pas se limiter à un simple acte symbolique. Elle doit servir de tremplin pour une meilleure compréhension des mécanismes de gouvernance traditionnels et leur intégration dans les dispositifs juridiques modernes, afin de servir la paix et la stabilité régionale. A Djibouti, comme dans les autres pays concernés, les pouvoirs publics ont un rôle crucial à jouer pour pérenniser ce patrimoine vivant, en veillant à ce que les principes du Xeer Ciise continuent d’inspirer les politiques publiques et les initiatives de coopération régionale.

En tant que Djiboutiens, il est de notre devoir de célébrer cet héritage et de s’y référer pour notre avenir collectif. Le Xeer Ciise, aujourd’hui reconnu par l’UNESCO, est désormais au-dessus des chicanes communautaristes.  Devenu propriété de l’humanité tout entière, il n’en reste pas moins l’âme de nos communautés locales. A nous donc d’ajuster notre regard et de le voir comme un pilier sur lequel construire des sociétés plus justes, plus égalitaires et plus pacifiques.