Comme chaque année, les Djiboutiens, à l’instar des millions de musulmans dans le monde, ont célébré vendredi dernier la fête de l’Aïd al-Adha, aussi appelée Aïd el-Kebir, la « grande fête ». Cet événement religieux majeur rappelle la soumission du prophète Ibrahim (Paix sur lui) à la volonté divine, quand Allah lui ordonna, selon le Saint Coran, de sacrifier son fils Ismaël. C’est une fête qui célèbre non seulement la foi et la dévotion, mais aussi des valeurs universelles de partage, de sacrifice et de solidarité. Elle tombe chaque année le 10e jour du mois de Dhul-Hijja, selon le calendrier hégirien, et marque aussi la fin du pèlerinage sacré à La Mecque, le Hajj.

Dès les premières heures du vendredi matin, les rues de Djibouti se sont animées d’une foule joyeuse et disciplinée, vêtue de ses habits traditionnels les plus éclatants. Les Djiboutiens se sont dirigés vers les lieux de prière spécialement aménagés pour l’occasion, dans tous les quartiers de la capitale. Des terrains à Balbala aux grandes places publiques du centre-ville, en passant par le terrain d’Aouled ou le plateau du Serpent, les fidèles ont convergé, portés par un même esprit de ferveur.

La grande prière collective de l’Aïd, moment fort de la journée, a été marquée par l’unité et la dévotion des participants. Le takbir, chanté en chœur, a retenti dans l’air frais du matin : « Allahou Akbar » (« Dieu est le plus grand »), proclamant l’unicité divine avec ferveur. Sept autres takbirs ont suivi, instaurant un climat de recueillement et d’exaltation spirituelle. Ces invocations rappellent la grandeur d’Allah et la foi profonde qui anime chaque fidèle, renforçant les valeurs de soumission et de piété. Parmi les fidèles, le Président de la République, M. Ismaïl Omar Guelleh, a honoré la prière collective sur le terrain d’Aouled, entouré de hauts responsables du gouvernement, de parlementaires, mais aussi de nombreux citoyens venus témoigner leur attachement à ces traditions ancestrales. Ce rassemblement est la preuve d’une communauté soudée, fidèle à ses valeurs et à son identité.

Une célébration entachée par les épreuves du monde

Si cette fête est habituellement synonyme de joie et de recueillement, il est impossible de ne pas penser à ceux qui, dans d’autres régions du monde, ne peuvent célébrer l’Aïd dans la sérénité. Les Djiboutiens ont ainsi eu une pensée particulière pour les musulmans de Gaza, victimes de la violence et de la guerre, privés du droit fondamental à la paix et à la sécurité. Le conflit, qui déchire cette région depuis plusieurs années, est une source de grande souffrance, et les prières ont été dirigées vers la quête d’une paix durable en Palestine. Cet hommage universel témoigne de la fraternité et de la solidarité qui traversent les frontières religieuses et nationales. À Djibouti, comme ailleurs, l’Aïd al-Adha est aussi une occasion de prier pour la justice et la paix dans le monde.

L’un des rites essentiels de l’Aïd al-Adha est le sacrifice d’un animal, le plus souvent un mouton, qui rappelle l’obéissance d’Ibrahim à Allah. Cette tradition, vieille de plusieurs millénaires, se perpétue avec beaucoup de respect à Djibouti.

Après la prière, les familles se sont activées pour accomplir ce rituel sacré. L’animal est égorgé selon les préceptes religieux, dans le respect des règles d’hygiène et de dignité. Puis, la viande est divisée en trois parts égales : un tiers est destiné à la famille, un autre tiers est partagé avec les amis et voisins, et le dernier est offert aux plus démunis. Ce partage est un moment clé, qui symbolise la générosité et la solidarité, valeurs profondément ancrées dans la tradition musulmane. Cependant, ce sacrifice n’est pas obligatoire pour tous. Certaines familles préfèrent remplacer ce rituel par des dons charitables, en offrant des aides aux personnes vulnérables. Cette alternative renforce encore davantage le caractère social et humanitaire de la fête.

Cette période a également dynamisé le marché local du bétail, notamment dans la commune de Balbala, où la demande a fortement augmenté. Éleveurs et commerçants ont ainsi vécu un regain d’activité, soulignant l’importance économique de cette fête pour la région.

Des retrouvailles familiales et une ambiance festive

L’Aïd al-Adha est aussi un moment privilégié de retrouvailles familiales. Dans les quartiers de Djibouti, les rues étaient animées par les rires et les sourires des enfants, vêtus de leurs habits neufs et éclatants. Les échanges de « Aïd Moubarak » résonnaient à chaque coin de rue, souhaitant paix, bonheur et prospérité aux proches et aux voisins.

Les visites entre familles et amis se sont multipliées, renforçant les liens sociaux et le sentiment d’appartenance. Beaucoup ont profité de l’occasion pour se déplacer vers les régions de l’intérieur, créant un afflux important sur les routes et dans les transports publics. Ce phénomène souligne l’importance de cette fête dans la vie sociale djiboutienne.

Les enfants, quant à eux, sont au cœur de la fête. Outre les cadeaux et les billets que leur offrent souvent les aînés, ils incarnent la joie et l’espoir. Cette tradition de gâter les plus jeunes contribue à rendre la fête encore plus joyeuse et lumineuse.

Au-delà de la spiritualité, l’Aïd el-Kebir est aussi un moment de partage culinaire. Les repas de fête sont l’occasion de réunir familles et amis autour de plats traditionnels. À Djibouti, la viande de mouton ou d’agneau, souvent accompagnée de riz, constitue le plat principal. Ce repas symbolise la richesse de la terre et l’abondance offerte par Allah. Les familles préparent avec soin ces mets, parfois en les échangeant entre voisins, renforçant ainsi la convivialité. La gastronomie joue un rôle majeur dans la célébration, contribuant à créer une atmosphère chaleureuse et festive.

Parallèlement aux célébrations locales, plusieurs centaines de Djiboutiens accomplissent actuellement le pèlerinage à La Mecque. Ce voyage spirituel, l’un des piliers de l’Islam, est un retour aux sources de la foi et un acte de purification. Les pèlerins prient pour le pardon divin, la paix intérieure et la réconciliation avec Dieu.

Le Hajj donne une dimension universelle à la fête célébrée à Djibouti. Il rappelle que les musulmans du monde entier, malgré leurs différences culturelles, sont unis par une même foi. Cette année, l’Aïd al-Adha coïncide également avec le 48e anniversaire de la création de l’Armée nationale djiboutienne. Ce double événement donne à la célébration une portée symbolique particulière, mêlant foi, patriotisme et fierté nationale.

Toutefois, la joie de la fête reste assombrie par les tragédies qui touchent la communauté musulmane mondiale, en particulier le peuple palestinien. Les massacres qui se poursuivent à Gaza sont une source de douleur profonde pour les fidèles, qui n’ont cessé d’adresser leurs prières pour la fin des violences.

La fête de l’Aïd al-Adha à Djibouti est bien plus qu’un simple rituel religieux. C’est un moment de rassemblement, d’unité, de solidarité et de partage. Elle rappelle à chacun les valeurs fondamentales de la foi musulmane tout en tissant des liens sociaux indispensables à la cohésion nationale.

Dans une période où le monde est souvent marqué par la division et le conflit, cette célébration invite à la paix, à la tolérance et à l’entraide. Elle porte l’espoir d’un avenir meilleur, pour Djibouti comme pour toutes les communautés qui luttent pour vivre dans la dignité.

Sadik Ahmed