Du 20 au 22 novembre, la capitale marocaine Rabat a accueilli une conférence internationale sur le Droit à l’Information à l’épreuve du numérique. La Commission Nationale de la Communication y a été représentée par son Président, M. Ali Mohamed Dimbio. Organisée par la Haute Autorité de Communication du Maroc, la conférence a réuni les membres des Instances des  Régulateurs Audiovisuels des pays Africains (RIARC).

Pendant trois jours d’affilée, les conférenciers ont débattu sur les risques systémiques qui pèsent sur le droit à l’information dans le contexte de l’écosystème numérique.

Il faut dire que le Continent Africain accuse beaucoup de retard et beaucoup de vulnérabilités face à la transformation numérique qui sévit à une vitesse vertigineuse et qui bouleverse les équilibres et les paramètres de la communication. Les réflexions des participants à la conférence se sont concentrées sur ce constat teinté de pessimisme si les pays Africains ne convergent pas leur politique de réglementation du numérique pour contrecarrer le Tsunami de Fakes news et de désinformation qui sature la toile et les réseaux sociaux.

« Ces plateformes ont transformé l’information en objet de consommation. Ceci constitue une menace sérieuse sur le développement cognitif des citoyens ».

Face à cette situation, le Réseau des Instances Africaines des Régulateurs de la Communication (RIARC) essaie de sonner l’alarme pour que l’intégrité de l’information ne se délite pas dans « l’ingénierie manipulatoire » mise en place par les grandes plateformes numériques. Car de plus en plus, ces plateformes, qu’on a l’habitude de qualifier sous l’acronyme GAFAM, utilisent des outils sophistiqués comme les algorithmes, les chatbots ou encore l’intelligence artificielle pour modeler l’information et l’intégrer à un circuit économique ou idéologique. D’où le danger sur le Droit à l’Information, un principe fondamental vital pour le fonctionnement démocratique d’une société ainsi que pour sa cohésion culturelle. Intervenant sur un des panels de la conférence, le Président de la Commission Nationale de la Communication, monsieur Ali Mohamed Dimbio a d’ailleurs dénoncé cette mainmise des grandes plateformes comme tiktok, google et meta sur la diffusion des contenus numériques.

« Ces plateformes ont transformé l’information en objet de consommation. Ceci constitue une menace sérieuse sur le développement cognitif des citoyens ».

Le Président Dimbio a poursuivi son exposé en encourageant « d’une part les médias classiques à s’engager dans la guerre d’une information de qualité et d’autres part les régulateurs Africains à produire des normes et des réglementations qui contraignent les plateformes numériques à injecter de l’éthique et de la responsabilité dans la modération des contenus».

Soulignons que la conférence a débouché sur la déclaration de Rabat sur la Protection du Droit à l’Information à l’Ere Numérique.

« L’Afrique doit organiser une riposte face au désordre informationnel généré par les plateformes numériques » déclare le Président de la  CNC, M. Ali Mohamed Dimbio.

Après sa participation à une  Conférence internationale sur le Droit à l’Information à  Rabat,  , le Président de la Commission Nationale de la Communication (CNC), M. Ali Mohamed Dimbio, tire une sonnette d’alarme : l’Afrique ne peut plus rester spectatrice face au chaos informationnel que génèrent les grandes plateformes numériques. Le responsable djiboutien, également membre actif du Réseau des Instances Africaines de Régulation de la Communication (RIARC), appelle les États du continent à une réaction collective et structurée, à l’image de ce qu’ont entrepris l’Union européenne et d’autres blocs régionaux. Son message est clair : la protection de l’intégrité de l’information n’est plus un luxe, mais une nécessité démocratique vitale.

Interview.

Monsieur le Président, vous venez d’assister à la conférence internationale de Rabat sur le Droit à l’Information à l’épreuve du numérique. Quel était l’objectif de cette conférence ?

Cette conférence réunissait le Réseau d’Instance des Régulateurs Africains (RIARC) autour d’un thème bien précis qui est le Droit à Information.

Car nous constatons que l’écosystème numérique fait peser une menace existentielle sur l’intégrité de l’Information. Ce n’est pas une préoccupation propre à l’Afrique mais nous observons que les autres Continents essaient de s’organiser en mettant en place des dispositifs techniques ou juridiques pour que l’Information reste une denrée démocratique, en en garantissant l’accessibilité mais surtout l’intégrité.

Pourquoi les pays Africains ne s’organisent pas à leur tour ?

Très bonne question. Nous, en tant que régulateurs des médias, nous voulons sensibiliser l’opinion et les dirigeants politiques sur la nécessité d’organiser une riposte continentale face aux plateformes GAFAM qui, aujourd’hui, avec des algorithmes, décident d’invisibiliser ou de surexposer une information par rapport à une autre. Au lieu de faire un tri sélectif éthique ou tout  simplement objectif dans la diffusion des informations, les plateformes les subordonnent à une économie de l’attention. Ce qui génère des dérapages qui ont pour noms fakes news, discours de haine, désinformation…

Comment remédier à ce constat tragique ?

Le désordre informationnel, s’il n’est pas combattu, peut être source de déstabilisation sociale et sociétale. Il peut même mettre en péril le fonctionnement démocratique dans son ensemble. Il ne faut pas perdre de vue que l’information est avant tout un bien public. Garantir ce statut à l’information, c’est le sortir des griffes du GAFAM qui la monnayent comme un objet de consommation. C’est très difficile à faire qu’à dire car aujourd’hui les plateformes monopolisent les circuits de diffusion sur l’espace numérique. Mais l’Afrique doit sortir de ce désordre informationnel en parlant d’une même voix face au GAFAM comme l’a fait l’Union Européenne.

Concrètement quelles mesures entreprendre ?

Il faut instaurer un rapport de force avec le GAFAM. Car aujourd’hui un pays seul ne peut rien faire face à la force de frappe de ces mastodontes numériques. Notre Continent a des atouts : une force démographique et une puissance économique en devenir. Nos dirigeants doivent en prendre conscience. C’est pourquoi il faut prendre des initiatives au niveau de l’Union Africaine, comme l’a fait l’Union Européenne, pour que les plateformes numériques ne soient pas des déversoirs de haine, de fakes news et des propagandes. Et il y a urgence en la matière !