Les juges de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples sont en mission de séduction dans notre pays. Objectif : obtenir la ratification du protocole portant sur sa création et le dépôt de sa déclaration.

La salle des conférences de l’institut des études diplomatiques était noire de monde hier, à l’occasion du séminaire de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, visant à convaincre les autorités publiques et les forces vives de la société civile du bien-fondé de la ratification du protocole portant création de la CADHP et du dépôt de la déclaration y afférente.

Des officiels de la haute administration publique, des parlementaires, des représentants de la société civile, des diplomates et des hauts fonctionnaires internationaux ainsi que des organisations non gouvernementales et des journalistes des médias locaux ont fait le plein pour suivre les présentations et le plaidoyer des juges de cette cour panafricaine.

Le président de la Commission nationale des droits de l’homme, Saleban Omar Oudine, a ouvert les travaux du séminaire. Il a rappelé d’emblée l’engagement permanent de la République de Djibouti en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme, mission dévolue à son institution sous la houlette du ministère de la Justice. Il a profité de l’occasion pour mettre en lumière le travail formidable abattu par son institution qui rend des comptes au chef de l’Etat sur toutes les observations et les constations en lien avec le respect et l’évolution des droits de l’homme. Un exercice de reddition de compte que la CNDH et le gouvernement assurent de manière périodique devant les instances onusiennes en charge des droits de l’homme à Genève.

Des propos repris par le secrétaire général du ministère de la Justice, Maki Abdoulkader Omar, qui a mis l’accent sur l’attachement de la RDD aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Il a rappelé que notre pays a inscrit les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme et celles de la charte Africaine des Droits de l’homme comme partie intégrante de la Constitution. Il a ajouté que « notre pays est l’un des rares pays au monde à avoir ratifié la quasi-totalité des instruments internationaux et régionaux en matière des Droits de l’homme. Il a enfin précisé que le ministère de la Justice en charge des droits de l’homme s’appuie sur la CNDH et le comité interministériel pour la mise en œuvre de tous les instruments et l’élaboration des rapports transmis aux organes des traités. Il a conclu en annonçant que le « gouvernement va entreprendre une large consultation des différents acteurs (société civile, barreau, académiciens, religieux) avant de se prononcer sur la ratification du protocole portant création de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples et le dépôt de la déclaration. A l’issue des déclarations officielles, Chafika Bensaoula, juge à la CADHP, a repris le message du président de la Cour avant de présenter les missions et les réalisations de cette institution judiciaire. 

Qu’est ce que la CADHP ?

La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Cour) est une cour régionale créée par les pays africains afin d’assurer la protection des droits de l’homme et des peuples, des libertés et des devoirs en Afrique. Elle complète et renforce les fonctions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples..

La Cour a été créée en vertu de l’article 1 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (le Protocole).

En septembre 1995, un projet de document sur la Cour africaine des droits de l’homme a été élaboré à l’issue d’une réunion d’experts organisée au Cap, en Afrique du Sud, par le Secrétariat de l’OUA, en collaboration avec la Commission africaine et la Commission internationale des Juristes.

Le 10 juin 1998, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), réunie à Ouagadougou, Burkina Faso, a adopté le Protocole à la Charte africaine portant création de la Cour africaine. Le Protocole est entré en vigueur le 25 Janvier 2004, après avoir été ratifié par plus de 15 pays.

À ce jour, seulement trente (30) États ont ratifié le Protocole. Il s’agit de l’Algérie, du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, de la Côte d’Ivoire, des Comores, du Congo, du Gabon, de la Gambie, du Ghana, du Kenya, de la Libye, du Lesotho, du Mali, du Malawi, du Mozambique, de la Mauritanie, de Maurice, du  Nigéria, du Niger, du Rwanda, de la République arabe sahraouie démocratique, de l’Afrique du Sud, du Sénégal, de la Tanzanie, du Tchad, du Togo, de la Tunisie,  l’Ouganda et la République du Cameroun.

Le Protocole établissant la Cour africaine prévoit qu’une fois qu’un État a ratifié le Protocole, il doit aussi faire une déclaration spéciale acceptant la compétence de la Cour africaine pour permettre aux citoyens se saisir directement la Cour. À ce jour, neuf pays seulement ont fait une telle déclaration. Ces pays sont le Benin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, le Malawi, le Mali,  la Tanzanie et la Tunisie.

La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte), du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par les Etats concernés.

A l’issue des présentations, les participants ont pu avoir des échanges avec les juges et les juristes de la CADHP pour mieux cerner les rôles et les missions de cette institution judiciaire.

MAS

Le point avec…Abdoulkader Hassan

Avocat au barreau de Djibouti 

« Djibouti est signataire des principales conventions et traités régionaux et internationaux en matière des droits humains. L’article 37 de sa constitution dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie et de sa conformité avec les dispositions pertinentes du droit des traités. Sans préjudice du paragraphe précédent, la ratification ou l’approbation d’un engagement international comportant une clause contraire aux dispositions pertinentes de la Constitution ne peut intervenir que postérieurement à la révision de celle-ci. Il va sans dire qu’en cas de contradictions entre la Constitution et les instruments régionaux et internationaux que le pays a ratifiés, des modifications seront apportés au texte fondateur. Il me parait donc évident que l’engagement et l’attachement de notre pays aux droits humains conduiront à une ratification du protocole portant création de la CADHP. Il est donc important de vulgariser les conventions régionales des droits de l’homme et notamment envers les magistrats qui sont amenés à faire prévaloir ces instruments sur les lois nationales. Il va de soi que les voies de recours internes soient toutes épuisées avant de saisir la cour africaine des droits des l’homme et des peuples. J’aimerais souligner également que le nombre élevé des requêtes auprès de la cour et la lenteur dans le traitement des affaires ne montre pas un bon exemple aux juridictions nationales».