
“Une école djiboutienne inclusive et performante au service du développement national”
La Nation : Monsieur le Ministre, bonjour, et merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien exclusif. Nous savons combien votre agenda est chargé, surtout en ce début d’année scolaire. À travers cet entretien, nous souhaitons permettre à nos lecteurs de mieux comprendre les priorités du MENFOP et les perspectives qui s’ouvrent pour le système éducatif djiboutien.
Moustapha Mohamed Mahamoud : (Sourire cordial) Bonjour, et soyez le bienvenu au Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle. C’est toujours un plaisir d’échanger avec La Nation, un journal de référence qui accompagne de près les grandes politiques publiques de notre pays. Vous avez raison. L’éducation est un pilier essentiel du développement national, et il est important que nos concitoyens soient bien informés des réformes et des efforts entrepris pour garantir à chaque enfant djiboutien une éducation de qualité.
Merci, Monsieur le Ministre. Commençons si vous le voulez bien. Monsieur le Ministre, l’éducation est au cœur du développement national. Quelles sont les grandes priorités que vous avez fixées pour l’année scolaire en cours et pour le moyen terme ?
(Sourire) Notre mot d’ordre pour cette rentrée est simple : la performance au service de l’équité. Nous voulons que chaque école, chaque enseignant et chaque élève progresse grâce à un accompagnement réel et mesurable.
La première priorité, c’est la qualité. Avec le Système d’Assurance Qualité, déjà en place dans plus de 60 écoles pilotes, les établissements peuvent s’autoévaluer, corriger leurs faiblesses et suivre leurs progrès. Cette démarche a déjà permis d’améliorer les résultats scolaires dans plusieurs régions.
La deuxième, c’est la formation et la valorisation de nos enseignants. Le Centre de Formation de l’Éducation Nationale a formé plus de 2 000 enseignants l’an dernier. En partenariat avec l’INSP et l’IHEFE de France, nous renforçons les compétences pédagogiques et managériales à tous les niveaux.
La troisième, c’est le pilotage moderne. Grâce aux plateformes GOSE et SMIS, nous disposons enfin de données fiables pour détecter les élèves en difficulté et agir avant le décrochage. Plus de 3 000 élèves ont déjà été accompagnés grâce à ce système.
Enfin, nous poursuivons la réforme du secondaire et l’effort sur les infrastructures : 40 établissements ont été construits ou réhabilités depuis deux ans, avec un accent sur la sécurité, les laboratoires et le numérique.
(Ton plus inspiré) En somme, nous entrons dans une nouvelle étape : une école djiboutienne plus performante, parce qu’elle est plus équitable, plus moderne et plus humaine. Notre objectif reste inchangé : que chaque enfant, où qu’il vive, ait les mêmes chances de réussir.
Quelles réformes pédagogiques et initiatives concrètes sont mises en œuvre pour rehausser le niveau des apprentissages ?
(Sourire, ton posé) Depuis plus de vingt ans, notre système éducatif s’est profondément transformé pour répondre à une exigence essentielle : que chaque élève, où qu’il vive, apprenne mieux et réussisse davantage. L’enjeu, c’est désormais la qualité des apprentissages, pas seulement la fréquentation scolaire.
Nous avons changé notre manière d’enseigner. Avec l’adoption de l’approche par compétences, les élèves apprennent en agissant, en réfléchissant, en collaborant. Les enseignants, formés à ces nouvelles pratiques, utilisent des méthodes plus vivantes : débats, projets, travail en groupe. Les programmes intègrent désormais la citoyenneté, la culture numérique, la prévention sanitaire et la découverte des métiers.
Les résultats sont là. Dans les écoles pilotes du Système d’Assurance Qualité (SAQ), les taux de réussite en lecture et en mathématiques ont augmenté en moyenne de 12 points en deux ans. À Balbala et Ali Sabieh, les évaluations montrent que les élèves comprennent mieux les consignes et participent plus activement en classe. Des enseignants rapportent aussi une baisse du redoublement et une meilleure motivation des élèves, notamment dans les classes du primaire.
