Ah, mes chers lecteurs, on vous a bâti un temple, le Bawadi Mall, où la consommation fait office de prière quotidienne. Mais, mes amis, derrière cette façade brillante, il y a un revers. Comme dans le Fight Club de Palahniuk, où la consommation est un voile sur des vies vides, le Bawadi pourrait bien être l’arène où se joue un combat plus sournois. Là où les petits commerces ferment leurs volets comme des paupières épuisées, où les traditions se perdent dans la brume des centres climatisés.  On y consomme, on y rit, mais au fond, on se demande si ce n’est pas une autre forme de combat, une lutte pour ne pas se noyer dans la superficialité. Alors, on pourrait presque entendre la voix de Tyler Durden murmurer : “La première règle du Bawadi Mall, c’est qu’on ne parle pas du Bawadi Mall.” Car derrière les vitrines, il y a une bataille pour l’âme de Djibouti.

On vous vend du rêve, mais à quel prix, mes compères ?

Ah, les aminches, asseyez-vous, que je vous conte l’histoire de notre pays en mutation. Notre capitale s’est offert un lifting, un vrai de vrai, pas du genre à se contenter d’une crème anti-âge bon marché.  Non, ici, on parle d’un remodelage complet, façon chantier pharaonique. Et au cœur de cette métamorphose, il y a ce mastodonte de béton, ce temple de la dépense, ce paradis des shoppeurs: le Bawadi Mall. Une révolution silencieuse, mais ô combien bruyante dans les cœurs et les esprits.

Un centre commercial, direz-vous ? Non, chers lecteurs, bien plus que ça. Le Bawadi Mall, c’est un temple, un théâtre, un miroir où s’entrelacent nos rêves, nos contradictions et nos désirs les plus enfouis.

C’est un espace où les Djiboutiens, toutes classes confondues, viennent jouer leur rôle dans cette grande pièce qu’est la société de consommation. Ce n’est pas qu’un centre commercial, non, c’est un ailleurs fantasmé, un écrin où se mêlent modernité, sociabilité et spectacle. Ce nouveau temple de la consommation est bien plus qu’un lieu d’achat. C’est une agora moderne, un espace où l’on vient non seulement pour remplir son cabas, mais pour se retrouver, pour exister dans la ville autrement.  Là où les ruelles poussiéreuses et les marchés traditionnels racontaient l’histoire d’un Djibouti enraciné dans ses traditions, le Mall dessine les contours d’un futur où les modes de sociabilité s’inventent et se réinventent.

Quand Torsten Veblen rencontre Baudrillard à Djibouti

Torsten Veblen, ce sociologue qui avait le don de voir clair dans les travers humains, aurait adoré se promener dans les allées du Bawadi Mall. Lui qui parlait de consommation ostentatoire dans son ouvrage La théorie de Loisir aurait trouvé ici un terrain d’étude fascinant. Parce qu’au Bawadi, ce n’est pas seulement ce que l’on achète qui compte, c’est aussi ce que l’on montre.

Regardez ces vitrines étincelantes, ces marques internationales qui déploient leurs griffes comme des fauves affamés. Le Bawadi Mall, c’est une scène où l’on parade, où l’on exhibe, où l’on consomme pour exister.

Acheter un objet, c’est bien plus qu’un acte pratique : c’est un statement, une manière que l’on transmet. Et même si on ne peut pas se payer ladite montre, flâner devant la boutique suffit parfois à nourrir l’illusion.

Baudrillard, lui, aurait sans doute parlé de simulacres. Dans La Société de Consommation, il explique que nous ne consommons plus des objets pour leur utilité, mais pour ce qu’ils représentent.

Un smartphone dernier cri, ce n’est pas qu’un outil, c’est un symbole. Au Bawadi Mall, chaque achat, chaque regard, chaque pas dans les allées est une manière de se définir dans un monde où l’apparence est devenue reine.

