Jeudi dernier, dans nos locaux, nous avons reçu la visite de M. Jacques Trampont. Ce nom n’évoque rien pour les jeunes générations mais pour les anciens, c’est un monsieur qui a marqué de son  empreinte le  système éducatif djiboutien. Instituteur, professeur d’Histoire Géographie puis formateur, il a été notamment en poste au milieu  des années 60 à l’école primaire de Tadjourah, dans plusieurs  écoles primaires et collège de la capitale et dernièrement à l’école normale dans les années 80 .  Il a  aussi contribué à l’élaboration de nombreux manuels scolaires comme celui d’histoire géographie et a écrit l’histoire de Djibouti à des fins pédagogiques. Parmi ses anciens élèves on peut citer entre autres  l’actuel Président de l’Assemblée nationale M. Dileita Mohamed Dileita et M. Abdi Elmi Achkir, ancien ministre et actuel  DG  de l’Autorité de Régulation Multisectorielle de Djibouti. Durant sa visite au siège de notre journal M. Trampont était accompagné du Directeur Général du  CHU de Djibouti Dr Omar Mahamoud Ismail et de sa fille Anne Cecile qui est née à Djibouti comme ses deux frères jumeaux. Octogénaire toujours bon pied, bon œil.  qui coule une retraite paisible chez lui en France, il  a bien voulu nous relater sa longue expérience dans le domaine de l’éducation à Djibouti. Ce pays qu’il aime tant. Durant cette rencontre , nous avons eu l’occasion de plonger dans le parcours captivant de ce monsieur dont la vie s’est tissée entre Paris et Djibouti, entre l’enseignement et la passion pour l’histoire et la géographie. De son service militaire à son engagement éducatif à Djibouti, Jacques partage ses expériences, ses réalisations et ses réflexions sur l’importance de l’éducation et de la transmission du savoir. Nous allons découvrir comment une rencontre fortuite avec le docteur Omar Mahamoud Ismail a conduit à un projet visant à préserver et partager la richesse documentaire sur Djibouti, témoignant ainsi de l’engagement indéfectible de Jacques Trampont envers ce pays qui a marqué sa vie.

Il est né en 1944 à Paris en France. Au moment de faire son service militaire en 1965, il a  eu la possibilité de le faire comme civil en tant que volontaire avec une technique, et il a  choisi de passer deux années scolaires dans une école à Djibouti. Il est  arrivé à Djibouti en octobre 1965 et a  enseigné pendant deux années à l’école primaire de Tadjourah. Par la suite, Jacques Trampont a continué à enseigner dans plusieurs écoles de Djibouti, tout en reprenant ses études et devenant professeur d’histoire-géographie au collège technique et au lycée. Il a également été sollicité pour enseigner à l’école de formation des instituteurs, où il a contribué à la création du premier manuel scolaire de géographie pour Djibouti.

Pendant 14 ans, il a enseigné l’histoire-géographie à l’école de formation des instituteurs, tout en travaillant sur l’histoire de Djibouti et en participant à la création de manuels scolaires. Son  implication dans l’éducation s’est étendue jusqu’au Sénégal, où il a  travaillé comme chef de projet pour l’enseignement primaire, et en Côte d’Ivoire, où il a contribué à un programme d’appui à l’enseignement primaire. À son  retour à Djibouti, il a  participé à la refonte des manuels d’histoire-géographie, collaborant avec d’anciens élèves devenus inspecteurs et conseillers pédagogiques.

Nous lui avons demandé comment son expérience à Tadjourah, après avoir grandi dans le 7ème arrondissement de Paris a  influencé sa vie et ses c relations ?

« Mon arrivée à Tadjourah à l’âge de 20 ans a été un véritable choc culturel, notamment avec la présence des corbeaux, absents à Paris. Cependant, les deux années passées à Tadjourah ont été extraordinaires. J’ai développé une amitié profonde avec le sultan, décédé depuis, et j’ai été témoin de son intronisation en tant que sultan en 1985. Cette expérience a renforcé mes liens avec la communauté locale, notamment avec mes élèves et leurs familles, créant des liens durables qui ont perduré même après mon départ de Djibouti. »

Jacques Trampont nous a parlé aussi  de son  expérience de retrouvailles avec ses anciens élèves et de son approche de l’enseignement de la géographie.

« Rencontrer mes anciens élèves, tels que Chehem Watta, Mahdi, Mohamed Moussa Chehem, ainsi que ceux de l’école normale, a été une expérience enrichissante. Je suis ravi de constater leur ouverture aux réalités géographiques et historiques de leur pays. Je crois fermement que la géographie s’apprend en marchant, alors je les ai emmenés dans divers endroits comme l’ArdouKoba, le lac Assal, la forêt de Day à Ali-Sabieh et à Dikhil. À chaque étape, nous avons exploré la géographie et l’histoire locales, ce qui a permis une compréhension plus profonde et immersive. »

Comment vit-il sa retraite, notamment après le décès de son épouse, et quelles sont ses activités actuelles ?

« Ma retraite s’est partagée entre ma famille dispersée en France et aux États-Unis, où j’ai huit petits-enfants, et mon engagement envers Djibouti. Après le décès de mon épouse, avec qui je suis resté jusqu’à son dernier souffle, j’ai trouvé une nouvelle passion en partageant mon amour pour Djibouti à travers mes documents et livres sur son histoire et sa géographie. Ces documents seront bientôt transférés à Djibouti, notamment à la bibliothèque nationale, aux archives et au centre de formation professionnelle, dans le cadre d’un projet de transmission de savoir. Je suis également satisfait de pouvoir former un stagiaire qui viendra en France pendant un mois, ainsi que d’utiliser les visioconférences pour maintenir le lien et assurer la continuité de ce projet. »  

Comment sa rencontré avec Dr Omar a-t-elle conduit à son projet de transfert de documentation sur Djibouti ?

« J’ai rencontré Omar par hasard, alors qu’il travaillait pour l’OFRA en tant qu’interprète. Il a été introduit par une amie commune qui lui a parlé de mon amour pour Djibouti. Cette rencontre fortuite a conduit à des échanges fructueux avec Omar et sa famille, qui ont également montré un intérêt pour mes documents sur Djibouti. Après avoir constaté l’ampleur de ma documentation, nous avons décidé de les transférer à Djibouti, en particulier à des institutions telles que la bibliothèque nationale et les archives..

Tout au long de notre entretien M.Jacques Trampont ne cessait de remercier tous celles et ceux  qui parmi ses anciens élèves et les autorités du pays qui lui ont réservé un accueil chaleureux. Son séjour à Djibouti s’est passé dans de bonnes conditions.  Sa décoration par le Premier ministre M.Abdoulkader Kamil Mohamed  de chevalier dans l’ordre nationale  du 27 juin a couronné son déplacement  à Djibouti. Une reconnaissance pour service rendu à l’éducation nationale.

Kenedid Ibrahim