Cher MAY,

Je me plais, cher compatriote, à te souhaiter une éclatante victoire en février prochain à Addis. Je ne suis pas le seul à te souhaiter une belle victoire : nous sommes si nombreux. Nous, c’est-à-dire tous les Djiboutiens, tes compatriotes. Toutes communautés confondues. Celles-ci sont unanimes. Pas une seule voix discordante. D’Ali-Addé à Moussa Ali, c’est la concorde. Convenons-en : pour notre pays, c’est bien un moment privilégié que celui de ta candidature. Tous souhaitent ta victoire, une victoire djiboutienne. Comme par miracle, les diversités ethniques ou tribales s’estompent, les tendances politiques s’effacent, les différences sociales s’oublient. En dépit de nos multiples diversités, nous sommes capables de faire preuve des compromis. Que dis-je ?  De consensus. Quel beau patriotisme !  Quelle maturité politique ! 

Natif du nord, tu n’es plus, aujourd’hui, l’enfant de la Ville Blanche, le fief ta famille. Tu es l’enfant d’un pays :

Djibouti. La preuve ? Lis la presse du monde entier, jette un coup d’œil sur les réseaux sociaux : de quoi parle-t-on ? Un seul nom revient sans cesse : « Djibouti ». L’Afrique et le monde ne parlent que de ça : « Djibouti ». Nous, aussi, nous ne pensons qu’à Djibouti. Le reste n’a guère d’importance.

Diriger l’organisation continentale, aucun compatriote, avant toi, n’y a pensé. Il en fallait…Du toupet : tu en as à revendre, toi ! Tu en as aussi la formation académique, l’expérience professionnelle, le talent d’un diplomate-né. Je le sais : tu sais mener les affaires avec tact, habilité et élégance. Je n’aime guère caresser dans le sens du poil mais je parle en connaissance de cause.

Après une longue carrière diplomatique, te voilà, aujourd’hui, au vestibule de ce symbole de l’unité panafricaine : Africa Hall. Un pas, et te voilà dedans ou plutôt au sommet du QG de l’organisation continentale.  Hailé Sélassié, le dernier empereur abyssin, en coupe fièrement le ruban, le 25 mai 1963 : c’est la naissance de l’Organisation de l’Unité africaine (l’OUA). Les grands leaders du continent sont tous à Addis. Combien sont-ils, ces Pères fondateurs ? Ils ne sont que 32 Chefs d’Etats. Nkrumah est là, Nasser est là, Senghor est là,  Houphouët est là, Gouled n’est pas encore là.

Pourquoi Senghor et ses amis ont-ils jugé nécessaire de créer une telle organisation ? Rien de plus simple : à cette époque-là, tant de peuples africains, dont le nôtre, vivotent encore sous le joug colonial. La décolonisation de ces peuples, leur dignité, la libération totale du continent, telle est la principale mission de l’OUA. Celle-ci mène une lutte sans merci contre l’exploitation de nos ressources humaines et de nos richesses naturelles. Héroïque, la lutte l’a été. Enfant, je me souviens, bien que vaguement, des visites de délégations de l’OUA dans notre pays, peu avant 77.

Une fois le continent débarrassé de l’occupation étrangère directe, ses préoccupations changent. Nos dirigeants en sont bien conscients. Ils se retrouvent à Durban, le 9 juillet 2002. Loin d’être un hasard, le choix du pays de Mandela est un symbole très fort. En effet, à la naissance de l’OUA, l’Apartheid, cet abominable pouvoir raciste, y sévit. Pendant presque trois décennies, l’organisation panafricaine se battra pour la libération et de l’homme et du pays.

A Durban, l’OUA fait une pause, s’arrête un instant, jetant un coup d’œil en arrière : c’est le temps de bilans. 40 ans se sont écoulés depuis sa création. En 40 ans, que de combats menés ! Que de batailles remportées ! mais que la guerre est longue et que le chemin est si semé d’embuches ! N’importe : 40 ans, n’est-ce l’âge de la maturité ? L’Afrique a grandi. Ses besoins, ses priorités, ses défis ne sont  plus   les mêmes. Autour d’elle, rien n’est plus comme en 1963 : tout a évolué, le monde a marché. L’Afrique doit s’y adapter. L’organisation panafricaine change alors de peau de buts : l’OUA devient l’UA. L’unité étant faite, il faut passer à l’union. La priorité de celle-ci n’est plus la décolonisation : c’est le développement durable. Consolider les acquis et construire le continent sur des bases nouvelles, voilà la mission actuelle de l’Union africaine.

Dans deux mois, nos dirigeants se réuniront de nouveau. Ils ne sont plus 32, comme en 1963, mais 55 Chefs d’Etats. La première question de leur ordre du jour sera celle-ci : l’élection du successeur du Tchadien, Moussa Faki. Cela te donnera, on n’en doute pas, l’occasion d’écrire le nom de notre pays dans les annales de l’Union africaine. Là-bas, tu ne seras pas loin. Bien au contraire, tu continueras d’être utile à ton pays. Peut-être le serviras-tu mieux encore. A ta façon, tu contribueras, j’en suis persuadé, au renforcement du sentiment national, à la consolidation de l’unité nationale. Ce n’est pas tout : l’Afrique et le monde connaitront mieux Djibouti et les Djiboutiens puisque tu seras la voix et le visage de l’Afrique dans les années qui viennent. L’Afrique et le monde nous verront alors avec des yeux différents. Voilà pourquoi nous, tes compatriotes, te souhaitons un plein succès à la tête de l’Union africaine. En attendant, bonne et heureuse année 2025 !

Abdillahi