La diplomatie africaine a pris une dimension nouvelle à Djibouti le 13 novembre 2025, avec la tenue de la deuxième Commission mixte de coopération entre la République de Djibouti et la République du Rwanda. Accueillie à l’Institut des Études Diplomatiques (IED), cette rencontre de haut niveau a marqué une étape décisive dans la dynamique bilatérale engagée depuis plusieurs années, concrétisée par la signature de neuf accords et mémorandums couvrant des domaines aussi variés que la justice, la défense, le commerce, les sports, l’énergie, la diplomatie, la logistique, l’éducation, l’innovation ou encore les investissements. Sous la co-présidence du ministre djiboutien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, S.E.M. Abdoulkader Houssein Omar, et de son homologue rwandais, S.E. Olivier J.P. Nduhungirehe, cette session ministérielle a servi de plateforme stratégique pour passer en revue les avancées réalisées depuis la première rencontre tenue à Kigali en mai 2023, mais également pour tracer les contours d’une coopération appelée à s’intensifier.

Au-delà de la portée technique des accords signés, cette réunion a mis en lumière une vision commune : celle d’une Afrique connectée, intégrée et tournée vers l’avenir, où les initiatives Sud-Sud constituent un moteur essentiel de développement. Les échanges nourris, les engagements renouvelés et la volonté partagée de traduire les textes en actions concrètes confirment la profondeur d’un partenariat fondé sur l’amitié, le respect mutuel et la complémentarité stratégique.

Les travaux de cette Commission mixte, précédés les 11 et 12 novembre par une réunion d’experts rwandais et djiboutiens, ont permis d’examiner en profondeur les résultats obtenus depuis la dernière session ainsi que les défis rencontrés dans la mise en œuvre des accords existants. L’objectif : accélérer et solidifier les projets communs. Les deux ministres ont souligné l’importance de cette démarche technique, saluant au passage la rigueur, le professionnalisme et la vision des départements concernés.

À l’issue de la session ministérielle, neuf nouveaux instruments ont été signés, dont cinq mémorandums d’entente et quatre accords couvrant des domaines clés de croissance et de gouvernance. Ils viennent s’ajouter à un arsenal déjà solide d’accords, notamment ceux portant sur l’exemption de visas diplomatiques, la protection des investissements, les services aériens ou encore les technologies de l’information.

Pour S.E.M. Abdoulkader Houssein Omar, ce renforcement des liens bilatéraux s’inscrit dans une continuité logique : « Cette commission nous offre l’occasion précieuse de discuter sur un large éventail d’intérêts partagés, guidés par un esprit d’amitié sincère, une compréhension réciproque et un engagement renouvelé à hisser notre coopération vers de nouveaux sommets. »

Le chef de la diplomatie djiboutienne a rappelé que les relations entre les deux pays s’appuient sur des fondations solides, consolidées par les visites officielles aux plus hauts niveaux. Celle du Président Ismaïl Omar Guelleh à Kigali en 2016, suivie en 2017 de la visite d’État du Président Paul Kagamé à Djibouti, a joué un rôle déterminant dans l’ancrage institutionnel de la coopération. Plusieurs accords sectoriels majeurs en avaient découlé, notamment dans les domaines de la communication, de l’aviation civile, des investissements ou encore de la suppression des visas diplomatiques.

De son côté, le ministre rwandais des Affaires étrangères, S.E. Olivier Nduhungirehe, a tenu à réaffirmer la constance et la profondeur du partenariat : « Cette réunion illustre l’esprit durable d’amitié, de respect mutuel et de coopération qui caractérise depuis longtemps les relations entre Djibouti et le Rwanda. Les accords prêts à être signés témoignent de notre volonté commune d’approfondir la coopération bilatérale dans les domaines stratégiques d’intérêt partagé. »

L’accent a été mis sur la nécessité d’une mise en œuvre rapide et efficace des textes existants. Pour le ministre rwandais, la Commission mixte constitue un mécanisme essentiel de coordination permettant de suivre les progrès, d’identifier les obstacles et d’explorer de nouvelles pistes de collaboration.

Une coopération économique et logistique au cœur des intérêts communs

Au-delà des signatures officielles, cette Commission ministérielle a mis en avant la dynamique économique croissante entre Djibouti et le Rwanda. La complémentarité géographique et stratégique entre les deux pays crée des synergies uniques, particulièrement dans les secteurs du commerce, du transport et de la logistique.