Le Forum national sur la qualité des enseignements-apprentissages, organisé sous le haut patronage du Président de la République, a également permis de mobiliser toute la communauté éducative autour de cette ambition. Ses recommandations ont conduit à la création de l’Observatoire de la Qualité des Enseignements et des Apprentissages (OQEA), un outil qui nous aide désormais à mesurer concrètement les progrès et à identifier les établissements où un appui spécifique est nécessaire.
Nous avons aussi lancé des programmes de remédiation pour les enfants en difficulté. Par exemple, le dispositif Teaching at the Right Level, mis en œuvre avec la JICA et l’UNICEF, a permis à plus de 4 500 élèves en retard d’acquisition de retrouver le niveau attendu en lecture et calcul en moins d’un an. C’est un changement concret : des enfants qui décrochaient retrouvent aujourd’hui confiance et goût d’apprendre.
(Sourire plus affirmé) L’école djiboutienne avance. Chaque jour, des enseignants innovent, des élèves progressent, des classes s’animent. Ce que nous construisons ensemble, c’est une école du progrès et de la confiance — une école qui donne à chaque enfant la chance de réussir et de se construire un avenir digne.
Quelles actions votre ministère entreprend-il pour renforcer les capacités du corps enseignant et valoriser son rôle ?
(Ton calme et assuré) Je le dis souvent : aucune école ne peut être meilleure que ses enseignants. C’est pourquoi la valorisation du corps enseignant reste au cœur de notre action. Le véritable enjeu, c’est d’offrir à chaque enseignant les conditions d’exercer pleinement son métier, avec compétence, reconnaissance et motivation.
Nous avons donc agi en conséquence : la Politique nationale de l’enseignant, adoptée en décembre 2020, redéfinit droits, devoirs et carrière. Le nouveau Statut unique des enseignants met désormais la Licence comme condition d’entrée, harmonise les grilles salariales, sécurise les parcours professionnels et introduit des perspectives de promotion plus claires. . En trois ans, plus de 1 200 enseignants ont bénéficié d’avancements de grade ou de reclassements. Par ailleurs, le programme national de professionnalisation a permis à plus de 2 500 enseignants d’obtenir un diplôme reconnu, grâce à des formations diplômantes en partenariat avec l’INSP et l’Université de Djibouti.
Nous avons également lancé un dispositif d’accompagnement de carrière, qui favorise la mobilité vers l’inspection, la direction d’établissement ou l’encadrement pédagogique. Ces mesures renforcent la motivation et la stabilité du personnel enseignant.
(Sourire, ton chaleureux) Notre ambition est claire : faire du métier d’enseignant un choix de fierté nationale. Parce que valoriser l’enseignant, c’est valoriser l’avenir de Djibouti.
Quelles mesures ont été prises pour adapter l’offre de formation professionnelle aux priorités économiques du pays ?
La formation professionnelle est au cœur de notre stratégie pour l’emploi des jeunes et le développement du pays. Notre ambition est simple : former autrement, pour former utile. Nous voulons que chaque jeune Djiboutien, qu’il soit diplômé ou non, trouve dans notre système une voie concrète vers l’emploi, la qualification ou la reconversion.
Nous avons engagé une réforme profonde de la formation professionnelle et technique, en partant des besoins réels du marché du travail. Aujourd’hui, nous formons pour les métiers d’avenir — logistique, maintenance, énergies renouvelables, numérique, hôtellerie ou bâtiment — en lien avec la Vision 2035 et les grands chantiers économiques du pays.
Nos centres de formation professionnelle, à Ali Sabieh, Tadjourah et Obock notamment, ont été modernisés et dotés d’équipements performants. De nouvelles filières innovantes, comme la maintenance des véhicules électriques ou la gestion des systèmes solaires, préparent déjà les jeunes aux métiers de demain.
Un autre axe essentiel, c’est le partenariat avec le secteur privé. Les entreprises participent désormais à la conception des programmes, accueillent des stagiaires et recrutent directement les jeunes formés. Grâce à des programmes de formation avec les entreprises soutenus par l’AFD, l’Union européenne ou la GIZ, des milliers de jeunes ont acquis une première expérience professionnelle et ont pu être insérés rapidement à l’issue de leur formation.
Où en est le ministère dans l’intégration des technologies numériques dans les écoles et la formation professionnelle ?
