À une quarantaine de kilomètres de la capitale, lovée dans les hauteurs rocheuses qui dominent la vallée, Arta s’impose comme un joyau singulier dans le paysage djiboutien. Longtemps connue pour son climat doux qui en fit, dès l’époque coloniale, un lieu de refuge et de villégiature, Arta a su conserver son atmosphère paisible tout en s’ouvrant progressivement au développement et au tourisme. Derrière son décor de maisons blanches, jaunes et orangées, entourées de jardins verdoyants, se dessine une ville au riche passé historique, au présent tourné vers la paix et l’unité, et à l’avenir qui se veut prometteur.

Arta n’est pas qu’une ville. Le nom renvoie aussi aux montagnes qui l’entourent, aux plages qui attirent chaque week-end Djiboutiens et visiteurs étrangers, et à une région entière, créée officiellement en 2003. Si elle est la plus petite du pays en termes de population et de superficie – à l’exception de la capitale – la région d’Arta n’en demeure pas moins un territoire stratégique, où se rencontrent nature, histoire et développement communautaire.

Une ville chargée d’histoire et symbole de paix

Les origines d’Arta remontent au XVIIe siècle. Perchée sur ses hauteurs, elle a toujours joué un rôle particulier dans le pays. Sous la colonisation française, son climat tempéré, beaucoup moins accablant que celui de Djibouti-ville, en fit un lieu de résidence privilégié pour les fonctionnaires. C’est à Arta que les colons construisirent leurs maisons de repos, profitant de l’air frais et des paysages vallonnés. Ce rôle de refuge marqua durablement l’identité de la ville, qui conserve encore aujourd’hui une aura de retraite et de calme.

Mais l’histoire d’Arta ne se limite pas à son passé colonial. Elle s’est inscrite dans la mémoire collective régionale et internationale au début des années 2000, lorsqu’elle accueillit la Conférence de réconciliation nationale somalienne. Pendant plusieurs mois, ce sommet attira l’attention du monde entier : c’est là qu’émergea le Gouvernement national de transition de Somalie, marquant un tournant majeur pour ce pays voisin. Arta devint alors un symbole de paix et de médiation, un rôle qui continue de lui coller à la peau. Deux drapeaux, somalien et djiboutien, ainsi qu’un mémorial en cours d’aménagement rappellent aujourd’hui cet épisode fondateur.

Quand on quitte la capitale et ses artères bruyantes, on découvre en arrivant à Arta une autre ambiance : ici, la circulation est plus rare, les klaxons se taisent, et une brise légère caresse les montagnes. L’impression qui domine est celle d’un havre de paix. Cette sérénité naturelle colle parfaitement à l’histoire de la ville. Elle n’est pas seulement une anecdote ou un atout touristique, mais une véritable composante identitaire.

Chaque année, cette vocation pacifique est ravivée à travers la Marche africaine pour la paix, un événement fédérateur qui attire habitants, associations et visiteurs. Cette marche, organisée sur les sentiers et collines environnantes, associe sport, communion avec la nature et engagement citoyen. Les participants portent des messages de solidarité et de paix, parfois liés à des causes internationales comme récemment le conflit à Gaza. L’édition de 2025 est déjà programmée pour le 28 novembre, bien que la thématique choisie reste à déterminer.

La paix, à Arta, n’appartient pas qu’au passé. Elle continue de structurer le présent et d’inspirer l’avenir. Cette dimension explique sans doute pourquoi les habitants, comme les visiteurs, associent immédiatement Arta à l’idée de calme, de sérénité et de solidarité.

Une région tournée vers le développement et le tourisme

Au-delà de son image paisible, Arta est aujourd’hui considérée comme l’une des destinations touristiques les plus prometteuses de Djibouti. La ville bénéficie d’une situation géographique privilégiée : à mi-chemin entre la capitale et les régions côtières, elle combine montagne et mer. À quelques kilomètres seulement, la plage d’Arta reste un lieu prisé des familles djiboutiennes comme des expatriés. Son eau claire, son sable doré et son climat plus tempéré en font un site de détente incontournable.

Mais l’atout majeur d’Arta réside aussi dans sa volonté de professionnaliser le secteur touristique. La ville abrite en effet Sunny Hill, la seule école hôtelière et de tourisme du pays. Véritable fierté locale, elle forme les jeunes Djiboutiens aux métiers de l’hôtellerie, de la restauration et du service. L’établissement est aussi un restaurant et un lieu d’hébergement, permettant aux étudiants de mettre en pratique leurs acquis dans des conditions réelles. Arta devient ainsi non seulement une vitrine du tourisme national, mais aussi un laboratoire pour l’avenir du secteur.

Le développement d’Arta repose également sur un solide tissu communautaire. Outre la préfecture, qui coordonne l’action publique, la société civile y joue un rôle déterminant. On y trouve une multitude d’associations et de coopératives qui œuvrent dans divers domaines : agriculture, artisanat, tourisme, environnement ou encore protection sociale.

Les coopératives agricoles et agropastorales unissent leurs efforts pour améliorer les rendements, faciliter l’accès au marché et renforcer la sécurité alimentaire. Les associations de protection de l’environnement sensibilisent la population à la préservation des ressources, organisent des campagnes de reboisement et développent des solutions locales de gestion des déchets. Quant aux organisations à base communautaire, elles soutiennent l’artisanat et les initiatives locales, valorisant les savoir-faire traditionnels tout en créant de nouvelles opportunités économiques.

Ces structures participatives ne se limitent pas à la ville d’Arta : elles irriguent toute la région, de Damerjog à Wea, en passant par Douda et Karta. Leur action témoigne d’une véritable culture de solidarité et d’une capacité d’innovation face aux défis locaux.

Créée en 2003, la région d’Arta est la plus récente du pays. Elle se distingue par sa petite taille, mais sa position centrale en fait un territoire clé. Située à la croisée des principales routes nationales, elle relie Djibouti-ville au sud du pays et constitue un passage obligé pour les échanges commerciaux et humains.

Malgré sa jeunesse administrative, la région a su affirmer son autonomie et son dynamisme. Elle mise sur ses atouts naturels – montagnes, littoral, climat – et sur sa cohésion sociale pour tracer sa voie. Le rôle des autorités locales, à commencer par la préfecture, est crucial pour accompagner ce développement équilibré.

Arta est à la fois une ville historique, une terre de paix et une région en devenir. Sa trajectoire illustre bien la diversité du Djibouti moderne : un pays capable de conjuguer mémoire et innovation, traditions et ouverture au monde. Le souvenir de la conférence somalienne de 2000 rappelle sa vocation diplomatique ; les marches pour la paix montrent son attachement aux valeurs universelles ; l’école Sunny Hill incarne son ambition touristique ; et les coopératives locales reflètent la force de sa communauté.

En somme, Arta incarne un modèle à taille humaine, où la tranquillité des montagnes rencontre l’énergie des initiatives locales. Elle offre à ses habitants un cadre de vie unique et aux visiteurs une expérience authentique. Mais surtout, elle confirme que même une petite région peut jouer un rôle majeur dans la construction de l’avenir national.

« Arta est plus qu’une ville, c’est un symbole », résume le préfet Mohamed-Fozie Ahmed Assoweh. « Ici, la paix n’est pas un mot abstrait. Elle se vit au quotidien, dans les relations entre les habitants, dans l’accueil des visiteurs et dans le dynamisme des jeunes qui construisent l’avenir. Nous voulons que notre région reste fidèle à cette vocation, tout en s’ouvrant au développement et au tourisme. »

Lloyd Doré Green , stagiaire