Abdoulkader Kamil Mohamed

Premier ministre

À l’occasion du Forum mondial de l’alimentation et de l’initiative Main dans la main 2025, le Premier ministre, S.E.M. Abdoulkader Kamil Mohamed, a présenté la vision de notre pays pour un développement agroalimentaire durable, inclusif et résilient. Il a souligné le rôle stratégique de Djibouti en Afrique de l’Est, les opportunités d’investissement offertes et l’importance centrale de la jeunesse dans la transformation du secteur primaire. Il a également appelé à une coopération internationale renforcée pour relever les défis de la sécurité alimentaire et du changement climatique.

C’est pour moi un honneur de m’exprimer au nom de la République de Djibouti à l’occasion de ce Forum mondial de l’alimentation et de l’investissement de l’initiative Main dans la main. Je souhaite, avant toute chose, saluer le 80ᵉ anniversaire des Nations Unies, dont l’action visionnaire demeure une source d’inspiration pour l’humanité.

Je tiens également à exprimer la reconnaissance du gouvernement et du peuple djiboutiens à l’endroit de la FAO pour le lancement de cette initiative ambitieuse, fondée sur la solidarité, l’investissement et la transformation durable des systèmes agroalimentaires. En plaçant l’humain au cœur du développement, la FAO contribue activement à l’éradication de la faim, à la réduction de la pauvreté et à la lutte contre les inégalités.

Mesdames et Messieurs,

La République de Djibouti, située à la jonction de l’océan Indien et de la mer Rouge, occupe une position géostratégique exceptionnelle. Carrefour maritime entre l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, elle constitue un maillon essentiel du commerce international et un débouché naturel pour les pays enclavés de la région, notamment l’Éthiopie. Grâce à des investissements soutenus, Djibouti s’est dotée d’infrastructures modernes : ports performants, réseau ferroviaire reliant directement Addis-Abeba, routes régionales de qualité, télécommunications de pointe et aéroport international. Ces atouts font de Djibouti une plateforme logistique et commerciale incontournable, mais aussi un pôle d’investissement sûr et compétitif.

« Investir dans l’agriculture et la pêche, c’est investir dans la paix, la stabilité et la dignité des populations. »

Notre pays s’est également doté d’un cadre juridique et fiscal attractif. Le code des investissements garantit aux entrepreneurs nationaux et étrangers des conditions transparentes et avantageuses : exonérations fiscales sur les bénéfices et la patente, liberté d’entreprendre, transfert libre des capitaux et stabilité monétaire grâce à la parité fixe du franc djiboutien avec le dollar américain. Djibouti, c’est la stabilité dans un environnement régional en mutation.

Mais au-delà du commerce, Djibouti entend devenir un modèle de résilience agricole en Afrique de l’Est. Conscient des défis climatiques et de la dépendance alimentaire, notre gouvernement a engagé une politique ambitieuse pour transformer durablement le secteur primaire. Avec le soutien de la FAO et de nos partenaires, nous avons identifié quatre domaines d’investissement prioritaires :

– Le premier concerne le développement du palmier dattier. Notre consommation nationale dépasse 2 000 tonnes par an, mais la production locale reste marginale. L’objectif est de créer 1 000 hectares de palmeraies modernes avec des unités de conditionnement et de conservation, afin de répondre à la demande locale et régionale.

– Le deuxième axe porte sur la production maraîchère sous serres et tunnels climatisés. En produisant localement 25 % des légumes consommés, nous réduirons la dépendance aux importations et renforcerons la sécurité alimentaire.

– Le troisième volet est celui de l’aquaculture. Avec ses 370 km de côtes, Djibouti dispose d’un potentiel considérable. En créant des écloseries et des bassins, nous ambitionnons de doubler la production halieutique nationale et de développer une filière durable, créatrice d’emplois.

Enfin, la construction d’un abattoir moderne, conforme aux normes internationales, permettra de valoriser les productions animales locales et d’ouvrir de nouvelles perspectives d’exportation vers les marchés de la région MENA.

