Nous l’avons rencontré en marge de la 6e édition des 10 km d’Air Djibouti, vendredi dernier à Ayla hôtel Djibouti lors  de remise des trophées célébrant les vainqueurs des différents  épreuves. Parmi les participants, une silhouette en uniforme attirait discrètement l’attention : celle de Kadir Aden Ismail , pilote d’Air Djibouti. Calme, souriant et d’une grande disponibilité, Kadir Aden Ismail  a accepté de parler de son métier, un métier qu’il décrit avant tout comme une vocation.

Il fait partie de la nouvelle génération de pilotes de Djibouti. Kadir Aden Ismail 31 ans marié. Après une formation intensive au Kenya, il est aujourd’hui aux commandes d’un Embraer 145 pour la compagnie aérienne nationale. « C’était mon rêve. Je pense que c’est le rêve de tout le monde, normalement », dit-il avec un léger sourire.

Ce rêve, il sait qu’il aurait pu ne jamais se concrétiser. La formation de pilote coûte cher, trop cher pour beaucoup de jeunes. « Sans aide, ce n’était pas possible », reconnaît-il sans détour. L’occasion se présente sous la forme d’un concours organisé par la compagnie nationale. À la clé : une prise en charge complète. « Heureusement, tout a été payé. Ça, c’est vraiment un privilège. Sinon, mon rêve ne se serait pas réalisé. » Dans sa voix, il n’y a pas de triomphe, plutôt de la gratitude.

Derrière l’image lisse du pilote en uniforme, il y a des années d’efforts. Avant même de poser la main sur un manche, Kadir Aden Ismail  passe par le filtre exigeant des tests. « L’école qui nous a formés est venue en personne. Ils nous ont sélectionnés après un test scientifique et un entretien », raconte-t-il. Il n’emploie pas de grands mots, mais il insiste sur ce point : les bases scientifiques sont essentielles. « Ils préfèrent des gens qui ont des bases scientifiques, car l’avion, c’est de la physique. Si tu n’as pas cette notion, ce serait un peu difficile de comprendre comment l’avion vole. Il y a les quatre forces qui s’exercent sur l’appareil. » Il évoque cela simplement, comme on explique quelque chose d’évident, mais derrière, on devine les heures passées sur les manuels et les équations.

La formation au Kenya dure près de deux ans et demi. Une petite promotion de quatre filles et neuf garçons partage le même quotidien : les réveils tôt, les cours théoriques, le simulateur, les vols d’entraînement. La pandémie vient bousculer le programme, retarder les étapes, ajouter de l’incertitude. « C’était long », résume-t-il. Pas de plainte, juste un constat. Puis il ajoute un détail qui dit beaucoup de ces journées-là : « La météo là-bas était un peu difficile. C’était toujours nuageux, et les types d’avions en particulier la Cessna 172 qu’on utilise en formation ne peuvent pas voler dans les nuages ça dépend aussi selon la licence que vous possédez. On doit être capable de voir. Dans certaines conditions, Par exemple, il n’est pas recommandé de voler lorsque la météo est défavorable. Sauf si l’on possède une qualification IR (Instrument Rating), car en mauvaises conditions météo, le vol doit se faire aux instruments. Il faut donc avoir l’IR ainsi qu’une visibilité minimale, selon les conditions météorologiques du moment » Il faut parfois attendre que le ciel se dégage, patienter au sol, recommencer. Accepter que tout ne dépend pas de soi.

Une fois de retour à Djibouti, le diplôme ne suffit pas. Une autre étape, plus technique encore, l’attend : la spécialisation sur un appareil. « On doit faire ce qu’on appelle une type rating, une qualification de type. Ce n’est pas comme une voiture : tu apprends à conduire une voiture et tu peux en conduire une autre. Pour les avions, ce n’est pas comme ça », explique-t-il. Pendant 4 à 8 semaines, il se plonge dans l’univers de l’Embraer 145 : systèmes, moteurs, performances, procédures normales et d’urgence. Il en parle comme d’un langage qu’il a appris à maîtriser, ligne par ligne.

Aujourd’hui, il pilote ce jet régional qu’il décrit comme « performant et économique » sur des liaisons de moins de trois heures, notamment vers Hargeisa et Mogadiscio. Vu de l’extérieur, tout semble fluide : le décollage, la montée, la croisière, l’atterrissage. Vu de son siège, c’est une succession de gestes précis, de vérifications, d’anticipations. « Quand tu es aux commandes, tu es responsable de ton équipage et de tes passagers. Tu n’as pas le droit à la distraction », résume-t-il. Il ne dramatise pas, mais on sent qu’il mesure le poids de cette responsabilité à chaque vol.

Malgré tout, Kadir Aden Ismail  ne se présente jamais comme un héros. Il se décrit plutôt comme quelqu’un qui a sa part de doutes et de fatigue. « Ce n’est pas facile. Mais il y aura toujours des défis, comme dans la vie. Il faut juste travailler dur », dit-il. Cette phrase, il la répète presque comme un principe simple, valable autant pour le cockpit que pour le reste.

À la jeunesse djiboutienne qui l’interroge parfois sur son parcours, il ne vend pas un rêve inaccessible. Il choisit des mots sobres : « Pilote, c’est bien. Il faut essayer. » Pas de promesse de réussite, mais une invitation à tenter, à se préparer, à accepter que le chemin soit long. Puis il revient à cette idée qui le guide depuis le début : « Être pilote, c’est un privilège. » On comprend alors que, pour lui, ce privilège n’est pas seulement de voler au-dessus des nuages, mais aussi d’avoir eu la chance, un jour, de voir son rêve quitter le sol.

Kadir Aden Ismail,  tient aussi à rappeler que sa réussite est le fruit d’un soutien institutionnel déterminant.

« Je souhaite adresser mes plus vifs remerciements au Président de la République, Son Excellence M. Ismail Omar Guelleh, pour son leadership remarquable et pour son soutien constant dans notre progression », affirme-t-il.

Il exprime également sa gratitude envers le directeur  d’Air Djibouti, Abdourahman Ali Abdillahi :

« Son influence a été déterminante dans ma carrière. Il m’a donné confiance, il m’a encouragé à progresser et a renforcé ma motivation. Travailler avec un dirigeant aussi inspirant est une opportunité que j’apprécie profondément. Je souhaite vivement poursuivre cette collaboration dans les années à venir et continuer à contribuer au succès de notre compagnie aérienne sous sa direction éclairée. »

Propos recueillis par Mohamed Chakib