S’il y a une particularité commune à tous les ménages djiboutiens, c’est que nous avons tous les yeux plus gros que le ventre. Normal, pour une société nomade comme la nôtre, les mères de familles prévoient toujours l’arrivée d’invités de dernière minute et mettent toujours les petits plats dans les grands. Et maintenant qu’approche à grand pas le Ramadan, toutes les ménagères djiboutiennes calculent et prévoient en avance les frais afférents à ce mois béni.

A quelques jours de l’arrivée du mois béni, toutes les sociétés musulmanes sont en effervescence. Ce mois de piété, du pardon, du recueillement et des prières est aussi synonyme de partage et de repas en famille. Pour ce faire, les mères de familles prévoient, parfois plusieurs mois en avance, les frais afférents aux dépenses du ramadan. En réalité, il existe plusieurs profils de mères de familles, les minimalistes et les acheteuses compulsives. Certaines femmes se reconnaitront peut être parmi ces 2 profils…

Les acheteuses compulsives

Pour certaines mères de famille, il est primordial de faire les emplettes chaque Ramadan. Pour cela, elles suivent des pages où l’on propose les vaisselles customisées, des verres aux formes lunaires, bref, tous les prétextes sont bons pour dépenser des sous et refaire la maison. Elles achètent des décorations, des lampes, des coussins de salon, tout ce qui rappelle ce mois béni. Elles n’ont que faire des dépenses inutiles, elles veulent profiter de ce mois comme elles le veulent et n’hésitent à dépenser sans compter. Mais les dépenses ne s’arrêtent pas qu’aux ustensiles et aux décorations, elles se rendent tous les jours à la place Mahamoud Harbi, à l’affut de nouveautés, souvent inutiles. Pour ces acheteuses compulsives, rien n’est trop beau pour célébrer ce mois comme il le faut.

Ces femmes, en perpétuelle compétition avec leurs voisines, aiment qu’on parle d’elles, et elles se lèvent le matin avec une idée en tête, comment dépasser les autres femmes du quartier ? Cette compétition dépasse parfois les limites de l’entendement, à se croire dans une série des années 50 où les épouses parfaites se faisaient concurrence. Elles oublient parfois que ce mois de piété est également le mois des privations, celui pour réapprendre au corps et à l’esprit, leurs limites.

Les minimalistes…

Pour certaines familles, le Ramadan permet aux mères de familles de souffler un peu et de passer moins de temps dans la cuisine. Pour le repas de la rupture du jeûne, elles optent pour l’option « fruits » plutôt que de l’habituel samboussa. Et puis, directement, l’on passe au diner, pas le temps de s’attarder sur les bagiyas, les beignets et autres fritures. Ces femmes choisissent de se consacrer pleinement à lire le Coran et faire des prières surégatoires plutôt de passer toute l’après-midi à faire l’iftar. L’essentiel étant certainement de passer plus de temps en famille ….

 Aicha, femme au foyer, mère de 6 enfants.

Chaque année, juste avant l’arrivée du mois béni, je me dispute avec mon mari pour qu’il me donne de l’argent en plus. C’est vrai que mes enfants ne sont pas très grands, et qu’ils ne comprennent pas l’importance de jeuner, mais le problème c’est mon mari. Il ramène tous les jours ses collègues de travail pour casser le jeune et commencer des séances de khat jusqu’à la prière du matin. Vous comprenez donc que je me dispute avec lui pour qu’il me donne des sous en plus. Mais c’est un véritable dialogue de sourd, j’ai beau crier, qu’il ne m’écoute pas. Je suis donc obligée de mettre de l’argent de côté pour nourrir toute ma famille et ses amis. Et puis je me pose toujours une question, pourquoi leurs épouses ne les cherchent pas ? C’est parce qu’elles ont compris qu’ils viennent tous « en bande » manger chez untel et que ça leur ferait des frais des plus. Elles ont bien raison, sur ce coup. Je suis donc obligée de les supporter et de préparer des tonnes de samboussas et tout ce qui va avec. Je me prépare à ce mois, en mettant parfois quelques sous de côté. Et j’avoue, les calculs ne me font pas du tout sourire.

Fathia, commerçante, mère de 3 enfants

Bien avant l’arrivée du Ramadan, je fais appel à une femme arabe qui habite à Ambouli. Je lui livre la farine, la viande hachée, les légumes et elle me prépare 600 samboussas pour tout le mois, à hauteur de 20 par jour. Je suis bien tranquille sur ce plan-là, car le plus difficile est déjà préparé. Une fois, les samboussas préparés, elle les emballe dans des sachets et je les mets au congélateur. Je suis rassurée car, je rentre à la maison qu’à 16h30. Juste le temps de préparer la table. Ma femme de ménage se charge du reste. Préparer les samboussas en avance me revient un peu cher, mais je n’ai pas le choix, je dois payer ma tranquillité d’esprit, car mon mari tient à en manger tous les jours. Pour lui, c’est un impératif.

Saharla, jeune mariée sans enfants

Nous ne sommes que deux et donc nous n’avons pas beaucoup de charge et pour le Ramadan, j’achète les pâtes préparées pour faire les samboussas. Rapidité et simplicité, donc, je ne me prends pas la tête et mon mari m’aide pour le reste. On mange souvent chez nos familles et nous dépensons donc très peu. Je vois mes amies et mes collègues de travail, rentrées plutôt pour préparer à manger. Elles achètent tous les jours, des fruits, des légumes…. Je les plains vraiment, car ce ne doit pas être facile de faire autant de dépenses. Toutes leurs conversations tournent autour des repas, des iftars… Elles invitent des membres de leurs familles à manger avec eux, et je les regarde en me demandant combien elles dépensent durant ce mois. Mais je crois qu’elles aiment ces moments de convivialité et qu’elles ne regardent pas les dépenses. Nous savons tous que c’est pour la bonne cause et que ce mois en vaut largement la peine.

N.Kadassiya