Marquée par l’intervention du président de la République, le « Premier Forum national des Djiboutiens de l’Étranger » aura valeur de moment politique fondateur. Non par l’effet d’annonce, mais parce qu’il acte, pour la première fois avec une telle clarté, un changement de paradigme. Ainsi, la diaspora n’est plus une périphérie affective de la nation, elle en devient un acteur à part entière.

Le chef de l’État n’a pas parlé à des expatriés au sens administratif du terme. Il s’est adressé à une communauté nationale étendue et soudée par ce qu’il nomme la «djiboutianité » — une identité assumée, enracinée et pourtant ouverte. Ce mot, loin d’être un slogan, sert ici de colonne vertébrale à une vision politique : celle d’un État qui reconnaît que sa vitalité ne se limite plus à ses frontières géographiques.

Le discours présidentiel est d’abord un acte de reconnaissance d’un fait souvent ignoré ou instrumentalisé. Les Djiboutiens de l’étranger ne sont ni des absents ni des spectateurs. Ils contribuent, investissent et représentent. Ils portent le pays dans des espaces où l’État, seul, ne peut être présent. En les qualifiant d’« acteurs essentiels », le chef de l’État rompt avec une lecture condescendante ou purement émotionnelle de la diaspora.

Un autre intérêt politique majeur des propos du président réside dans le passage où il évoque l’architecture institutionnelle : guichets dédiés, consulats mobiles, services numériques, facilitation de l’investissement, accès au logement, fonds d’assistance en temps de crise… La diaspora cesse ainsi d’être une abstraction et devient une catégorie pleine de l’action publique, avec des outils, des responsabilités ministérielles clairement identifiées et des mécanismes de suivi.

Ce point est décisif. Car l’histoire politique récente nous a appris qu’il faut, plus que des promesses, de la lisibilité, de la continuité et de la confiance. À cet égard, l’annonce d’un fonds d’assistance en période de crise internationale traduit une compréhension lucide des vulnérabilités contemporaines, qu’il s’agisse de guerres, de ruptures diplomatiques ou d’instabilités économiques. L’État assume ici une responsabilité extraterritoriale, rare et politiquement courageuse.

Ce discours pose cependant une exigence implicite : la cohérence dans le temps. Le dialogue avec la diaspora ne peut être ponctuel, encore moins circonstanciel. Il doit s’inscrire dans une gouvernance durable, évaluée, ajustée au besoin et surtout protégée des lourdeurs administratives qui ont trop souvent vidé de leur substance les meilleures intentions.

En filigrane, le président esquisse une ambition plus large, celle de bâtir un État inclusif, moderne, sans renier ses valeurs. Un État capable d’absorber l’énergie de ses enfants dispersés pour en faire un levier de développement, d’influence et de stabilité. C’est là que se joue l’avenir de cette initiative.

Le message est lancé. L’État a parlé. Il revient maintenant à tous et à toutes d’agir.