La Ligue Populaire Africaine pour l’Indépendance (LPAI), principal mouvement indépendantiste,  est née  en février 1972 de  la fusion entre  la Ligue populaire africaine (LPA) d’Hassan Gouled  Aptidon, de la Ligue pour l’Avenir et l’Ordre (LAO) d’Ahmed Dini, de l’Action pour la Justice et le Progrès de Moumin Bahdon Farah et d’Idriss Farah Abaneh et de l’Union démocratique issa. Hassan Gouled Aptidon prend rapidement les rênes de la nouvelle structure en devenant le président-fondateur de la LPAI alors qu’Ahmed Dini devient le Secrétaire Général. Contrairement aux autres mouvements indépendantistes, la LPAI a le mérite d’avoir unifié en son sein toutes les sensibilités politiques du pays et d’enclencher par conséquent un rapprochement significatif des différentes composantes communautaires du Territoire.  Proche du Front de libération de la Côte des Somalis (FLCS) d’Aden Robleh Awaleh, elle s’oppose au gouvernement dirigé par Ali Aref Bourhan et s’affronte avec l’Union Nationale pour l’Indépendance (UNI), son parti.

La Ligue Populaire pour l’Indépendance organise alors régulièrement des manifestations contre la présence française sur le Territoire. C’est ainsi que la LPAI est associée aux discussions menées à Paris au cours du premier semestre 1977 en vue de préparer l’accession à l’indépendance du Territoire. Elle participe au Rassemblement populaire pour l’indépendance qui emporte tous les sièges lors des élections de la future Assemblée nationale en avril 1977 avec 42 229 voix pour 44 881 suffrages exprimés et 105 000 électeurs inscrits. Le vote est unanime, 99.75% des inscrits se sont prononcés pour cette indépendance.

Djibouti obtient finalement l’indépendance par référendum le 8 mai 1977. Hassan Gouled Aptidon devient le premier Président élu de la jeune république. Après l’indépendance, la LPAI cède la place au Rassemblement Populaire pour le Progrès au sein duquel se retrouvent les principaux mouvements indépendantistes.

Le tandem gagnant : Hassan Gouled Aptidon et Ahmed Dini Ahmed

Né le 15 octobre 1916, Hassan Gouled commence sa carrière dans les années 1930, comme infirmier. Il est en poste à Dikhil en 1932. Il est ensuite entrepreneur.

En 1946, il fonde avec Mahmoud Harbi le Club de la jeunesse somalie et dankalie. Ils sont élus ensemble en 1951 au Conseil représentatif de la colonie, puis se séparent. Hassan Gouled est élu sénateur français, contre Mahmoud Harbi. Il le reste de 1952 à 1957, puis est élu député à l’Assemblée nationale de 1959 à 1962. En 1974, Hassan Gouled appelle à voter pour François Mitterrand. Il devient président de la Ligue populaire africaine pour l’indépendance (LPAI) créée en février 1975 par la fusion de l’Union populaire africaine (UPA) et de la Ligue pour l’avenir et l’ordre. Le secrétaire général est Ahmed Dini.

Il devient président du Conseil de gouvernement le 18 mai 1977, et est élu président de la future République de Djibouti le 28 mai par la Chambre des Députés.

Quant à Ahmed Dini, il est né en 1932 et mort le 12 septembre 2004 à Djibouti. C’est l’un des hommes  politique le plus en vue  de la côte française des Somalis, du territoire français des Afars et des Issas puis de la république de Djibouti. Il en fut le deuxième Premier ministre de juillet à décembre 1977.

Vice-président du Conseil représentatif de la CFS d’avril 1959 à juin 1960, il est membre du gouvernement d’Ali Aref Bourhan en 1962-1964, il participe ensuite à la fondation de l’Union démocratique afar (UDA). Il est ministre des Affaires intérieures jusqu’en 1971.

Il est ensuite responsable de la Ligue pour l’Avenir et l’Ordre (LAO). En 1975, il devient porte-parole de la nouvelle Ligue populaire africaine pour l’indépendance (LPAI), dirigée par Hassan Gouled Aptidon. En juillet 1977, il devient Premier ministre de la nouvelle République de Djibouti.

Un climat social délétère au TFAI

Le chômage est omniprésent pour la population colonisée. L’économie se fonde sur les activités de manutentions, de transport (principalement maritime) et de quelques services qui ne suffisent pas à compenser l’exode rural de paysans désireux de fuir la pauvreté.