Ces investissements ne se limitent pas à l’économie. Ils traduisent la vision d’un Djibouti résilient, souverain dans sa sécurité alimentaire et soucieux d’offrir à sa jeunesse des emplois décents et durables.

Mesdames et Messieurs,

La jeunesse représente la force motrice du changement et du développement durable. À la jeunesse djiboutienne comme à celle du monde, je veux dire : le secteur agricole, l’élevage, la pêche et la valorisation de nos ressources naturelles ne sont pas des métiers du passé, mais les fondations de notre avenir commun.

Nous devons redonner à la terre, à la mer et à l’innovation leur place centrale dans les politiques économiques. Investir dans l’agriculture, c’est investir dans la paix, la stabilité et la dignité. Djibouti s’engage à accompagner sa jeunesse dans cette voie par la formation, l’encadrement et l’accès au financement.

Nous savons que le changement climatique pèse lourdement sur nos agricultures. Sécheresses, érosions côtières, inondations et ravageurs menacent la sécurité alimentaire.

Ces défis appellent une réponse collective et innovante. C’est pourquoi Djibouti soutient pleinement l’action de la FAO en faveur de la transition technologique et de la diffusion de solutions numériques adaptées. L’intelligence artificielle, la blockchain et les outils de suivi climatique doivent être mis au service de la productivité durable et de la préservation des ressources. Mais cette transformation exige des financements à la hauteur des ambitions. J’en appelle donc à une mobilisation renforcée des institutions financières internationales, des fonds climatiques et des investisseurs privés. Le secteur primaire des pays du Sud ne doit plus être perçu comme une zone de risque, mais comme un champ d’opportunités. Chaque dollar investi dans la sécurité alimentaire est un investissement dans la paix mondiale.

Mesdames et Messieurs,

À la jeunesse du Nord comme à celle du Sud, je veux rappeler que les défis agricoles sont universels : changement climatique, volatilité des marchés, endettement, raréfaction des terres, vieillissement des actifs. Les jeunes agriculteurs du Nord doivent continuer à innover, à produire sans épuiser, à partager leurs savoirs et à coopérer avec ceux du Sud. C’est dans cette solidarité intergénérationnelle et internationale que se trouve l’espoir d’un avenir durable.

« Ensemble, transformons la solidarité internationale en actions concrètes au service de la sécurité alimentaire et du développement durable. »

Dans nos champs, nos villages, nos rivages et nos innovations se trouvent les solutions de demain. La jeunesse mondiale a le pouvoir de transformer ses ressources en richesses, ses défis en opportunités et ses rêves en réalités. Ensemble, faisons du secteur primaire le cœur battant d’un développement inclusif et équitable.

Mesdames et Messieurs,

La République de Djibouti offre un cadre unique pour l’investissement. Aucune obligation de partenariat local n’est imposée, et la liberté de rapatriement des bénéfices est garantie. Notre gouvernement reste déterminé à poursuivre les réformes économiques, fiscales et structurelles pour assurer la durabilité et la transparence des projets.

L’initiative Main dans la main n’est pas seulement une opportunité : c’est une nécessité pour transformer nos systèmes agroalimentaires, lutter contre le changement climatique et atteindre les Objectifs de développement durable. Djibouti est prête à marcher main dans la main avec l’ensemble de ses partenaires, dans un esprit de solidarité, de responsabilité et d’action concrète.

Je renouvelle ici mes remerciements à la FAO et à tous nos partenaires techniques et financiers pour leur appui constant. Ensemble, construisons un monde libéré de la faim, plus équitable, plus résilient et plus solidaire.