À Djibouti, nous considérons le numérique comme un levier d’équité et de qualité éducative. Notre enjeu est clair : permettre à chaque élève, où qu’il vive, d’accéder aux mêmes ressources d’apprentissage grâce à la technologie.
Aujourd’hui, nous accélérons la transformation digitale du système éducatif. Plus de 120 établissements sont déjà connectés à la fibre, et le programme Écoles connectées, conduit avec Djibouti Télécom, s’étend progressivement dans toutes les régions. Le projet DFN (Djibouti Fondation Numérique ) a permis d’équiper les lycées et centres de formation professionnelle de matériels informatiques modernes, tandis que le CRiPEN produit désormais des ressources éducatives libres accessibles en ligne pour les enseignants et les élèves.
Les résultats sont concrets : près de 50 % des enseignants utilisent régulièrement des supports numériques, et l’apprentissage à distance, initié pendant la pandémie, s’est pérennisé dans plusieurs établissements pilotes.
Notre perspective est ambitieuse : d’ici 2027, toutes les écoles pilotes seront connectées et chaque enseignant bénéficiera d’une formation certifiante au numérique éducatif. Le numérique n’est pas une option ; c’est la voie pour bâtir une école djiboutienne plus moderne, inclusive et performante.
L’éducation inclusive est une ambition affichée du gouvernement. Quelles initiatives sont prévues pour mieux accueillir les enfants en situation de handicap et garantir leur droit à l’éducation ?
L’inclusion éducative est l’un des engagements les plus forts du gouvernement djiboutien, porté par la vision du Président de la République, Son Excellence Ismaïl Omar Guelleh : bâtir une école pour tous, sans distinction d’origine, de genre, de statut social ou de handicap. Pour nous, l’inclusion n’est pas un slogan, c’est une exigence de justice et de cohésion nationale.
Sous la conduite du MENFOP, cette ambition s’est traduite par des actions concrètes. Depuis 2021, la Stratégie nationale du handicap guide notre politique d’éducation inclusive. Elle a permis l’ouverture d’écoles pilotes inclusives dans toutes les régions, la mise à jour du Système d’Information pour la Gestion de l’Éducation (SIGE) pour mieux suivre les enfants à besoins spécifiques, et le renforcement du fonds national pour l’adaptation des infrastructures scolaires. Aujourd’hui, plus de 4 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés, contre moins de 500 il y a dix ans, et plus de 300 élèves bénéficient d’un encadrement spécialisé au Centre éducatif pour enfants à handicaps multiples.
Une avancée majeure réside aussi dans le développement du concept d’école rurale intégrée. Ces établissements, implantés dans les zones isolées, combinent enseignement, cantine, internat, soins de santé de base et espaces communautaires. Ils offrent une réponse concrète aux défis de la distance et de la pauvreté. Aujourd’hui, plus de 25 écoles rurales intégrées accueillent environ 7 000 élèves, contribuant à réduire l’abandon scolaire et à renforcer l’égalité des chances entre la ville et la campagne.
Enfin, l’inclusion concerne aussi les enfants réfugiés, déscolarisés et les filles. Grâce aux partenariats avec le HCR, l’UNICEF et l’UNESCO, le taux d’accès à l’école des enfants réfugiés dépasse 85 %, et la parité filles-garçons atteint 0,97 au primaire.
À Djibouti, l’école n’exclut personne : elle donne à chaque enfant, où qu’il vive, les moyens d’apprendre, de s’épanouir et de construire l’avenir du pays.
« L’inclusion n’est pas un slogan, c’est une exigence de justice et de cohésion nationale. À Djibouti, l’école n’exclut personne. »
Comment votre ministère favorise-t-il le partenariat avec les familles et la société civile ?
Je crois profondément que la réussite de l’école ne se joue pas seulement dans les salles de classe, mais aussi dans le lien qui unit l’école, les familles et la communauté. C’est pourquoi nous avons fait de la co-responsabilité éducative un pilier de notre action.
Concrètement, les parents participent désormais activement à la vie de l’école, à travers les comités de gestion, les journées portes ouvertes systématiques, les campagnes de sensibilisation et les rencontres régulières avec les enseignants. Cette dynamique porte ses fruits : le taux d’implication parentale dans les réunions scolaires a augmenté de 40 % en cinq ans, preuve que la confiance et le dialogue s’installent durablement.
