Adopté cette semaine en Conseil des ministres, le décret portant sur la Stratégie Nationale de Cybersécurité (SNC) 2024–2030 marque un tournant majeur dans la marche numérique de la République de Djibouti. Loin d’être un simple texte technique, ce décret est le reflet d’une prise de conscience politique profonde : la souveraineté nationale se joue désormais aussi dans le cyberespace.

Depuis plusieurs années, Djibouti investit avec ambition dans sa transformation numérique, en alignement avec la Vision Djibouti 2035. Ce choix stratégique — moderniser l’économie, digitaliser les services publics, renforcer l’inclusion — est porteur de progrès, mais il n’est pas sans risques.

La multiplication des interconnexions, la dématérialisation des processus, l’essor de l’intelligence artificielle et l’omniprésence des données exposent notre pays à des menaces invisibles, globales, parfois insidieuses.

Cyberattaques ciblant les infrastructures vitales, piratages de données sensibles, désinformation organisée. Bref, la guerre numérique n’est plus hypothétique, elle est là et bien réelle. Les États qui n’y sont pas préparés risquent d’en faire les frais.

En ce sens, on peut dire que la SNC 2024–2030 ne vient pas trop tôt. Elle s’impose comme une réponse lucide à ces défis. En définissant cinq axes prioritaires — du renforcement du cadre légal à la coopération internationale, en passant par la protection des systèmes critiques et la montée en compétences nationales —, elle pose les fondations d’un cyberespace national sûr.

Au-delà de ses modalités techniques, ce texte exprime une volonté politique : celle du gouvernement de ne pas laisser à d’autres — puissances étrangères, groupes privés, mafias numériques — le soin de déterminer ce qui est sûr, légitime ou acceptable dans notre usage du numérique. Il s’agit là d’un acte fort de souveraineté, dans un monde où les rapports de force se jouent désormais autant dans les datacenters que sur les terrains diplomatiques.

Bien entendu, la réussite de cette stratégie dépendra de sa mise en œuvre concrète. La cybersécurité ne peut être l’affaire de l’État seul. Elle appelle une mobilisation collective, une culture partagée de la vigilance et de la responsabilité. Elle exige aussi des moyens à la hauteur de l’ambition affichée.

Le futur Haut Conseil Supérieur de l’Économie Numérique et de l’Innovation devra faire de cette stratégie un véritable outil de pilotage, en veillant à l’inscrire dans le temps long et à l’ajuster en permanence aux nouvelles menaces. Et pour cela, il n’est pas besoin d’être à la fois « haut » et « supérieur».

La cybersécurité est le prix de la liberté numérique. En l’intégrant au cœur de sa démarche nationale, le gouvernement djiboutien affirme clairement : nous ne serons pas de simples usagers passifs de la révolution numérique, mais des acteurs souverains et responsables. C’est à cette hauteur qu’il faut lire ce décret .