Djibouti, entre tradition et modernité

Mais revenons à Djibouti, ce pays où la mer rencontre le désert, où la tradition côtoie la modernité. L’arrivée du Bawadi Mall marque un tournant dans notre histoire de notre pays.

Autrefois, nos vendredis se passaientces lieux vivants où l’on marchandait, où l’on riait, où l’on échangeait bien plus que des biens. Aujourd’hui, c’est au Mall que les familles passent leurs journées, les enfants mangent et y trouvent leur bonheur aux aires de jeux. Pour d’autres ce furent les premiers supermarchés dans la capitale.

Le marché, c’était la chaleur humaine, l’authenticité, le contact direct. Le Mall, c’est le froid des néons, la standardisation, ou encore plus l’anonymat. Mais c’est aussi le confort, la sécurité, la promesse d’un ailleurs. Le Bawadi Mall, c’est un peu comme une porte ouverte sur le monde, une invitation à rêver plus grand, à voir au-delà de nos frontières. Et pourtant, cette modernité a un prix. Les petits commerces, ces échoppes qui faisaient partie de notre quotidien, risquent de disparaître. Les valeurs de solidarité, d’entraide, qui étaient au cœur de notre société, se diluent dans le tourbillon de la consommation. Et au milieu de tout cela, une question demeure: que gagnons-nous vraiment dans ce grand jeu de la modernité ?

Le Mall, un nouveau lieu de sociabilité

Malgré tout, il serait injuste de réduire le Bawadi Mall à une simple machine à vendre. C’est aussi un lieu de rencontre, un espace où les Djiboutiens se retrouvent, échangent, partagent.  Les jeunes s’y donnent rendez-vous, les familles y passent des heures, les enfants y découvrent des mondes qu’ils n’auraient jamais imaginés.Le Mall devient un lieu de prestige, un nouveau centre de gravité pour une société en pleine mutation.  Il redéfinit nos habitudes, nos aspirations, nos rêves. Et dans ce contexte, il joue un rôle sociologique essentiel : il est à la fois un miroir et un moteur de changement.Mais ce changement, mes amis, il faut le regarder en face.  Parce que derrière les vitrines étincelantes, il y a des enjeux, des défis, des dangers. La montée de l’individualisme, l’érosion des liens communautaires, la standardisation des modes de vie… Tout cela, c’est le revers de la médaille.

Un progrès à double tranchant

Le Bawadi Mall, c’est le symbole d’un progrès, mais c’est aussi un rappel que tout progrès a son prix. Pour la haute société, c’est une aubaine: un lieu où l’on peut afficher sa réussite, où l’on peut consommer sans limites. Pour les classes populaires, c’est une promesse, mais aussi une frustration. Parce que si le Mall se veut inclusif, la réalité est souvent plus cruelle. Les prix, souvent alignés sur les standards internationaux, ne sont pas à la portée de tous. Alors on vient, on regarde, on rêve. Et parfois, on repart avec un goût amer, celui de l’inaccessibilité, de l’exclusion. Le Bawadi Mall, c’est une utopie, mais une utopie imparfaite, incomplète.

Alors, cher lecteur, que retenir de tout cela ? Que notre pays change de visage, qu’il évolue, qu’il s’ouvre au monde. Le Mall, c’est un tournant, une étape, un défi. C’est une promesse de modernité, mais aussi un rappel que cette modernité doit être pensée, réfléchie, maîtrisée. Parce qu’au fond, ce qui fait la richesse de notre pays, ce n’est pas ce tout-en-un, ni les marques internationales, ni les vitrines étincelantes. Ce qui fait la richesse de Djibouti, ce sont ses hommes et ses femmes, ses traditions, ses valeurs. Et ça, mes amis, ça vaut bien plus que toutes les boutiques du monde.

Said Mohamed Halato

* Traduit en un anglais juridique dans le style de la cour suprême américaine en tenant compte de tous les procédés de traduction.