Vers une éducation au développement durable intégrée à Djibouti

À l’occasion de la Journée nationale de l’innovation et de la recherche-action, qui s’est tenue du 5 au 6 octobre à l’Ayla Grand Hôtel sous le haut patronage du Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, la communauté éducative s’est réunie pour échanger autour des pratiques novatrices menées dans les établissements scolaires du pays. Ces journées ont offert un espace de dialogue entre chercheurs, praticiens et décideurs, avec pour objectif de favoriser la diffusion et la mise en discussion des résultats des projets pilotes et expérimentations conduits dans différents établissements. Le CFEN, le CRIPEN ainsi que plusieurs partenaires internationaux tels que l’AUF et l’OIF ont contribué activement à ces échanges.

Il est indéniable que les enseignants jouent un rôle déterminant dans la construction du goût d’apprendre chez les élèves. L’“effet professeur” demeure un levier essentiel dans la quête du savoir et dans l’accompagnement des apprenants vers la réussite.L’école de demain exige de ses enseignants qu’ils se réinventent, qu’ils innovent et expérimentent. Enseigner ne doit pas se réduire à la simple transmission de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être ; enseigner est un art, au même titre que l’art culinaire ou l’art de la guerre. L’enseignant est un artisan du savoir, un créateur pédagogique qui a besoin d’une liberté créatrice pour remplir pleinement sa mission. Cette liberté pédagogique, encadrée par les orientations institutionnelles, est indispensable pour former des élèves libres et responsables. Comme le rappelle le chercheur André

Tricot : « Je crois que l’innovation pédagogique correspond à des réalités différentes, de la plus petite et précise […] à la plus grande et générale. Le moteur des petites innovations précises est bien entendu le génie de chaque enseignant […] Le moteur des grandes idées pédagogiques innovantes est, d’après moi, le plus souvent une tentative de répondre à la question : comment enseigner sans exercer de contrainte alors que, par définition, l’enseignement est l’exercice d’une contrainte, notamment de temps et de lieu. »

Pour Tricot, l’innovation pédagogique permet à l’enseignant de surmonter les contraintes propres à sa réalité, non par des recettes universelles, mais par des réponses locales, contextualisées et issues du terrain.

Une innovation djiboutienne : “Expérimenter une Éducation au Développement Durable systémique”

Dans ce contexte, la communauté de pratique Éducation au Développement Durable (EDD), dirigée par M. Hassan Miguil, formateur au CFEN, et M. Jean-François Malavielle, coordinateur de Global Reporters et enseignant au lycée Montaigne de Paris, accompagnés de M. Osman Ali Soubaneh et Mme Zeinab Abdi, enseignants au collège bilingue d’Ali Sabieh, ont présenté une innovation intitulée : “Expérimenter une Éducation au Développement Durable systémique à Djibouti”.

« L’éducation n’est pas une île isolée de la sphère politique et économique ou de la philosophie. C’est un pilier fondamental du processus de changement structurel vers le vivre bien. »

— Fernando Huanacuni, 2010

Fernando Huanacuni souligne ici que l’éducation est profondément liée aux autres dimensions de la société : la politique, l’économie, la culture et la philosophie.

Elle ne fonctionne pas de manière autonome ou déconnectée du monde réel.

L’éducation façonne les citoyens et oriente le type de société que l’on veut construire.

– Les politiques éducatives dépendent des choix économiques et des idéologies politiques.

– L’école prépare les futurs acteurs sociaux, économiques et politiques. Ainsi, éduquer, c’est déjà faire un acte politique, car cela détermine les rapports de pouvoir, les valeurs partagées et la manière de vivre ensemble

Cette initiative vise à préparer les apprenants djiboutiens à l’éco-responsabilité et à valoriser les efforts concrets réalisés sur le terrain dans plus de vingt établissements scolaires du pays.

Elle s’inscrit dans le cadre du C.A.P Monde (Climat Action Plan), un réseau international réunissant la France, le Sénégal, le Maroc et l’Allemagne. Ce programme propose des parcours autour de thématiques comme la biodiversité, les déchets, les transports ou l’énergie, afin d’aider les élèves à comprendre les enjeux socio- environnementaux de leur territoire.

