
Par sa déclaration devant le Conseil de sécurité des Nations Unies le lundi 15 décembre, l’Ambassadeur de Djibouti aux Etats Unis d’Amérique et représentant permanent aux Nations Unies M. Mohamed Siad Doualeh a livré bien plus qu’un discours circonstanciel : une vision stratégique du leadership international, ancrée dans les réalités africaines et tournée vers l’avenir du multilatéralisme.
Le discours prononcé par l’Ambassadeur Mohamed Siad Doualeh devant le Conseil de sécurité des Nations Unies s’inscrit dans un moment de vérité pour le multilatéralisme.
En plaçant le thème du leadership pour la paix au cœur du débat sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, Djibouti rappelle avec clarté que la crise actuelle du système international n’est pas seulement institutionnelle ou géopolitique, mais profondément morale et politique. À l’heure où les fractures entre États s’approfondissent, le leadership devient le facteur déterminant qui conditionne l’avancée ou le recul de la paix.
Pour Djibouti, comme pour l’Afrique dans son ensemble, cette question n’a rien d’abstrait. Le continent demeure l’un des principaux théâtres des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, révélant à la fois l’utilité vitale de l’Organisation et ses limites structurelles. L’Ambassadeur souligne avec justesse que la légitimité et la pertinence futures des Nations Unies au XXIᵉ siècle se joueront largement en Afrique, là où la prévention des conflits, lorsqu’elle échoue, se transforme en crises prolongées aux conséquences humaines dévastatrices.
La paix, telle que définie dans cette déclaration, dépasse largement les cadres diplomatiques traditionnels. Elle est indissociable de la dignité humaine et des conditions de vie des populations. Pour de nombreuses communautés africaines, la paix signifie avant tout l’accès à l’eau, à la nourriture, aux soins de santé, à une éducation adaptée et à des moyens de subsistance décents.
L’absence de ces éléments nourrit l’instabilité, le banditisme et le terrorisme. En ce sens, Djibouti inscrit la paix dans une approche globale du développement, fondée sur les droits humains et la justice sociale.
Leadership, responsabilité et réforme du multilatéralisme
C’est dans cette perspective que l’Ambassadeur Mohamed Siad Doualeh esquisse le profil du prochain Secrétaire général des Nations Unies. Celui-ci devra être un partenaire stratégique de l’Afrique, capable de restaurer la confiance, de défendre la Charte et de promouvoir le respect du droit international dans un environnement international de plus en plus polarisé. Djibouti appelle à un leadership fondé sur la capacité de rassembler, de dépasser les logiques de blocs et de faire progresser des réformes essentielles, notamment l’amélioration de l’efficacité de l’Organisation, l’intégration de la dimension de genre, la lutte contre le changement climatique et la prévention structurelle des conflits.
Cependant, le discours ne se limite pas à une attente placée sur une figure institutionnelle. Il rappelle une réalité souvent éludée : le Secrétaire général n’est fort que dans la mesure où les États Membres, et en particulier le Conseil de sécurité, acceptent de l’être. La paralysie politique, notamment liée à l’usage du veto, a un coût humain direct, visible dans des crises telles que celles du Soudan, de Gaza ou d’Haïti. Djibouti appelle ainsi à une responsabilité collective des États pour mettre fin à l’inaction qui affaiblit la crédibilité de l’ONU.
Le leadership pour la paix, selon cette vision, doit également s’exprimer aux niveaux régional et sous-régional. Fort de son engagement au sein de l’IGAD sous la présidence du Président Ismaïl Omar Guelleh, Djibouti insiste sur la nécessité de financer de manière adéquate les initiatives africaines de paix. L’architecture africaine de paix et de sécurité a démontré son efficacité, mais demeure structurellement sous-financée. L’appel au financement obligatoire des opérations de paix conduites par l’Union africaine constitue un message politique fort : il ne s’agit pas d’assistance, mais d’un investissement dans un multilatéralisme plus équilibré et plus légitime, conformément aux engagements du Pacte pour l’avenir.
Enfin, la déclaration met en lumière l’importance de la médiation comme outil central de résolution des conflits. L’expérience du processus de paix d’Arta en Somalie est citée comme un exemple emblématique de médiation inclusive, adaptée aux réalités locales et capable de redonner aux acteurs nationaux la maîtrise de leur destin politique. En proposant l’appui de l’Institut de paix d’Arta, Djibouti affirme sa volonté de contribuer concrètement à la diffusion de ces modèles.
En conclusion, le message est sans ambiguïté : l’Afrique n’est pas seulement un bénéficiaire de la paix internationale, elle en est un acteur incontournable. À l’approche du centenaire des Nations Unies, Djibouti appelle à un partenariat fondé sur le respect, la responsabilité et une vision partagée de la paix. Un partenariat capable de redonner au multilatéralisme sa force première : servir les peuples avant les intérêts à court terme.












































