
Dans le paysage professionnel djiboutien, certains métiers demeurent dans l’ombre malgré leur importance capitale au quotidien. Parmi eux, celui de serrurier-métallier, un artisan de précision qui conçoit, répare et assemble serrures, clés et pièces métalliques, tout en contribuant à l’édification de nombreuses structures. Un métier polyvalent, manuel, technique… mais souvent déconsidéré, alors même qu’il façonne la sécurité et le confort de tous.
À Djibouti-ville, dans une petite boutique où cliquettent clés et outils, Farah Ali, 40 ans, nous accueille sans interrompre son travail. Devant lui, une clé de voiture fissurée attend d’être examinée. Il sourit timidement, rompt peu à peu la glace et raconte un parcours inattendu, presque accidentel.
« J’ai atterri dans cette profession par inadvertance », confie-t-il. Un proche parent, passionné et minutieux, l’initie dès l’adolescence aux mécanismes secrets des serrures. Fasciné par la précision du geste, Farah se laisse gagner par l’envie de comprendre, d’apprendre, puis de maîtriser cet art. Vingt ans plus tard, l’apprenti est devenu un professionnel aguerri, chef de famille, fier d’un métier qui lui a ouvert les portes de la stabilité.
Loin d’être en perte de vitesse, la profession évolue et se renforce, portée par des besoins croissants en sécurité. « Le serrurier-métallier est très demandé aujourd’hui. Les gens veulent protéger leurs biens, leurs maisons, leurs entreprises. Le monde change, et les besoins aussi », explique Farah.
Pour comprendre la dimension plus large de ce métier, il faut quitter la petite boutique et se rendre dans un atelier bruyant, animé, situé non loin du centre-ville. Ici, Hassan Ali, 32 ans, casque sur la tête et cisaille en main, découpe une longue feuille métallique que d’autres ouvriers s’apprêtent à assembler.
L’atelier vibre au rythme des machines, entre étincelles de soudure et fracas du métal. Après quelques instants d’hésitation, Hassan accepte de se confier. Pur produit de l’école publique, il a découvert la métallerie au lycée industriel et commercial de Djibouti, malgré des envies initiales différentes.
« Je voulais suivre un parcours classique comme la plupart des jeunes, mais mes parents ont insisté pour que je fasse des études techniques », raconte-t-il. Un choix qui s’est révélé déterminant. Les cours, les outils, le métal : tout cela a fini par l’enthousiasmer. Aujourd’hui, il dirige sa propre structure et voit dans ce métier une véritable opportunité. « Dans d’autres pays, les jeunes se lancent massivement dans la métallerie, et les avancées technologiques créent de nouvelles demandes. J’espère que les jeunes djiboutiens comprendront la valeur de ce métier », ajoute-t-il.
S’il reste encore timide dans le pays, le secteur offre pourtant des débouchés concrets et un potentiel de développement important, à l’heure où sécurité, modernisation urbaine et construction sont en plein essor.
Redonner ses lettres de noblesse au travail manuel
Serruriers, métalliers, mécaniciens, soudeurs, menuisiers… Ces métiers indispensables à la société peinent encore à attirer de nouvelles générations en quête de confort et d’emplois moins éprouvants. Pourtant, comme le rappellent Farah et Hassan, ces professions requièrent intelligence technique, précision, savoir-faire, et permettent de bâtir, au sens littéral, le fonctionnement de la communauté.
La maxime « Il n’y a pas de sot métier » prend ici tout son sens : derrière chaque clé conçue, chaque portail soudé, chaque verrou installé, se cache un artisan dont l’expertise garantit sécurité et sérénité.
Parce qu’il forge, assemble, ajuste, et transforme la matière brute en objets d’utilité publique, le serrurier-métallier est un acteur majeur du quotidien, un métier qui mérite reconnaissance et considération. Et peut-être, demain, davantage de vocations chez les jeunes Djiboutiens.
Sadik Ahmed












































