Introduit sous nos cieux dans les années 1960 par les colons, mais longtemps éclipsé par le football et l’athlétisme, le basketball, malgré les nombreux terrains aménagés dans les Centres de Développement Communautaires de la capitale et des régions de l’intérieur, peine encore à s’imposer. Porté toutefois par une fédération dynamique entourée de clubs, d’entraîneurs et de joueurs dévoués, le basket djiboutien tente depuis 2018 de retrouver sa place et de se frayer un chemin sur la scène des activités sportives nationales.

Reportage sur la renaissance progressive d’un sport en quête d’avenir.

Le basket-ball fait ses premiers pas à Djibouti dans les années 1960, dans un contexte modeste mais prometteur. Introduit par les militaires français, les expatriés installés dans la colonie et quelques étudiants djiboutiens revenus de l’étranger déjà séduits par cette discipline en plein essor à l’époque , ce sport commençait alors à tracer son chemin dans le paysage sportif local.

Les archives du journal ‘‘Le Réveil’’, ancêtre  de l’actuel quotidien ‘‘La Nation’’ en offrent un témoignage éloquent. On y découvre, dans des publications datant du 16 janvier 1965, des comptes rendus enthousiastes de tournois locaux et internationaux de basketball organisés à cette époque sous nos cieux.

Ces compétitions, encore artisanales mais d’une portée symbolique forte, rassemblaient des clubs locaux de l’époque tels que la Bonne Espérance, la Corne d’Afrique ou encore le Club Hellénique, véritable référence sportive. Les rencontres, souvent disputées en nocturne, attiraient l’hebdomadaire ‘‘Le Réveil’’ un public nombreux.

Disputé sur trois jours ( le vendredi, le samedi et le dimanche ), comme le rapportait Le Réveil en 1965, cet événement marqua une étape fondatrice, révélant la vitalité d’une jeunesse avide de compétition, de dépassement et de reconnaissance sportive. Ces pionniers, qu’ils soient joueurs, entraîneurs ou organisateurs, ont posé les premières pierres du basketball djiboutien.

Après l’indépendance, le basketball traverse une période d’ombre.

À cette époque, le football régnait en maître, et l’athlétisme offrait au pays ses plus grandes gloires sportives, à l’image de l’inoubliable marathonien Ahmed Salah. Le basketball, lui, se pratiquait sur les rares terrains disponibles : au collège de Boulaos, au lycée d’État, au stade municipal, dans la cité du Stade alors appelée cité Leer  ou encore sur certaines bases militaires.

Pourtant, dans l’ombre des stades, quelques passionnés refusaient de laisser mourir le ballon orange. Les premiers dribbles, tirs et dunks résonnaient dans le silence des playgrounds, et une petite communauté de jeunes joueurs entretenait l’espoir d’un futur pour cette discipline encore marginale. C’est dans les années 1980 qu’un nouveau souffle apparaît. Les établissements scolaires deviennent les foyers d’une renaissance. Au lycée d’État, au collège de Boulaos ou dans les quartiers populaires, les jeunes s’organisent, créent des équipes et improvisent des tournois interclasses. Sous l’impulsion d’enseignants passionnés et de jeunes avides de mouvement, les premiers clubs scolaires et amateurs voient le jour dans la capitale.

Cette effervescence scolaire jette les bases du développement futur du basketball national. Les compétitions interclasses, les premiers tournois des clubs naissants et les matchs amicaux permettent de détecter de jeunes talents et de susciter l’intérêt des encadreurs sportifs. Le gymnase du lycée d’État demeure le principal lieu de rencontre des adeptes du ballon orange. L’avènement de la NBA et l’émergence de stars planétaires comme Michael Jordan ou Shaquille O’Neal nourrissent le rêve américain à Djibouti et boostent la pratique de ce sport en vogue dans les années 1990 à 2000. Avec le soutien de la Fédération Djiboutienne de Basketball (FDBB), la discipline se structure progressivement par la suite. L’affiliation à la FIBA (Fédération Internationale de Basket-ball) ouvre la porte aux compétitions régionales pour les clubs locaux. Le lycée d’État abrite les rencontres des premières compétitions nationales. Les championnats interclubs remplissent les gradins, les jeunes s’affirment, et le basket devient peu à peu un espace d’expression et de cohésion sociale.

Les souvenirs de ces années pionnières restent vivaces dans la mémoire des jeunes de cette époque. « J’ai découvert le basket lorsque je suis entré en classe de 6ᵉ au collège de Boulaos », se souvient Ali Aden, ancien joueur de la génération 80. « On avait la passion. Le bruit du ballon rebondissant sur le ciment, les cris des camarades autour du terrain… c’était ça, notre joie. On jouait pour le plaisir, pour se dépasser » confie-t-il.

Chez les filles aussi, le basket suscite un réel enthousiasme, malgré les réticences sociales de l’époque. « Au début, certaines personnes trouvaient étrange de voir des filles courir, sauter et transpirer sur un terrain. Mais petit à petit, nous avons gagné le respect. Nous étions peu nombreuses, mais très motivées. Le basket nous donnait confiance, il nous faisait sentir libres  » se rappelle Deka Youssouf Moussa, une ancienne basketteuse du lycée d’État de Djibouti.

La Fédération Djiboutienne de Basketball (FDBB) multiplie par la suite les initiatives pour professionnaliser la discipline : création de clubs officiels, formation d’arbitres et de coaches, relance des compétitions féminines et jeunesse. Un effort qui a permis l’émergence de 12 équipes  de 1ere division, 10 équipes de 2ème division et 8 équipes féminines. Le pari est tenu par le président de cette fédération, Djilani Mohamed Doualeh, à la tête de l’institution depuis 2014. « Nous voulons placer le basketball djiboutien sur la scène africaine», a-t-il déclaré lors du lancement du championnat national 2022.

La montée en puissance des basketteuses

Longtemps relégué au second plan, le basketball féminin djiboutien connaît aujourd’hui une véritable ascension. Au cœur de ce renouveau, le club Zone et l’Association pour la Promotion du Basket-ball Djiboutien (APBD) jouent un rôle clé. Créé au début des années 2010 autour d’un terrain dans la Zone industrielle sud, ce collectif est devenu un vivier de talents.

À partir de 2021, les « Zonettes » intègrent les entraînements masculins, avant de constituer leurs propres équipes. Dès 2022, deux formations féminines sont créées et l’APBD prend en main leur encadrement.

En 2023, ces pionnières poursuivent leurs entraînements au Complexe du Roi Fahad à Balbala et participent à leur premier tournoi 3×3, où l’une des équipes remporte la finale à la Cité du Stade.

Leur persévérance paie : en 2024, elles affrontent les redoutables équipes féminines des Forces Françaises Stationnées à Djibouti (FFDJ) et du Camp Lemonnier, rivalisant désormais d’égal à égal. Leur progression spectaculaire symbolise l’émancipation et la résilience des jeunes sportives djiboutiennes.

Djibouti n’échappe pas à la vague mondiale du basket 3×3, discipline olympique née dans les rues américaines à la fin des années 1980. Dans les quartiers de Leer ou du terrain Aouled, les jeunes s’adonnent quotidiennement à ce format rapide et spectaculaire, joué sur un demi-terrain.

Le format 3×3, très prisé par la jeunesse, constitue un levier de développement rapide. Les partenariats avec la diaspora sportive et les fédérations voisines renforcent les échanges et permettent à la jeunesse djiboutienne de perpétuer la flamme allumée par les basketteurs des clubs sportifs Bonne Espérance, Corne d’Afrique……etc, des années 60.

Said Mohamed Hallato