Cette situation atteint son pic dans les années 1960-1970, avec un taux de chômage atteignant 80% à Djibouti en 1975. La très faible mise en valeur agricole et industrielle de la colonie ne permet pas une égalité de l’emploi et de rémunération sur le territoire. L’attitude du gouvernement colonial favorisant les travailleurs venus de métropole.

La faiblesse de l’éducation accentue la situation. Les structures culturelles comme les bibliothèques sont inexistantes. Il faut attendre le début des années 1970 pour voir les premiers bacheliers autochtones. Ils sont trop peu à terminer le niveau secondaire. Les jeunes diplômés du lycée technique, quoique compétents, sont souvent victimes des clichés dévalorisant leur aptitude au travail.

Les pays limitrophes de la colonie, l’Ethiopie et la Somalie sont également des acteurs de ce processus de décolonisation, soutenant l’indépendance de Djibouti sur fond de rivalité d’influence. Le gouvernement somalien encourage le territoire de Djibouti à se raccrocher à lui une fois indépendant. C’est pour cela qu’il préconise un deuxième référendum de la population Djiboutienne pour déterminer un possible ralliement. Quant à l’Ethiopie, elle soutient l’indépendance totale de Djibouti, craignant une annexion rapide du Territoire par la Somalie. La politique locale est marquée par l’influence de ces deux pays puisqu’en effet ils soutiennent les partis indépendantistes qui émergent dans les années 1970 à Djibouti et trouvent écho dans la population locale. Chaque pays cherche en réalité à tirer profit de cette indépendance en avançant ses pions sur l’échiquier Djiboutien.

La métropole, acculée, concède l’indépendance du Territoire

La Somalie et l’Ethiopie ne sont pas les seuls qui observent avec méfiance l’indépendance de Djibouti. Le  gouvernement français  est le deuxième protagoniste le plus important de la crise naissante. Celui-ci à travers M. Pierre Messmer, Premier ministre devant l’Assemblée Nationale, reconnaît en décembre 1975 la vocation de la colonie à accéder à son indépendance. Le gouvernement de la métropole française propose, après avoir reconnu la nécessaire accession à l’indépendance, la tenue d’une conférence pour en définir les modalités. La métropole souhaite maîtriser le processus de décolonisation en imposant la tenue de cette conférence à Paris. Les modalités doivent être déterminées au plus vite les différents acteurs de la politique du Territoire Français des Afars et des Issas (TFAI) car la situation échappe au contrôle de la puissance coloniale.

Une mobilisation sans précédente de la population du Territoire

La Ligue Populaire Africaine pour l’Indépendance (LPAI) parvient surtout à mobiliser la population indigène contre la présence des colons et gagne ainsi en légitimité. La manifestation historique du 11 février 1976 à Djibouti restera dans les annales. Ce qui fait dire à M. Olivier Stirn, secrétaire d’État aux DOM-TOM, devant le conseil des ministres, que la ” large concertation dans un esprit de large union, préconisée à Paris, se heurte toutefois à l’intransigeance de la L.P.A.I. à l’égard de la politique et de la personne de M. Ali Aref ». Avant d’ajouter : « il n’est pas impossible, si toutes les garanties sont obtenues en temps voulu, qu’un référendum se déroule à Djibouti avant la fin de l’année 1976 ». La LPAI bénéficie aussi du soutien inébranlable des pays Africains. A la même période, à Alger, les mouvements de libération africains dénoncent «  les méthodes de répression abjectes du colonialisme français à Djibouti ». Le président Syaad Barre de Somalie demande, pour sa part, au Nigéria, dans un message rendu public à Lagos, d’intervenir à ses côtés contre les «  agresseurs français ». À Paris, le président du Gabon, M. Bongo, a indiqué le lendemain de la grande manifestation à Djibouti, en quittant l’Élysée où il s’était entretenu avec M. Giscard d’Estaing, qu’il était « d’accord sur ce problème de Djibouti avec la France, mais en émettant toutefois des réserves sur la perte de temps qu’il y aurait à faire un référendum ». « J’aurais été partisan, a-t-il ajouté, qu’on donne l’indépendance à Djibouti en nommant l’actuel chef de gouvernement comme premier ministre, quitte à faire par la suite des élections présidentielles ».

La LPAI étend son influence sur tout le territoire

En très peu de temps, la LPAI gagne les cœurs de la population du Territoire du nord au sud et s’impose comme le principal mouvement indépendantiste du pays. La LPAI surprend la puissance coloniale  par ses actions politiques matures et novatrices.  Elle organise des manifestations pacifiques d’envergure attire l’intention des grands médias et des presses. Ce qui lui confère une aura internationale.

