
Au lendemain de son indépendance, Djibouti s’est donné pour ambition de bâtir une école nationale capable d’accompagner son développement et de renforcer sa cohésion sociale. Mais c’est au cours de la décennie 1999-2009 que cette ambition a véritablement pris corps, avec la mise en œuvre d’une réforme éducative globale, structurée et porteuse de transformations profondes. Cette période, considérée aujourd’hui comme la phase fondatrice du système éducatif moderne, a posé les bases d’une école plus accessible, plus équitable et mieux adaptée aux réalités du pays.

Une réforme pensée dans la durée. Lorsque la réforme a été lancée en 1999, le constat était clair : l’école djiboutienne devait être reconstruite sur des bases solides et durables. Le système souffrait de nombreux dysfonctionnements – taux de scolarisation faible, manque d’infrastructures, pénurie d’enseignants formés, absence de pilotage cohérent. Face à ces défis, le gouvernement a choisi d’inscrire l’action éducative dans une stratégie décennale, articulée autour d’une vision claire : garantir à chaque enfant l’accès à une éducation de qualité et faire de l’école le moteur du développement humain.
Cette orientation s’est traduite dès 2000 par la formulation d’un Document de stratégie pour l’éducation couvrant la période 2000-2010. Fruit d’une large concertation, ce document fixait des priorités concrètes : généraliser l’accès à l’enseignement de base, améliorer la qualité des apprentissages, renforcer la formation des enseignants et adapter les structures du ministère aux nouvelles exigences. La réforme s’est ainsi imposée comme une démarche progressive, cohérente et continue, portée par une forte volonté politique.

Un cadre institutionnel renforcé. L’une des premières avancées de la réforme fut la restructuration du ministère chargé de l’éducation. Le MENFOP a vu son organisation modernisée et ses missions clarifiées. De nouvelles directions ont été créées, notamment celles dédiées à la planification, à l’évaluation et à la formation du personnel. Cette réorganisation visait à doter le système éducatif d’un appareil administratif plus efficace, capable de planifier, de suivre et d’évaluer les politiques publiques de manière rigoureuse.
Le rôle de coordination entre les différents services a été renforcé, et une plus grande place a été accordée à la décentralisation, grâce à la création des Directions régionales de l’éducation nationale (DREN). Ces structures ont permis de rapprocher la gestion du système éducatif des réalités locales et d’assurer une meilleure réactivité face aux besoins des établissements et des communautés.
Le défi de l’accès à l’éducation. L’universalisation de l’enseignement de base constituait le pilier central de la réforme. Entre 1999 et 2009, le pays a connu une véritable explosion du nombre d’écoles et de salles de classe. Des infrastructures modernes ont été construites dans toutes les régions, permettant à des milliers d’enfants supplémentaires d’accéder à l’école. Cette politique d’expansion a été accompagnée d’un programme ambitieux de réhabilitation et d’équipement des établissements existants. L’objectif était double : rapprocher l’école des populations et garantir un environnement d’apprentissage digne et sécurisé. Le ministère a également favorisé la création d’écoles communautaires dans les zones rurales et nomades, contribuant ainsi à réduire les disparités géographiques.
Les efforts déployés ont porté leurs fruits : le taux brut de scolarisation au primaire a connu une progression spectaculaire, passant de moins de 40 % à la fin des années 1990 à plus de 80 % dix ans plus tard. Cette avancée traduit la détermination de l’État à faire de l’éducation un droit universel et non un privilège.
La priorité donnée à la formation des enseignants. La réussite d’une réforme éducative repose avant tout sur la qualité du corps enseignant. Conscient de cet enjeu, le gouvernement a mis en place un dispositif national de formation visant à professionnaliser le métier d’enseignant. La création du Centre de Formation des Enseignants de l’Enseignement Fondamental (CFEEF) a marqué un tournant majeur dans cette dynamique.
Ce centre, devenu une institution de référence, a permis de structurer la formation initiale et continue, en introduisant de nouvelles méthodes pédagogiques fondées sur l’approche par compétences, la gestion participative de la classe et l’évaluation formative. Des modules spécifiques ont été développés pour accompagner les enseignants dans la mise en œuvre des nouveaux programmes et dans l’usage progressif des technologies éducatives. En parallèle, le ministère a instauré des plans de carrière et des dispositifs d’accompagnement pour encourager la motivation et la stabilité du personnel éducatif. Ces mesures ont contribué à renforcer la professionnalisation du corps enseignant et à améliorer la qualité de l’enseignement dispensé.
