Parmi les dossiers qui attendent Mahamoud Ali Youssouf, président fraîchement élu de la Commission de l’Union africaine, figure l’« Agenda 2063 », un programme ambitieux porté par l’Union africaine et qui entend propulser le continent dans la transformation économique, la prospérité et l’intégration. Mais comment parler d’industrialisation, d’infrastructures modernes, de libre-échange et d’éducation quand le fracas des armes couvre encore les voix de la raison dans tant de pays ?

Pour mettre en œuvre l’Agenda, il est primordial de s’attaquer d’abord au projet « Faire taire les armes en Afrique », un projet lui aussi dans les cartons de l’Union africaine. Adopté avec l’objectif de ramener la paix en Afrique d’ici 2020, il s’est heurté à la triste réalité des guerres interminables,de la Corne de l’Afrique au Sahel, du bassin du Congo à la Libye. Au lieu de s’apaiser, l’instabilité ne cesse de gagner du terrain.

Regardons les faits en face : au Soudan, une guerre fratricide plonge la population dans le chaos. En République démocratique du Congo, les affrontements persistent, alimentés par des appétits voraces. L’insécurité règne presque partout au Sahel où des milices armées sont en action. Quant aux coups d’État militaires, ils ont ressurgi avec force en Afrique de l’Ouest.

Dans ces conditions, « Faire taire les armes en Afrique » ne saurait être un slogan. C’est une nécessité absolue car, sans paix, il n’y a pas de développement. Comment bâtir des économies solides lorsque des millions de déplacés errent sans repères ? Comment parler de gouvernance quand des États sont en ruines? L’Afrique n’aura aucun avenir radieux tant qu’elle n’aura pas résolu ses conflits internes. Les discours enflammés sur l’Agenda 2063 sonnent creux si, dans le même temps, l’on reste incapable de faire taire les kalachnikovs qui dictent leur loi sur des territoires entiers.

Le nouveau président de la Commission de l’Union africaine a une mission primordiale : replacer la paix au cœur des priorités. Cela exige un sursaut collectif, une fermeté diplomatique et des mécanismes contraignants pour sanctionner tout État qui soutient ou entretient des conflits. L’Union africaine doit cesser d’être un simple spectateur et prendre les devants, en imposant des solutions africaines à ces crises africaines.

L’Agenda 2063 ne sera qu’une chimère si l’hémorragie des guerres n’est pas stoppée. La paix n’est pas un luxe, elle est la condition sine qua non du progrès. Faire taire les armes est le premier et le plus grand chantier de l’Afrique.