Dans ce livre intitulé “Currency Board (caisse d’émission) à Djibouti : Quelles implications économiques ?”  M. Moustapha Aman, enseignant chercheur en économie,  apporte des éclairages sur l’efficacité de la caisse d’émission de Djibouti. Ces travaux mettent en exergue les mécanismes à l’origine de cette longévité exceptionnelle.

La République de Djibouti possède l’unique Currency Board (caisse d’émission) existant depuis 1949 sur le continent africain. Sa longévité dans un contexte de libre circulation des capitaux offre une expérience unique et extrêmement riche d’enseignements.

L’échec de la caisse d’émission d’Argentine, introduite à travers la loi de convertibilité de 1991, pose en effet la question de la pérennité de ce régime monétaire. Comment expliquer que certains pays aient réussi à le maintenir quand d’autres n’y sont pas parvenus ?

L’ouvrage apporte des éclairages sur cette question en évaluant l’efficacité de la caisse d’émission de Djibouti, confrontée à des contraintes différentes selon les époques.

L’ouvrage s’organise sous la forme de 4 parties dont certaines ont fait l’objet de publications scientifiques.

La première partie est consacrée à la présentation des soubassements théoriques du régime monétaire et à ses spécificités dans le cas de Djibouti, petite économie caractérisée par une exportation des ressources non tangibles (services géostratégiques).

La deuxième partie se propose d’expliquer l’exceptionnelle longévité de la caisse d’émission. Deux études économétriques sur séries temporelles sont proposées. La première teste avec succès l’hypothèse selon laquelle les transferts internationaux informels de fonds, mesurés par une variable approchée, accroissent l’efficacité du mécanisme d’ajustement automatique. En effet, il apparaît qu’un tel mécanisme est à l’oeuvre uniquement lorsque les transferts informels sont contrôlés dans le modèle de court terme à correction d’erreurs (MCE). La deuxième étude traite de l’impact de la fuite des capitaux sur la stabilité du régime monétaire.

L’auteur estime empiriquement la fuite des capitaux en utilisant la méthode résiduelle, construit les indicateurs d’instabilité monétaire, et teste différents modèles économétriques en tenant compte du cadre institutionnel et de la corruption. Les résultats montrent que le Currency Board dans le cas de Djibouti est entièrement déterminé par les mouvements de capitaux (licites et illicites), à la différence des autres Currency Boards où les flux commerciaux jouent un rôle non-négligeable. Enfin, une approche géopolitique complète la partie en expliquant la pérennité du Currency Board via une analyse d’économie politique du système monétaire. L’auteur cherche à montrer que le Currency Board dans le cas de Djibouti est un instrument permettant la gestion de la rente géostratégique par un réseau d’acteurs nationaux (notamment les élites locales) et multinationaux (notamment les grandes puissances et les banques). Il défend l’utilisation des concepts théoriques d’espace et de réseau et émet l’hypothèse que l’espace monétaire dans lequel se déploie le Currency Board représente un intermédiaire entre les réseaux nationaux et multinationaux permettant la stabilité de l’espace géostratégique et la gestion de la rente.

La troisième partie est consacrée à la construction inédite d’une Matrice de Comptabilité Sociale (MCS). L’auteur explique en particulier comment il a contourné les difficultés liées au manque d’information statistique et comptable.

Enfin dans la quatrième partie, l’auteur simule les effets des flux de capitaux à travers un modèle d’équilibre général calculable (MEGC). Les résultats préliminaires montrent que la hausse de la « rente géostratégique » est favorable à la croissance mais détériore la compétitivité de l’économie (« paradoxe des transferts »). La construction d’un modèle EGC dans le cas de Djibouti peut être particulièrement utile pour le décideur.

KI