Les élèves deviennent ainsi acteurs de leurs apprentissages, réalisant des études de cas et publiant leurs travaux sur la plateforme Global Reporters. En 2024, trois élèves du lycée de Damerjog – Hélène Abdourazak Mohamed, Deksane Djilani Moussa et Robleh Elmi Farah – ont vu leurs productions valorisées à l’international.

De l’EDD linéaire à l’EDD systémique

Traditionnellement, l’EDD à Djibouti se limitait à des initiatives ponctuelles : actions de tri, plantations, journées vertes, souvent portées par quelques enseignants motivés. Le nouveau dispositif rompt avec cette approche fragmentée en proposant une co- construction interdisciplinaire mobilisant enseignants, élèves, chefs d’établissement et partenaires locaux autour de diagnostics partagés. L’outil central, l’Hexathlon, permet d’évaluer les éco-gestes selon six thématiques : déchets, eau, énergie, biodiversité, transport et santé. Ces données servent de base à la planification d’actions concrètes telles que plantations d’arbres, créations artistiques, théâtre écologique ou campagnes de tri sélectif.

Une recherche-action au service des apprentissages

L’expérimentation repose sur une méthodologie rigoureuse, articulant les dimensions institutionnelle, pédagogique et communautaire :

– Planification institutionnelle : chaque école participante élabore un plan d’action annuel, coordonné avec les instances éducatives.

– Dimension pédagogique : les enseignants conçoivent des séquences contextualisées, liant théorie et action, favorisant le transfert des apprentissages et le développement de l’esprit critique.

Les premiers résultats sont encourageants : plus de 70 % des élèves impliqués ont amélioré leur compréhension des enjeux climatiques et modifié leurs comportements quotidiens.

Des résultats prometteurs

Les écoles pilotes observent une mobilisation accrue et une transformation des pratiques enseignantes :

– Les enseignants deviennent facilitateurs de projets.

– Les élèves participent activement à la conception et à l’évaluation des actions.

– La communauté scolaire s’engage autour d’objectifs communs, créant une dynamique locale durable.

Les activités phares, telles que la plantation d’arbres ou le recyclage créatif, valorisent la biodiversité locale tout en renforçant le sentiment d’appartenance à un projet collectif.

Perspectives : faire de l’EDD un pilier de l’éducation djiboutienne

L’équipe projet souligne l’importance de pérenniser cette démarche en formant davantage d’enseignants, en consolidant la coordination interdisciplinaire et en intégrant l’EDD dans les référentiels officiels.

Hassan Miguil : « L’école de demain doit former des citoyens capables de comprendre les interactions entre société, économie et environnement. L’EDD systémique est une voie d’avenir pour

Djibouti. »

Jean-François Malavielle : « Ce partenariat illustre la force des coopérations éducatives internationales : penser globalement, agir localement. »

Osman Ali Soubaneh et Zeinab Abdi : «L’efficacité du dispositif repose sur la formation continue et le suivi-évaluation. »

La République de Djibouti subit de plein fouet les effets du changement climatique : inondations récurrentes, hausse des températures, sécheresses prolongées. La société doit s’adapter à ces mutations profondes.

L’école, moteur du changement social, doit être au cœur de cette adaptation. Les défis écologiques se gagnent ou se perdent à l’école. Celle-ci doit continuer à enseigner les fondamentaux — lire, écrire, compter, maîtriser les langues et transmettre les valeurs de la République (Unité, Égalité, Paix) — mais aussi former des éco-citoyens responsables, capables de relier les gestes quotidiens aux enjeux planétaires.

L’exemple du Japon montre que l’éducation peut devenir un puissant levier d’écocitoyenneté : apprendre à connaître, à agir et à assumer une responsabilité environnementale. Aujourd’hui, l’école djiboutienne a le devoir et la responsabilité de contribuer activement à cette transition écologique nationale.