La LPAI s’implante un peu partout à travers le pays et ouvre des annexes dans toutes les régions et localités. Les quartiers de la capitale Djibouti ne sont pas du reste. L’émotion est palpable et le vent de l’indépendance souffle de plus en plus fort. Les adhérents de la LPAI sont de plus en plus nombreux, enthousiasmés par la force du mouvement et le charisme de ses dirigeants.

Le duo de tête, Hassan Gouled Aptidon et Dini Ahmed Dini enflamment les foules de plus en plus impressionnantes en leur promettant un avenir meilleur. La population jusque-là tétanisée par la répression coloniale, retrouve confiance et s’exprime plus librement. Les habitants du Territoire des Afars et des Issas (TFAI) prennent leur courage à deux en défiant le pouvoir colonial.  

La LPAI conquiert les cœurs de la population par la mise en valeur de la culture indigène. Les artistes, les compositeurs, les chanteurs et autres comédiens qui travaillaient jusque-là la peur au ventre, exposent désormais au grand jour leurs pièces de théâtre, leurs chansons et leurs joutes verbales publiquement  sur le devant de la scène. Des groupes d’artistes se forment instinctivement et les annexes de la LPAI deviennent les principaux centres  de détection de  des talents.

Mahmoud Harbi Farah est un homme politique de la côte française des Somalis, né en 1921 aux à Ali Sabieh, et mort le 21 septembre 1960 dans un accident d’avion au-dessus de l’Italie.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Mahmoud Harbi est engagé volontaire, marin dans les Forces françaises libres. Mahmoud Harbi participe à la création du « Club de la jeunesse somalie et dankalie » en 1946, avec Hassan Gouled, Mohamed Kamil Mohamed et Ali Aref Bourhan. Il en devient président en 1948. Mahmoud Harbi est élu au Conseil représentatif de la colonie en novembre 1950, et réélu en septembre 1955. Il est battu par Hassan Gouled à l’élection sénatoriale de 1952. En juillet 1956, il devient député à l’Assemblée nationale française Aden Robleh Awaleh, né en 1941 à Ali Sabieh et décédé le 31 octobre 2014 à Djibouti, est un homme politique djiboutien. Après des études secondaires à Djibouti, Aden Robleh Awaleh étudie le droit à Bordeaux puis à Paris entre 1963 et 1968. Il est secrétaire général de l’association des étudiants et stagiaires Djiboutiens en France de 1965 à 1967.

À la fin de ses études universitaires, Aden Robleh Awaleh rentre à Djibouti au début de l’année 1969. Il quitte rapidement le pays pour rejoindre le Front de libération de la Côte française des Somalis (FLCS) à Mogadiscio, en Somalie. Il en devient le secrétaire général jusqu’à l’indépendance du pays en juin 1977.

Sous sa direction, le FLCS va multiplier les actions, tant «militaires» que diplomatiques, en vue de promouvoir « la vocation de Djibouti à l’indépendance ».

Aden Robleh Awaleh est arrêté en 1975 par le général Mohamed Siad Barre en Somalie, pour s’être opposé aux revendications somaliennes sur Djibouti. Il est grièvement blessé dans une tentative d’assassinat le 24 juin 1977, trois jours avant l’indépendance. et reste hospitalisé à Paris pendant un an, ce qui entraîne une baisse de l’influence du FLCS. Le mouvement n’obtient qu’un seul poste ministériel dans le nouveau gouvernement.

Le FLCS : la branche armée de la lutte pour l’indépendance…

Le Front de libération de la côte des Somalis (FLCS) est une organisation politique et militaire de la Côte française des Somalis (CFS) puis du Territoire Français des Afars et des Issas (TFAI) qui milite activement pour son indépendance. Le FLCS aurait été crée en 1960 par Mahamoud Harbi Farah à Mogadiscio. C’est certainement  pour cette raison qu’il  est hébergé et soutenu par la république de Somalie jusqu’à l’indépendance de Djibouti en juin 1977.

A la fin de 1969, c’est Aden Robleh Awaleh qui prend les rênes de ce mouvement indépendantiste armé qui prône ouvertement la violence contre la puissance coloniale pour libérer le Territoire. C’est au début des années 1970 que le Front de Libération de la Côte Française des Somalis (FLCS) se fait connaitre sur la scène internationale à travers ses interventions armées qui traduisent la ferme volonté et la détermination de la population du TFAI à s’émanciper de la tutelle de la France.

