
La cérémonie de remise des prix de la 3ème édition du concours de nouvelles, organisée par l’Union de la Presse Francophone de Djibouti a eu lieu hier à l’Institut Français de Djibouti. Une édition marquée par une présence exclusivement féminine sur le podium, et qui confirme l’émergence d’une génération de plumes inspirées et engagées. Celle-ci a eu lieu en présence du Président de l’UPF Djibouti M. Kenedid Ibrahim Houssein, du Directeur Délégué de l’IFD M.Victor Bernard, de M. Modibo Konaté représentant de l’OIF et d’un public composé de journalistes, d’écrivains, d’étudiants et de passionnés de littérature.

Dans une salle comble, baignée d’un esprit littéraire et de camaraderie francophone, le rendez-vous a tenu toutes ses promesses. Le concours de nouvelles francophone, devenu en seulement trois éditions un jalon important du calendrier culturel djiboutien, a une fois encore mis en lumière le talent d’une jeunesse qui fait de l’écriture un espace d’expression, de liberté et de projection.
Organisé par l’Union de la Presse Francophone (UPF) de Djibouti, avec l’appui de l’Institut français de Djibouti (IFD) et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), ce concours littéraire s’adresse prioritairement aux jeunes adultes djiboutiens et francophones. Il entend valoriser la langue française comme outil d’émancipation, de dialogue et de création.
Après plusieurs semaines de lecture attentive et de délibérations, le jury a tranché parmi une trentaine de textes soumis. Les trois nouvelles primées, chacune dotée d’une voix distincte, témoignent d’une sensibilité fine, d’un sens narratif affirmé et d’un regard lucide sur le monde.

Le premier prix a été décerné à Asma Hassan Nour pour Les Voix, une nouvelle de science-fiction au style épuré, puissante dans sa sobriété, et dont l’univers dystopique n’est jamais très éloigné de notre réalité.
Dans un monde aseptisé, post-épidémie, où le contact physique est proscrit et les émotions soigneusement filtrées, Maya, analyste sensorielle, redécouvre l’humanité à travers la voix d’un inconnu, Nael. De simples extraits sonores naît une relation intime, construite sans corps ni image, mais riche d’émotions. Jusqu’au jour où les deux personnages, bravant l’interdit, se touchent enfin — un effleurement bouleversant, porteur de rébellion douce contre un monde déshumanisé.
La nouvelle d’Asma Hassan explore avec finesse les tensions entre isolement technologique et besoin de chaleur humaine. Elle interroge, sans jamais juger, notre rapport au corps, à la mémoire, et à l’amour à l’ère de la virtualité.
Le deuxième prix est revenu à Willo Riguah Ilmi pour Le carnet de l’espoir, un texte profondément émouvant et touchant, porté par une écriture simple mais sincère. Il transmet avec délicatesse la résilience d’une enfant face à la solitude, éclairée par l’espoir et la solidarité silencieuse.
Amina, une jeune fille séparée de ses parents et confiée à une tante peu affectueuse, vit une enfance marquée par la solitude et le manque d’amour. Chaque jour est une lutte silencieuse, nourrie par l’espoir d’un avenir meilleur pour elle et sa famille. Un soir, elle découvre par hasard un carnet posé près d’une poubelle, contenant un message bienveillant qui lui redonne courage. Intriguée, elle y répond et entame un échange anonyme avec cette personne invisible. Chaque nouveau mot découvert dans le carnet devient pour elle une source de réconfort et de force. Petit à petit, ce dialogue secret transforme son quotidien : elle étudie mieux, retrouve confiance, et progresse à l’école. Amina renaît intérieurement, portée par ce lien mystérieux. Jusqu’au jour où le carnet lui enjoint de se retourner… révélant une présence inattendue. La fin reste ouverte, marquant un tournant émotionnel dans sa vie.
Le troisième prix est revenu à Bilan Mohamed avec la nouvelle « A la croisée des chemins ».
Un texte sincère et touchant, porté par une voix intérieure forte qui met en lumière la résilience face à la maladie. Il délivre avec justesse un message d’espoir et de détermination.
Atteinte de diabète, une lycéenne raconte son quotidien rythmé par les contrôles de glycémie, les repas stricts et les crises imprévues. Chaque journée est une épreuve où elle doit jongler entre sa santé fragile et les exigences scolaires. Face aux moqueries, à la fatigue et au découragement, elle songe à abandonner ses études. Soutenue par les paroles réconfortantes de sa mère, elle puise une force intérieure insoupçonnée. Lors d’un exercice d’écriture en classe, elle libère ses émotions et prend conscience que sa maladie ne la définit pas. Ce moment d’introspection devient un déclic. Elle décide de continuer à se battre pour ses rêves malgré les obstacles. À la croisée des chemins, elle choisit la voie du courage et de la persévérance. Sa plume devient un outil de libération et de résilience. Une nouvelle inspirante, portée par un message fort d’espoir.
