
À l’heure où le paysage médiatique mondial est profondément bouleversé par l’essor du numérique, la multiplication des sources d’information et l’omniprésence des plateformes en ligne, la presse nationale fait face à des défis sans précédent. Entre concurrence accrue, désordre informationnel et évolution rapide des usages, les médias traditionnels sont appelés à se réinventer pour conserver leur rôle central dans la société. Dans cet entretien, Ali Mohamed Dimbio, Président de la Commission Nationale de la Communication (CNC), dresse un état des lieux de la presse djiboutienne, retrace son évolution depuis les premières années de l’indépendance et analyse les mutations profondes de l’écosystème médiatique. Il revient également sur les enjeux liés à la concurrence internationale, à la révolution numérique et à la manipulation de l’information, tout en précisant le rôle et les perspectives de la régulation dans ce nouveau contexte.
La Nation : Comment se porte la presse djiboutienne ?
Ali Mohamed Dimbio : Pas mal si on l’apprécie dans le temps. Rappelez-vous il y eut une époque où aussi bien la presse écrite que la presse audio-visuelle se caractérisait par « sa rareté ». Le journal La Nation ne sortait qu’une fois par semaine et la Radio et la Télé émettaient à tour de rôle sur une seule fréquence ; ce qui limitait considérablement l’accessibilité à ces médias. Aujourd’hui avec la TNT, nous avons plusieurs chaînes qui émettent en continu et La Nation est imprimée chaque jour.
Pensez-vous que la presse nationale a évolué au fil de temps ?
Incontestablement. Notre presse a évolué avec son contexte politique et socio-économique. La presse d’aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec celle des années 80. A l’époque le contexte du parti unique et de l’indépendance nouvellement acquise privilégiait une couverture des thèmes régaliens et identitaires. La presse nationale a accompagné et même permis aux Djiboutiens la prise de conscience de l’importance de la cohésion et de l’unité nationale. Elle a joué un rôle de premier plan dans l’affermissement de la jeune république après son accession à l’indépendance.
Aujourd’hui la presse nationale est en concurrence avec la presse internationale ?
Pas seulement internationale. La presse aujourd’hui évolue dans un écosystème médiatique qui a plusieurs caractéristiques. D’une part elle a à faire à une offre médiatique abondante et gratuite. Les chaînes d’information en continu comme Al Jazeera ou BBC ont acquis une hégémonie planétaire qu’il est difficile de contester. Mais il y a aussi la révolution numérique et l’internet qui ont démultiplié l’offre médiatique de l’intérieur. La presse classique essaie d’exister dans ce panorama où sa place se réduit comme peau de chagrin.
Est-ce la fin de la Presse classique ?
Non je ne le pense pas. La presse classique à ses spécificités sur lesquelles elle doit se focaliser si elle veut continuer à intéresser les citoyens et rivaliser avec les médias numériques. Mais pour cela elle doit se restructurer et se reformer. Sinon « l’attractivité » du numérique va programmer son obsolescence.
Avec l’irruption du numérique, la manipulation de l’information prend de l’ampleur. Comment la presse classique peut contrer ce phénomène ?
Il n’y a pas de recette magique en la circonstance. Le désordre informationnel est une préoccupation de tous les Etats aujourd’hui. C’est même une problématique de sécurité nationale. La réglementation de l’espace numérique est organisée par des algorithmes et des plateformes qui ont des visées commerciales. Cela constitue une menace sérieuse pour le droit à l’information.
Quel est le rôle de la CNC dans cette nouvelle configuration ?
Vous savez la CNC est une institution qui a pour mission principale de réguler l’espace médiatique. Aujourd’hui elle est confrontée à l’émergence de nouveaux contenus et d’un nouvel écosystème médiatique propulsés par le numérique. L’information en ligne échappe à la régulation classique qui est encadrée par des dispositifs législatifs mais aussi par la Charte de Munich de 1971 en ce qui concerne les droits et les devoirs des journalistes. Il nous faut inventer d’autres formes de régulation qui tient compte du nouveau paysage médiatique. La CNC y travaille avec le Ministre de la Communication.












