La réforme des programmes et la modernisation pédagogique. L’un des chantiers les plus déterminants de cette décennie fut la refonte des programmes scolaires. Le MENFOP a entrepris un travail de fond pour adapter les curricula aux besoins du pays, en mettant l’accent sur les compétences de base et la contextualisation des contenus. De nouvelles disciplines ont été introduites, notamment l’éducation civique, les sciences de la vie et de la terre, et les technologies de l’information. L’apprentissage des langues a également fait l’objet d’une attention particulière : l’enseignement du français et de l’arabe a été consolidé, tout en reconnaissant l’importance des langues nationales dans les premières années de scolarité, afin de faciliter l’acquisition des savoirs fondamentaux.
Les manuels scolaires ont été révisés ou produits localement, dans une logique d’appropriation nationale. Cette réforme des contenus a permis de faire émerger une pédagogie plus participative et centrée sur l’élève, rompant avec les méthodes frontales héritées de l’époque coloniale.
Une éducation au service de l’équité et du développement. Tout au long de cette période, la politique éducative a intégré une dimension sociale forte. L’équité entre les sexes est devenue une priorité transversale. Des campagnes de sensibilisation ont été menées pour promouvoir la scolarisation des filles, et des internats ont été créés dans les régions éloignées pour leur permettre de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions.
Le gouvernement a également développé des programmes d’appui pour les enfants issus de milieux défavorisés, notamment à travers la distribution de fournitures, la mise en place de cantines scolaires et la réduction des coûts indirects liés à la scolarisation. Ces mesures ont contribué à réduire les abandons scolaires et à favoriser la réussite pour tous. L’éducation inclusive, pour les enfants à besoins spécifiques, a également commencé à se structurer durant cette décennie, posant les premiers jalons d’une école accessible à tous, sans discrimination.
Le rôle moteur des partenaires. La réussite de la réforme éducative des années 2000 tient aussi à la qualité du partenariat entre le gouvernement et ses différents acteurs. Les organisations internationales telles que l’UNICEF, l’UNESCO, la Banque mondiale ou encore l’Agence Française de Développement (AFD) ont accompagné le processus, en apportant leur expertise technique et leur appui financier. Mais au-delà de l’aide extérieure, c’est l’appropriation nationale du projet qui a fait la différence. Les communautés locales, les associations de parents d’élèves et les enseignants se sont impliqués activement dans la mise en œuvre de la réforme. Cette synergie entre État, société civile et partenaires a permis d’ancrer durablement les changements engagés.
Bilan d’une décennie de construction. Entre 1999 et 2009, Djibouti a réussi à poser les fondations d’un système éducatif cohérent et performant. Les résultats sont indéniables : un réseau scolaire étendu, une professionnalisation accrue du corps enseignant, des programmes modernisés et une gouvernance renforcée. L’école djiboutienne est devenue plus inclusive, plus structurée et mieux orientée vers les besoins du développement national. Cette décennie a marqué le passage d’un système en crise à une institution stable et en pleine expansion.
Pour autant, la réforme ne s’est pas arrêtée là. Elle a ouvert la voie à de nouvelles perspectives : l’amélioration continue de la qualité, la diversification des filières, l’intégration du numérique et la promotion de l’enseignement technique et professionnel.
Une décennie fondatrice tournée vers l’avenir. La période 1999-2009 restera comme celle de la refondation, mais aussi du passage à la maturité d’un système éducatif désormais en phase avec les ambitions du pays. En investissant massivement dans l’éducation, Djibouti a choisi de miser sur son capital humain comme levier principal de développement.
La décennie fondatrice de la réforme a permis d’ériger un modèle éducatif résilient, adapté à la société djiboutienne et ouvert aux mutations du monde contemporain. Aujourd’hui encore, les politiques éducatives en vigueur s’inscrivent dans la continuité de cette vision, celle d’une école républicaine au service de la nation et de son avenir.











































