Vingt-cinq ans après la Conférence historique d’Arta qui avait ouvert la voie à la réconciliation et à la reconstruction de l’État somalien, le Président de la République, Ismaïl Omar Guelleh, est revenu, ému et solennel, sur les lieux où s’était levé l’espoir. Devant les invités réunis dans la ville  d’Arta, il a rendu hommage à l’esprit de 2000, rappelant que « la paix de la Somalie est née ici, sur cette terre de dialogue et de fraternité». Dans un discours empreint de mémoire et de lucidité, le Chef de l’État a salué les avancées remarquables du voisin somalien (désormais membre du Conseil de sécurité de l’ONU ) tout en invitant la jeunesse et la diaspora à préserver cet héritage de paix. Pour le Président  Ismaïl Omar Guelleh, l’anniversaire d’Arta n’est pas seulement un retour sur le passé, mais un rappel de responsabilité collective : celle de continuer à croire à la fraternité entre Djibouti et la Somalie, et à la capacité des peuples de la région à choisir la voie de la concorde sur celle du conflit.

L’événement qui nous réunit aujourd’hui est un formidable témoignage de l’histoire. Il y a vingt-cinq ans, ici même à Arta, un effort monumental, engagé par Djibouti, a posé les jalons de la restauration des institutions de gouvernance somaliennes. Cet effort, né d’une vision lucide et d’un devoir moral, a permis de ramener la République sœur de Somalie sur le chemin de la paix et de lui rendre sa place légitime dans le concert des Nations.

Mais au-delà du succès politique, l’initiative d’Arta s’est distinguée par un principe fondamental : placer les Somaliens eux-mêmes au cœur du processus, comme acteurs et maîtres de leur propre destin. C’est cette philosophie qui a fait d’Arta un modèle de réconciliation endogène et un symbole durable de fraternité régionale.

Si nous revenons à ces jours de l’an 2000, le souvenir est encore vivant.

Arta n’était alors qu’un modeste espace de rencontre, une tente dressée sur les hauteurs, devenue le berceau d’un immense espoir.

À cette époque, la région traversait une période de transition difficile. La Somalie, notre grande sœur, s’était effondrée sous le poids d’une guerre civile interminable et d’une absence d’État qui avaient bouleversé le monde entier.

Djibouti, fidèle à ses valeurs de solidarité et de paix, ne pouvait rester indifférente. Nous avons choisi d’agir, non pas pour imposer une solution, mais pour offrir un espace neutre où la voix somalienne pouvait renaître.

Cette démarche, nous l’avons portée jusqu’à l’Assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2000, pour éveiller la conscience du monde et l’alerter sur les dangers du chaos somalien. L’appel de Djibouti a trouvé un écho : la communauté internationale a répondu présente, et le peuple somalien, à l’intérieur du pays comme dans la diaspora, a répondu avec ferveur et dignité. C’est ainsi qu’a pu se tenir, ici, la Conférence de la Paix d’Arta, qui a rassemblé toutes les composantes de la société somalienne : les chefs traditionnels, les oulémas, les femmes, les jeunes, les intellectuels, les anciens et les représentants des clans.

Tous ont parlé, écouté, pardonné et décidé ensemble.

De ce dialogue sincère est née une charte nationale, une constitution provisoire et un gouvernement de transition, avec à sa tête le Président AbdiqassimSalad Hassan. Ce fut un moment historique, une renaissance saluée par toute l’Afrique et le monde entier.

Je n’oublie pas les acteurs de cette épopée, ceux qui sont parmi nous aujourd’hui, mais aussi ceux que le destin a rappelés à Dieu. Qu’Allah leur accorde Sa miséricorde et les accueille dans Son Paradis. Vingt-cinq ans plus tard, alors que nous célébrons cette mémoire collective, nous pouvons affirmer avec fierté que les fruits d’Arta ont porté.

La Somalie, qui avait retrouvé son siège aux Nations Unies, siège aujourd’hui au Conseil de sécurité, participant pleinement aux décisions qui concernent la paix mondiale. C’est là un symbole fort du retour de ce grand pays sur la scène internationale.

Mais cet anniversaire est aussi un moment de réflexion.Il nous invite à méditer sur la fragilité de la paix et sur le devoir de la préserver.

Notre continent africain connaît encore des foyers de tension, des conflits fratricides et des divisions qui entravent notre développement collectif.

Pour l’avoir vécu dans sa chair, notre région sait mieux que quiconque que la guerre a un coût, mais que la paix, elle, n’a pas de prix. C’est pourquoi nous devons transformer cette mémoire en institution vivante. Le Mémorial que nous inaugurons aujourd’hui ne sera pas seulement un lieu de souvenir : il deviendra une école de la paix, un centre de recherche, de dialogue et de formation. Nous voulons qu’il porte le nom de « Arta Peace Institute (API) », un institut voué à façonner les consciences, à promouvoir une culture de tolérance et à prévenir les conflits avant qu’ils ne surgissent. L’Institut d’Arta sera un espace de savoir et de réflexion, un lien entre les peuples, un symbole de la diplomatie du dialogue et de la réconciliation. Il formera une nouvelle génération de leaders, de chercheurs et de médiateurs capables de répondre aux défis contemporains avec intelligence et humanité.

Chers invités,

Ce vingt-cinquième anniversaire n’est pas une simple commémoration. Il est une promesse renouvelée : celle de continuer à croire en la paix, à la fraternité entre Djibouti et la Somalie, et à la capacité des Africains à bâtir leur avenir par la parole plutôt que par la violence.

Je m’adresse ici à la jeunesse somalienne et djiboutienne :

Vous êtes les héritiers d’une histoire de courage et de persévérance. Le destin de nos nations repose désormais entre vos mains. Ne laissez pas les erreurs du passé ni les divisions tribales briser votre avenir.

Soyez les gardiens de la paix et les bâtisseurs d’une Afrique réconciliée.

Je m’adresse aussi à la diaspora somalienne : Vous êtes les ambassadeurs de vos peuples à travers le monde. Votre savoir, votre expérience et votre réussite sont des atouts précieux pour la reconstruction de votre patrie.

Ne laissez jamais la distance ou la différence devenir des barrières : au contraire, faites-en des ponts entre les cultures, entre les peuples, entre les cœurs.

Enfin, à tous les dirigeants somaliens, passés et présents, je veux redire ma confiance. Vous aimez votre pays, et vous avez tous, à votre manière, œuvré pour sa stabilité.

Aujourd’hui, je ne vous dis plus : « Aidez-moi », mais bien : «Aidez-vous les uns les autres ».

Préservez votre unité, renforcez vos institutions et ne replongez pas votre peuple dans la souffrance. Ensemble, poursuivons l’œuvre commencée à Arta et faisons de cette paix un héritage durable pour les générations à venir.