C’est ainsi qu’en janvier 1970, le Front revendique un attentat contre le Palmier en Zinc, un bar du centre-ville de Djibouti. En 1975, le FLCS enlève l’ambassadeur de France en Somalie, Jean Guery, qui sera échangé contre deux militants du Front, Omar Elmi Khayreh dit “Dambasweyne” et Omar Osman Rabeh. En décembre 1975, il revendique un attentat manqué contre Ali Aref Bourhan.

En février 1976, le FLCS revendique le détournement d’un bus scolaire, qui se termine par la mort de quelques  combattants et de deux des enfants : le 3 février 1976, des militants indépendantistes du Front de libération de la côte des Somalis (FLCS) prennent en otages les occupants d’un autobus de ramassage scolaire à Djibouti, alors situé dans le territoire français des Afars et des Issas (TFAI). Le lendemain, une compagnie de légionnaires parachutistes et des membres du groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) prennent d’assaut le bus, libérant la plupart des otages. Contrairement aux affirmations de certains, seul un des ravisseurs alias Moukhalkhal a été tué dans cette opération : les trois autres ont été remplacés à tant par d’autres combattants. C’est aussi au cours de ces épisodes tragiques qu’un autre militant du FLCS, Hassan Gaulis, y perdra la vie.

Cet événement, en montrant les difficultés du maintien de la présence coloniale française à Djibouti, est une étape importante dans l’accession à l’indépendance du territoire.

Le FLCS évolue dans ses revendications entre la demande d’intégration dans une éventuelle « Grande Somalie » ou l’indépendance simple du territoire. En 1975, le FLCS se rapproche de la Ligue Populaire Africaine pour l’Indépendance (LPAI) et opte définitivement pour la voie indépendantiste, ce qui entraîne des tensions avec Mogadiscio.

À l’indépendance du territoire, en juin 1977, de 300 à 400 militants du FLCS sont intégrés dans les nouvelles forces armées Djiboutiennes.

Moussa Ahmed Idris          

                                             

Moussa Ahmed Idriss, né en 1933 à Doudah, et mort le 5 juin 2020, est un homme politique, ancien député de la Ve République, élu dans la circonscription de la côte française des Somalis (CFS), devenue la république de Djibouti en 1977.

Militant nationaliste, il participe à la fondation du Parti du mouvement populaire (PMP) dont il prend la tête. Il est élu à l’Assemblée territoriale le 23 juin 1957 sur la liste de Mahmoud Harbi.

Il est élu à l’Assemblée nationale française en novembre 1962, soutenu par le PMP. Il siège jusqu’en 1967 sur les bancs de l’Union pour la nouvelle République (UNR). En 1963, il signe l’accord d’Arta qui rejette les revendications étrangères sur la CFS. En 1966, il soutiendra à nouveau les mouvements indépendantistes.

Le Parti du Mouvement Populaire : entretenir la flamme de la liberté !

Le Parti du mouvement populaire (PMP) est un parti politique de la côte française des Somalis puis du territoire français des Afars et des Issas.

Il est créé en 1958, par des militants nationalistes somalis. Son candidat, Moussa Ahmed Idriss, est élu député du territoire à l’Assemblée nationale française en 1962. Il siège sur les bancs de l’Union pour la nouvelle République (UNR), le parti gaulliste. Son premier président est Ahmad Farah Dalieh puis en 1962 Obsieh Bouh Abdallah (né en 1932)

En 1963, le PMP s’allie à Ali Aref avec lequel il gagne les élections territoriales. Ses dirigeants signent l’accord d’Arta.

En 1965, le PMP est rejoint par des militants de l’Union démocratique issa dirigée par Hassan Gouled Aptidon. Avec l’Union démocratique afar, le PMP participe à l’organisation de la manifestation nationaliste à Djibouti d’août 1966 à l’occasion du passage du général de Gaulle. Les formations se divisent ensuite.

Le PMP appelle à voter «non», c’est-à-dire en faveur de l’indépendance, lors du référendum de mars 1967. Ses ministres quittent alors le gouvernement. En conséquence, le 13 juillet 1967, le PMP est dissous par décision des autorités administratives du territoire.

Un de ses militants, Omar Osman Rabeh sera condamné à mort, peine commuée en prison à vie, pour avoir tenté d’assassiner Ali Aref Bourhan en 1968. Il sera finalement échangé contre l’ambassadeur de France en Somalie enlevé à Mogadiscio par un commando du Front de libération de la côte des Somalis (FLCS) en 1975.

Dr Moussa Souleiman