Une francophonie vivante, une jeunesse engagée
Dans son discours d’ouverture, M. Kenedid Ibrahim Houssein, président de l’UPF Djibouti, a salué avec force l’engagement des participantes et la qualité des œuvres soumises : « Ce concours est d’abord un acte de foi en la jeunesse, une jeunesse qui pense, qui rêve, qui écrit. C’est aussi une déclaration d’amour à la langue française, cette langue qui permet de dire le monde, de le questionner, de l’imaginer autrement.»
Il a également souligné l’importance de créer, à travers des initiatives culturelles durables, des espaces d’expression où les jeunes peuvent affirmer leur voix, explorer leur identité et contribuer activement à la société par la littérature. Le président de l’UPF a rendu hommage à l’ensemble des candidates et a félicité les lauréates pour leur originalité, leur sincérité et leur talent prometteur.
Le Directeur Délégué de l’Institut français de Djibouti , de son côté, a réaffirmé le soutien indéfectible de l’établissement à toutes les actions qui renforcent la diffusion du français, tout en mettant en valeur les créations locales :
« Ce concours illustre combien la francophonie, loin d’être figée, est portée avec ferveur et inventivité par les nouvelles générations djiboutiennes. »
M. Modibo Konaté, représentant de l’OIF, a salué l’initiative avec enthousiasme et conviction : « L’OIF est fière de soutenir ce concours de nouvelle qui permet aux jeunes francophones de s’exprimer librement à travers la langue française. C’est une contribution concrète à la valorisation de la culture et à la promotion de l’égalité des chances. » Il a également mis l’accent sur la pertinence d’une telle initiative dans un monde en mutation :« Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de voix féminines fortes et singulières, capables de raconter, de questionner et d’imaginer l’avenir. L’OIF continuera d’être aux côtés de celles et ceux qui, par l’écriture, construisent des ponts entre les peuples et les générations. »
Lecture publique et émotions partagées
Moment fort de la journée, la lecture d’extraits des nouvelles primées par les autrices elles-mêmes a plongé l’auditoire dans l’univers singulier de chaque texte. Émotion palpable dans la salle à l’écoute des premières phrases d’À la croisée des chemins, où la tension entre devoir filial et aspiration personnelle se traduit par une prose dense et sensible.
Puis ce fut au tour de Le carnet de l’espoir d’émouvoir le public, en particulier lorsque l’héroïne raconte, à travers ses mots simples et puissants, l’angoisse d’un quotidien sans repère.
Enfin, avec Les voix, l’assistance a été invitée à un voyage introspectif où la musicalité de la langue se mêle au mystère d’un récit ouvert.
Le public, composé de journalistes, d’écrivains, d’étudiants et de passionnés de littérature, a salué d’une salve d’applaudissements la prestation des trois lauréates. Beaucoup ont vu dans cette édition une montée en puissance qualitative et un message clair : la littérature djiboutienne se féminise, s’intellectualise et s’internationalise.
La cérémonie s’est conclue autour d’un cocktail convivial, propice aux échanges entre les participants, les organisateurs et les invités. Plusieurs anciens lauréats des éditions précédentes étaient présents, témoignant de la continuité du projet et de son impact dans le parcours de jeunes auteurs djiboutiens.
Le président de l’UPF Djibouti a rappelé que cette initiative n’était pas un événement isolé, mais bien un projet appelé à se pérenniser. À travers cette troisième édition, il s’agit d’ancrer une tradition littéraire nationale autour de la nouvelle, genre court mais exigeant, souvent sous-représenté dans les concours littéraires classiques. « En encourageant les jeunes à écrire en français, nous leur offrons non seulement une scène, mais aussi une arme pacifique: celle des mots, de la pensée, de l’imagination. »
Avec le soutien renouvelé de ses partenaires, l’UPF ambitionne de faire de ce concours un tremplin vers d’autres horizons : publications, résidences d’écriture, rencontres internationales.
Dans un pays où les enjeux éducatifs, culturels et sociaux sont en pleine mutation, ce concours de nouvelle apparaît comme une réponse vivante et concrète aux défis de la formation citoyenne, de l’égalité des genres et de la valorisation des talents locaux.
Les voix qui se sont exprimées mercredi dernier à l’Institut français ne sont pas seulement celles de trois jeunes femmes ; elles sont aussi le reflet d’une jeunesse en quête de sens, de narration et de reconnaissance.
Dans leurs carnets, dans leurs histoires, dans leurs rêves couchés sur le papier, les lauréates de cette édition 2025 ont montré que Djibouti peut compter sur une relève littéraire lucide, sensible et profondément humaine. Les trois lauréates ont reçu des ordinateurs portables et des tablettes.