
Il est pédagogiquement nécessaire d’expliquer la révision de la Constitution réalisée en novembre 2025 car le texte constitutionnel est le fondement de l’organisation de l’État, garantit les droits et libertés fondamentaux, et définit les règles de fonctionnement des pouvoirs.
Dans cette présente tribune, je souhaite faire de la pédagogie constitutionnelle pour expliquer et rendre accessibles les changements techniques opérés par la représentation nationale dans le cadre de la révision constitutionnelle de novembre 2025, tout en montrant leur apport juridique et leur portée significative. La loi portant révision de la constitution à Djibouti a été promulguée le 06 novembre 2025 par le Président de la République et est désignée comme la loi constitutionnelle n°192/AN/25/9ème L. Cette révision, qui s’inscrit dans une série de révisions de la loi fondamentale, va essentiellement dans le sens de la consolidation des acquis démocratiques et du renforcement institutionnel. Elle a été ratifiée en seconde lecture par l’Assemblée nationale le 02 novembre 2025 pour renforcer le système institutionnel. Elle fait suite à des révisions antérieures intervenues en 2006, 2008 et 2010.
Les dispositions concernées par la révision constitutionnelle sont les articles suivants : 16,23, 65, 71, 76, 80, 91, 93, 94,96 et 97 de la Constitution. Il s’agit d’un toilettage partiel de la Constitution portant sur les points suivants :
L’insertion de l’interdiction des mutilations génitales féminines dans la Constitution (art.16) : Une idée, une volonté et un combat mené par la Première Dame du pays pour la cause des jeunes Filles
Nouvel article 16 est formulé ainsi : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants. Tout individu, tout agent de l’Etat, toute autorité publique qui se rendrait coupable de tels actes, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi. Les mutilations génitales féminines, ainsi que toute autre pratique portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité de la personne humaine, sont formellement interdits ».
C’est une démarche juridique et symbolique très forte, qui vise à consacrer au plus haut niveau du droit la protection de l’intégrité physique et de la dignité des femmes et des filles.
Le renforcement des critères d’éligibilité à la présidence de la République : Un moyen de garantir la compétence, la probité et la légitimité des candidats à la plus haute fonction de l’État. Nouvel article 16 est formulé ainsi :
« tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité Djiboutienne, à l’exclusion de tout autre : jouir de ses droits civils, civiques et politiques, être âgé de quarante ans au moins à la date du dépôt de sa candidature et résider de façon permanente depuis cinq années sur au moins à la date du dépôt de sa candidature, sauf en cas de mission accomplie pour le compte de l’Etat ou d’une organisation internationale».
Il s’agit d’un renforcement des critères d’éligibilité à la magistrature suprême en encadrant surtout son accès et en consolidant davantage les exigences liées à la fonction présidentielle.
La révision de la composition du Conseil constitutionnel et l’allongement de la durée du mandat : Un renforcement institutionnel du gardien de la Constitution
Nouvel article 76 est formulé ainsi : Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Ils sont désignés comme suit :
– trois nommés par le président de la République,
– trois nommés par le président de l’Assemblée nationale ;
– trois nommés par le Conseil supérieur de la Magistrature.
Il se renouvelle par tiers tous les trois ans…»
Cet élargissement va permettre une représentation plus équilibrée (permet de mieux refléter la pluralité politique, sociale et juridique du pays), un accroissement de la confiance citoyenne (un Conseil plus large et plus représentatif peut apparaître comme un garant plus impartial de la Constitution), l’enrichissement de l’expertise et de la délibération (l’élargissement ouvre la porte à des profils plus divers ) et une amélioration du fonctionnement institutionnel (un Conseil plus nombreux peut mieux gérer l’augmentation du contentieux constitutionnel).
L’effet de la décision du conseil constitutionnel sur le mécanisme de l’exception d’inconstitutionnalité : la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens
Nouvel article 80 est formulé ainsi : « Les dispositions de la loi qui concernent les droits fondamentaux reconnus à toute personne par la Constitution peuvent être soumises au Conseil Constitutionnel de Djibouti par voie d’exception à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction. L’exception d’inconstitutionnalité peut être soulevée par tout plaideur devant toute juridiction. La juridiction saisie doit alors surseoir à statuer et transmettre l’affaire à la Cour Suprême de Djibouti. La Cour Suprême dispose d’un délai d’un mois pour écarter l’exception, si celle-ci n’est pas fondée sur un moyen sérieux, ou dans le cas contraire renvoyer l’affaire devant le Conseil Constitutionnel qui statue dans le délai d’un mois. Une disposition jugée inconstitutionnelle sur le fondement du présent article est abrogé à compter de la publication de la décision du conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le conseil constitutionnel détermine les conditions et les limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits, sont susceptibles d’être remis en cause ».
Cette disposition porte sur l’examen et les effets de la décision du conseil constitutionnel sur la question de l’exception d’inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel vérifie dans le cadre de cette procédure la conformité de la loi à la Constitution. Il peut censurer la loi en cas d’inconstitutionnalité et cette dernière est abrogée et ne peut plus produire d’effet.
Dr Obsieh Ali Djama












