Intervenant durant la session, le président de l’Autorité des Ports et des Zones Franches de Djibouti, M. Aboubaker Omar Hadi, a rappelé l’importance du positionnement stratégique de Djibouti pour les pays enclavés d’Afrique de l’Est : « Djibouti, de par sa position sur la mer Rouge, est une porte d’entrée maritime naturelle pour les pays enclavés comme le Rwanda. »

Cette complémentarité s’est matérialisée par un accord emblématique : l’octroi par Djibouti de 20 hectares de terrain à proximité du port de Doraleh, destiné à accueillir une plateforme logistique rwandaise. Ce hub permettra de fluidifier les échanges commerciaux, d’optimiser les chaînes d’approvisionnement et de renforcer la compétitivité du commerce extérieur rwandais.

En retour, le Rwanda a attribué à Djibouti une parcelle de 10 hectares dans la zone industrielle de Masoro, à Kigali. Cet espace constituera un pivot stratégique pour les investissements djiboutiens au Rwanda et une porte d’entrée vers les marchés régionaux voisins.

Cette coopération logistique est déjà soutenue par une connectivité aérienne dynamique : la compagnie Rwand Air Cargo dessert Djibouti trois fois par semaine, facilitant l’exportation et l’importation de marchandises entre les deux pays. Un lien essentiel pour des économies en pleine expansion et tournées vers l’intégration régionale.

Sur le plan commercial, le président de la Chambre de commerce de Djibouti, M. Youssouf Moussa Dawaleh, a insisté sur l’existence d’un cadre favorable à l’investissement privé et au partenariat public-privé : « Cette seconde rencontre représente un véritable catalyseur pour susciter un vent d’espoir dans la région. Nous disposons d’une base solide pour encourager les entrepreneurs et renforcer nos échanges économiques. »

Dans le domaine judiciaire, M. Maki Houmed Gaba, Secrétaire général du ministère de la Justice, chargé des Droits de l’Homme, a mis en avant les perspectives de coopération technique à travers le partage d’expériences, d’informations et de jurisprudences. Cette dimension permettra de rapprocher les systèmes judiciaires des deux pays et de renforcer la gouvernance institutionnelle.

Un partenariat tourné vers l’avenir et centré sur les populations

Au-delà des aspects économiques, logistiques et institutionnels, cette Commission mixte a également abordé des domaines sociaux essentiels tels que l’énergie, les sports, les affaires familiales, les droits des femmes et la protection de l’enfance. Ces thématiques témoignent d’une volonté partagée d’inscrire la coopération dans la durée et de l’orienter directement vers les besoins des populations.

Les deux ministres ont insisté sur la nécessité de transformer les engagements en actions concrètes. La signature des neuf instruments de coopération constitue, à ce titre, une feuille de route ambitieuse pour les prochaines années. Le partenariat djibouto-rwandais ne se limite plus à des échanges diplomatiques ponctuels ; il s’inscrit désormais dans la construction d’un espace de prospérité partagée, fondé sur le dialogue, l’innovation et la solidarité Sud-Sud.

La visite conjointe des infrastructures portuaires de Djibouti par les deux délégations a clôturé cette session sur une note symbolique forte. Elle a illustré la volonté des deux pays d’aller au-delà des déclarations en misant sur l’échange d’expertise, le partage de modèles économiques performants et la valorisation des secteurs clés du développement.

Dans un contexte régional marqué par des défis sécuritaires, économiques et climatiques communs, Djibouti et le Rwanda démontrent qu’une coopération forte, équilibrée et bien structurée constitue un levier essentiel pour consolider la stabilité et encourager un développement durable.

La 2e Commission mixte Djibouti–Rwanda aura eu le mérite de consolider une relation bilatérale dynamique et exemplaire en Afrique de l’Est. La qualité des échanges, la richesse des sujets abordés et surtout la signature de neuf accords structurants témoignent d’une coopération en pleine expansion.

Animés par une vision commune de l’avenir, les deux pays se donnent ainsi les moyens de bâtir un partenariat durable, fondé sur la complémentarité, l’innovation et l’engagement mutuel. À l’heure où l’intégration africaine devient un impératif stratégique, l’exemple djibouto-rwandais illustre parfaitement le potentiel des coopérations Sud-Sud lorsqu’elles sont portées par une volonté politique forte et un attachement profond aux valeurs africaines de solidarité et de progrès partagé.

Salah Ibrahim Rayaleh