Nous travaillons aussi main dans la main avec les ONG locales, les associations de parents d’élèves et les leaders communautaires, pour co-construire des projets éducatifs ancrés dans les réalités du terrain.
En 2024, plusieurs écoles pilotes ont même expérimenté pour la première fois des budgets participatifs, gérés avec les communautés. C’est une étape importante vers une gouvernance scolaire plus transparente et partagée.
En perspective, il s’agit de renforcer encore la co-responsabilité éducative, développer la médiation sociale et promouvoir la bonne gouvernance locale. Parce qu’un élève entouré par sa famille, ses enseignants et sa communauté, c’est un élève mieux ancré, plus confiant et plus ouvert à la réussite.
« Notre mot d’ordre pour cette rentrée est simple : la performance au service de l’équité. Nous voulons que chaque école, chaque enseignant et chaque élève progresse grâce à un accompagnement réel et mesurable. »
Comment le ministère veille-t-il à renforcer l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs républicaines ?
L’éducation à la citoyenneté est au cœur de notre projet d’école. Nous voulons que chaque élève, dès le plus jeune âge, apprenne à vivre ensemble, à respecter les autres et à comprendre les valeurs qui fondent notre République. C’est pourquoi des modules sur la citoyenneté, la tolérance et la connaissance des institutions sont désormais intégrés à tous les cycles, du primaire au secondaire.
Mais au-delà des cours, nous faisons vivre ces valeurs à travers des actions concrètes. En 2024, 25 établissements pilotes ont organisé des clubs de débat, des journées de service civique et des actions communautaires — du nettoyage de quartier à la plantation d’arbres, en passant par des campagnes de solidarité. Plus de 10 000 élèves y ont participé activement, et les premiers résultats sont très encourageants : une baisse sensible des tensions et un meilleur climat scolaire dans les écoles concernées.
Notre ambition, maintenant, est de généraliser ces initiatives à toutes les régions, multiplier les partenariats avec les associations et les collectivités, et former chaque élève à l’engagement concret. Parce qu’une école citoyenne, c’est d’abord une école ouverte sur la société, qui éduque à la responsabilité, à la paix et à la cohésion nationale.
« Aucune école ne peut être meilleure que ses enseignants. Valoriser l’enseignant, c’est valoriser l’avenir de Djibouti. »
« Continuons à croire en notre école, à la faire grandir, car une école forte, c’est une Nation forte. »
Monsieur le Ministre, avant de conclure cet entretien, j’aimerais vous poser une question un peu plus personnelle… (pause) Après tout ce que nous avons évoqué — les réformes, les projets, les ambitions pour l’école djiboutienne — quel message, du cœur, souhaitez-vous adresser aujourd’hui aux élèves, aux enseignants, et aussi aux parents ? (Regard attentif, ton calme) Qu’aimeriez-vous leur dire, à la veille de cette nouvelle étape du système éducatif national ?
(Sourire, ton sincère) Merci… parce qu’au fond, tout ce que nous faisons, c’est pour nos enfants et nos familles. À nos élèves, je veux dire : croyez-en vous. Chaque effort compte, chaque réussite est une victoire pour vous et pour Djibouti. L’école, c’est votre tremplin vers l’avenir. Aux enseignants, j’exprime toute ma gratitude. Vous êtes les bâtisseurs silencieux de la République. Votre engagement fait grandir notre école et mérite respect et reconnaissance. Et aux parents, je dis merci. Votre présence à nos côtés est essentielle : l’éducation, c’est une responsabilité partagée entre l’école, la famille et la Nation. (Pause, ton inspirant) Continuons à croire en notre école, à la faire grandir, car une école forte, c’est une Nation forte. Bonne rentrée à toutes et à tous !
Merci, Monsieur le Ministre, pour votre disponibilité et la clarté de vos réponses.
Merci à La Nation pour son engagement au service de l’information constructive. L’éducation est une responsabilité partagée — et chaque dialogue comme celui-ci renforce notre ambition commune : une école djiboutienne inclusive et performante.











































