Dès les premiers bancs de l’école, les élèves djiboutiens, aussi loin qu’on s’en souvienne, ont toujours eu une fascination inégalée pour leurs maîtres ou maîtresses. Déjà, tout petit, si l’on demandait à n’importe quel élève ce qu’il voulait devenir quand il serait grand, sa première réponse était maitre ou maîtresse. Pourquoi cette réponse? Parce que tout simplement, nos enseignants, méchants ou pas, représentaient à nos yeux, un idéal, un modèle qui combinait savoir et maîtrise de son art. Cet article est dédié à nos anciens enseignants, qui pour certains nous ont quittés, mais qui ont laissé leurs empreintes sur les adultes que nous sommes devenus.

Qui parmi nous n’a jamais croisé au marché ou dans un restaurant son enseignant de l’école primaire, du collège, ou du lycée ? Dès qu’on les voit, on est penaud, on n’ose les approcher, tous les anciens souvenirs refont surface, et on se surprend, malgré nous, à chuchoter: «C’est Monsieur Ali ou Mme Fatouma». Malgré les années qui ont passé, on est toujours aussi « petits » devant eux. Car ces hommes et ces femmes ont bercé notre enfance, ils nous ont vu grandir, nous ont côtoyés des journées entières, ont supporté nos cris pendant toute une année scolaire.  Ils nous ont donné les repères qui nous servent de guide. Le fait de revoir leurs visages nous émeut toujours autant. Les années ont passé, ils ont vieilli, mais pour nous, adultes que nous sommes devenus, ils nous impressionneront toujours. Comment les oublier d’ailleurs ? Impossible d’effacer tout un pan de notre enfance et nos enseignants font partie intégrante de notre vie.

Une figure charismatique. Aussi longtemps que l’on se souvienne, toutes les petites filles voulaient ressembler à leurs maitresses et les petits garçons, à leurs maitres. On les admirait, on les regardait avec nos yeux d’enfants innocents comme des modèles. Ils nous impressionnaient avec leurs grosses sacoches remplies de cahiers et leurs chiffons. Ils étaient toujours là, avec une bienveillance inouïe, même les plus méchants d’entre eux d’ailleurs. Ces derniers étaient craints, bien plus que nos propres parents. Gare à ceux qui oubliaient un cahier ou un stylo, ceux-là savaient que leur journée ne serait pas toute simple. Pourtant, les années ont passé, et nos souvenirs restent toujours aussi vivaces. Rien ne les a altérés, pas même les punitions et les tonnes de « je ne dois plus jouer en classe » que l’on recopiait plus de 100 fois dans nos cahiers.

Au-delà de la transmission du savoir qu’ils nous ont inculqué, ils nous ont appris à rêver « grand », à nous surpasser, à oser. Alors, comment les remercier ?

Des figures de référence. Certains matins, nos maitres qui venaient nous enseigner avec leurs mines déconfites, nous surprenaient toujours, une fois la craie à la main. On les voyait arriver, tout en sueur et fatigués de transporter nos cahiers, mais une fois en classe, leurs visages s’éclairaient. Ils endossaient leurs capes de superhéros et leurs traits commençaient à s’illuminer. La magie de l’enseignement, me direz-vous. Car, ils savaient que, malgré la fatigue, toutes ces petites têtes étaient avides de savoir, et ils rangeaient très loin dans leurs têtes leurs soucis et l’épuisement qui les tenaillaient. Ils étaient là pour nous, pour nous apprendre, pour nous faire comprendre que c’est sur les bancs de l’école que se construit l’adulte de demain. Et quoi de plus beau. C’était comme si nos cris étaient devenus un shoot de bien-être, un médicament dont ils avaient besoin pour retrouver le sourire et oublier la difficulté de tenir cinq heures, une quarantaine d’élèves tous plus bruyants les uns que les autres. Ces années de notre enfance riment de pair avec nos enseignants. 40 ans plus tard, nous sommes tous capables de nous souvenir des noms de nos maitres et maitresses. Certains nous ont plus marqué que les autres, certes, mais ils restent tous pour nous des figures de référence inoubliables.

Un héritage sacré. Bien des années après, nos professeurs ne sont plus certes aussi fringants qu’avant, mais si jamais vous les croisez, ils se souviennent de chacun d’entre nous. Ils sont capables de vous remémorer vos bêtises d’enfant, même les plus insignifiantes, surtout pour nous. Ils ont tous gardé ce côté pédagogue et étrangement humain qui se fait rare de nos jours. Car, eux, ils enseignaient avec leurs tripes, ils aimaient cette proximité avec les élèves et des années plus tard, ils ont toujours en eux cette petite flamme dans leurs yeux, qui veut dire : « Je suis fier de l’adulte que tu es devenu. » Ils sont fiers de voir leurs anciens élèves surfer dans les hautes sphères de l’administration publique ou privée. Ils sont heureux de nous croiser, de discuter avec nous, de voir que, bien des années après, nous leur sommes infiniment reconnaissants de ces années de dur labeur. Nos réussites professionnelles sont, en grande partie, le fruit de leur travail et, au fur et à mesure des échanges, ils prennent conscience de l’impact positif qu’ils ont eu sur nous. Ces hommes et ces femmes, qui passent le plus clair de leurs journées dans des salles de classe bondées d’enfants, façonnent à leur manière les futurs ministres, députés, directeurs, cadres de l’administration ou simples ouvriers. Ils sont les premiers à déceler les talents cachés des uns et des autres, bien avant nos propres parents. Le temps qu’ils passent aux côtés de leurs élèves est non seulement dédié à l’éducation, mais aussi à la détection des talents cachés des uns et des autres. Untel est bon en français, il fera sûrement carrière dans le journalisme, unetelle est bonne en sciences, elle fera sûrement un bon médecin, ils savent avant tout le monde le domaine dans lequel nous évoluerons. Alors comment remercier ces hommes et ces femmes, qui, un jour, nous ont consolés, nous ont aidés, nous ont pris sous leurs ailes protectrices ? Un merci ne suffira jamais, ils font partie de notre vie, toute notre enfance a été bercée par leurs charismes et leur amour du métier d’enseignant. Car un enseignant, sait tout au fond de lui, qu’il détient l’avenir de ce petit enfant, qui peut être un jour réécrira l’histoire. Ils sont conscients de l’impact qu’ils ont sur leurs élèves, et quoi de plus beau, de plus noble que ce métier ? Enseigner ce n’est pas seulement transmettre un savoir, c’est façonner l’adulte de demain, celui qui fera que notre pays rayonnera encore plus dans les sphères internationales.

Cet article est dédié à tous nos anciens enseignants, ceux qui, un jour, se sont sacrifiés pour nous apprendre et nous inspirer à devenir meilleurs. Un hommage à tous les enseignants, les professeurs, qui sacrifient une part d’eux pour leurs élèves, ceux qui transpirent sous la chaleur des classes et qui malgré tout, transmettent leurs connaissances, et qui le font avec toute la bonté, la dignité et toute la sagesse possible. Enseigner, c’est écouter, partager, transmettre et surtout comprendre que chaque enfant est unique. Mais c’est aussi un métier prenant, harassant et pour cela, il est impossible de vous oublier, chers professeurs ! Hommage particulier à mon père, qui fut également l’un des premiers enseignants de notre pays.

N. Kadassiya